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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le Goût des jeunes filles, Dany Laferrière
Ecrit par Marie-Josée Desvignes dans La Cause Littéraire
Dany Laferrière nous a habitués à ses titres provocateurs et dès son premier roman, Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer, l'insolence, l'humour et l'ironie amère étaient au rendez-vous, des traits que l'on retrouve chez nombre d'auteurs haïtiens, un peu comme pour souligner la nécessité de prendre la vie dans sa « générosité » avec une insouciance et un réel appétit de vivre, qui tient sans doute à la lucidité de ce peuple soumis régulièrement à des épreuves et des traumatismes et à leur force de vie aussi. Dans Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer, avec une intrigue centrée sur la drague, Dany Laferrière mettait en scène l'abstinence sexuelle de Bouba, colocataire du narrateur qui cite le Coran à tout bout de champ pour s'interdire de faire l'amour (« Allah est grand et Freud est son prophète »). Ce texte irrésistiblement drôle cache comme toujours chez Laferrière un discours beaucoup plus politique sur la négritude, et est délibérément basé sur les rapports exogènes entre noirs et blanches et celui des classes et des races ; il était le pendant de celui-ci.

Publié initialement en 2005 chez Grasset, le Goût des jeunes filles, au titre proustien pour un texte ultra-réaliste, rempli d'humour et dont chaque titre de chapitre est sous l'égide du poète Magloire Saint-Aude, nous donne à lire une sociologie du désir amoureux au féminin, avec une version féminine aussi de la vie en bande du côté des filles. Il y a la bande à Miki et il y a Marie-Michèle qui appartient au milieu huppé de la société de Port-au-Prince, qui se mêle aux autres filles, « des rôdeuses, des moqueuses, des paresseuses, des prostituées qu'il rêvait de rencontrer quand il avait quinze ans », celles de la rue donc, pour en finir avec l'hypocrisie de sa classe qui bien que minoritaire opprime le reste du peuple.

L'exilé haïtien a croisé durant toute son adolescence ces jeunes femmes pleines de vie et d'insolence, instigatrices de son goût pour l'amour, la poésie, la révolte. Avec un retour à ses quinze ans, le souvenir de ces femmes-là va pousser le narrateur à revenir le temps d'un week-end à retrouver les instants précieux mais aussi dangereux qu'il a vécus dans ce quartier.

On est en 1968 en plein régime Duvalier et ses tontons macoutes qui rodent partout dans les rues de Port-au-Prince. Si danger, il y a, il n'est pas de ce côté-ci de la rue.

Ton insolent pour jeunes filles insolentes qui semblent n'avoir peur de rien et auxquelles aucun homme ne résiste, véritables déesses de l'amour. Ces jeunes filles qui vivent de l'autre côté de la rue, le narrateur leur laissera la parole tout du long. Elles sont cinq. Paillardes, provocantes, libres de leur corps et riches de leur sensualité, cachant dans leur arrogance la peur qui rôde. Et il y a Marie-Michèle, cette jeune fille bourgeoise donc, bien élevée, qui fraye avec ces délurées, qui nous livre son quotidien dans un journal intime. L'enfer n'est pas toujours là où on le croit et le temps d'un week-end le narrateur va vivre au milieu des angoisses liées à la dictature, des moments de grâce qui vont lui faire paraître cet enfer comme un paradis. Mais pour ces jeunes filles qui se livrent à corps perdus et avec arrogance aux jeux de l'amour pour exister, dans le fracas, au milieu du désastre, quelle véritable relation à leur corps, quelle vie que la leur, faussement enchantée et enchanteresse ? le lecteur qui lit et vit au rythme de ces filles langoureuses qui ne parlent que de désir et de sexe peut-il oublier complètement que les amants de ces filles sont des êtres sanguinaires à la solde d'un dictateur. Lorsque la sublime Pascaline s'offre au « marsouin », est-ce pour le frisson du désir ou pour espérer ainsi un moyen de revoir son frère disparu. Quoi qu'en semble éprouver le narrateur de quinze ans qui, le temps d'un week-end, oublie lui aussi que partout dans la vie règnent la peur et l'horreur.

L'impertinence caractérise l'homme libre, le poète, le rêveur. « C'est simple, pour empêcher un Haïtien de rêver, il faut l'abattre » écrivait Laferrière dans Vers le sud. Procès de la compromission de la littérature de son pays qu'incarne la figure du poète Magloire pourtant tant apprécié de l'auteur, et procès de la cupidité de la bourgeoisie minoritaire égoïste au sort des plus pauvres, le Goût des jeunes filles est surtout une chronique de la vie haïtienne.

Marie-Josée Desvignes
Lien : http://www.lacauselitteraire..
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Je trouve le titre de ce livre particulièrement bien choisi. Dany Laferrière nous raconte l'histoire d'un jeune garçon vivant avec sa mère et ses quatre tantes juste en face de la demeure d'une jeune femme qui reçoit quotidiennement ses cinq amies. Ainsi que leurs courtisans... Cela fait six jeunes femmes qui aiment la musique, la danse, s'amuser, qui entrent et sortent, vont et viennent sous les yeux de ce garçon bientôt adulte.
Et puis un jour, à cause d'une mauvaise blague de son copain Gégé, cet adolescent demande à se cacher chez ces jeunes filles. Et là, il a beau se réfugier dans la lecture, il ne peut rester insensible à tous ces charmes.
Dany Laferrière nous dépeint avec justesse et délicatesse deux mondes totalement différents en Haïti : celui des beaux quartiers de Pétionville et celui de filles de Port-au-Prince, qui passent directement de l'âge de l'enfance à celui, impitoyable, du monde adulte. Il a vécu entouré de ces femmes (ses tantes, ses voisines) et nous dévoile avec tact leurs réalités, leurs envies, leurs épreuves, leurs amours.
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A Port-au-Prince dans les années 70, un adolescent élevé par des femmes, son père étant en exil politique, est traqué par des « marsouins » (maquereaux) et doit se cacher dans la maison de sa belle et jeune voisine, Miki. Discret, passant son temps à lire des livres, Dany voit évoluer la bande d'amies de Miki, délurées, sensuelles, joyeuses, querelleuses, impertinentes. Pasqualine, d'une beauté irrésistible, Choupette, effrontée, Marie-Michelle, la grande bourgeoise en immersion qui tient un journal, Marie-Edna, Marie-Flore.
Le livre fait vivre la liberté et la sensualité de ces jeunes filles, les émois de Dani, l'atmosphère de Port-au-Prince qui apparaît comme une ville très animée et pas aussi cadenassé qu'on pourrait le croire par les Tontons Macoute.
La joie de vivre, l'humour de DL sont bien là, sa profondeur aussi. TB.
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Je continue ma découverte de Dany Laferrière grâce à la publication de ses romans dans l'édition poche de Zulma et je dois dire qu'à chaque ouvrage j'apprécie de plus en plus. Après les deux romans sur l'enfance : L'odeur du café et le charme des après-midi sans fin, voici un roman sur l'adolescence et la découverte de la sensualité et la sexualité. Il alterne les narrateurs, les principaux étant le jeune homme et Marie-Michèle par l'intermédiaire du journal qu'elle tient pendant cette période, ce qui donne l'impression de deux romans dans un seul. L'un plus léger d'un premier abord, un adolescent s'intéressant de très près aux belles jeunes filles d'en face et l'autre le journal d'une jeune fille qui comprend que la vie n'est pas qu'argent et facilités mais que beaucoup en Haïti sont très pauvres et doivent se battre pour vivre. Les filles en particulier qui, dès douze ans doivent lutter contre les harcèlements, les agressions, qui lorsqu'elles sont menées par des tontons macoutes sont difficiles à éviter. On passe de la légèreté voire de la grivoiserie qui révèlent cependant toute la force nécessaire aux femmes pour vivre mais aussi les tentations de la vie facile, entretenue par des hommes influents et riches, à la réflexion assez profonde de Marie-Michèle, qui finalement rejoint les mêmes thèmes mais d'une manière différente. La différence entre les riches qui gouvernent et les pauvres qui subissent est aussi au coeur du roman, tous sont "embrigadés", formatés pour vivre dans leur milieu : "On est à peu près tous cousins, cousines et nous vivons dans le même périmètre. On va à des fêtes où on ne rencontre que des cousins et des cousines. Je n'arrêtais pas de demander à ma mère pourquoi nous sommes tous cousins et cousines. Elle semblait évasive à chaque fois. Quand j'ai vu que personne ne piperait mot là-dessus, je me suis mise à réfléchir toute seule, un soir, pour trouver enfin la réponse. C'est l'argent. L'argent, l'argent, l'argent. On se serre les coudes. On se marie avec ceux qui sont aussi riches que soi. On additionne les richesses. Et c'est ainsi qu'après deux siècles de fusion on a fini par devenir une seule et même famille. Je me doutais bien que ce n'était pas ici, à Pétionville, qu'on avait échafaudé ce système à la fois simple et répressif, basé sur trois choses fondamentales : la richesse familiale, l'exploitation du peuple et la corruption de la classe politique au pouvoir." (p.85/86)

Dany Laferrière décrit des femmes formidables qui ne baissent pas les bras, n'abdiquent pas devant les épreuves, que ce soient les jeunes voisines de l'adolescent ou ses tantes et sa mère, des femmes souvent seules, les maris ayant fui le régime de Papa Doc ou ayant été torturés et tués par le même régime. C'est donc de nouveau un très bon roman de Dany Laferrière et je me réjouis que Zulma les édite en poche, d'abord parce que j'aime beaucoup cet éditeur et l'auteur, ensuite parce que les couvertures sont toujours magnifiques et enfin parce qu'en poche, c'est abordable.
Lien : http://www.lyvres.fr/
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