Il y a toujours le risque quant un récit s'intéresse aux moeurs des artistes célèbres : celui d'en oublier l'art lui-même. Et bien pour une fois, c'est réussi. Je ne sais pas si cela est dû au fait que cette bande dessinée soit réalisée par un duo de graphistes et non par un duo graphiste/scénariste mais connaissant la sensibilité et la délicatesse des deux, ça ne m'étonnerait pas.
Ce récit est centré sur un personnage de l'entourage de Léonard de Vinci, Salaï, amant, modèle et élève du maître, personnage ayant laissé derrière lui une assez mauvaise réputation. L'histoire ne cherche pas à le rendre sympathique, il est hautain, orgueilleux entre autres défauts, mais aussi très sensuel.
Les auteurs sont parvenus à déplacer l'intérêt de l'histoire sur un autre plan que la simple biographie, grâce au graphisme tout en velouté, en matières tactiles. Les problèmes de techniques, d'inspiration, de commandes, de volonté de créer, d'objectifs surgissent à travers les traits, les couleurs. Des illustrations en double page de
Benjamin Lacombe viennent agrémenter le récit, inspirés des tableaux du maître, en se les appropriant, leur donnant un aspect précieux et envoûtant, un peu féérique, les personnages sont déformés sans que cela soit du blasphème, au contraire, il leur rend un hommage teinté de respect et d'admiration, en faisant découvrir d'autres facettes de l'oeuvre. le travail de
Paul Echegoyen est plus historique, l'architecture y est très présente, mais le rêve est toujours très ancré. L'ensemble dérive vers une forme de fantastique, ce n'est pas la réalité historique qui compte, mais c'est une manière de raconter la sensibilité de l'artiste, ancré dans une époque, une façon de vivre, une relation amoureuse…
Cela donne un livre merveilleux…