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Citations sur Quand tu écouteras cette chanson (511)

Lexomil et Temesta, compagnons de route de mes grands-parents, comme de tout leur entourage, ces immigrés russes, polonais, roumains.
On prend quotidiennement son cachet avant de dormir, même si aucun médecin ne l’a prescrit, on en propose aux amis dès qu’ils font montre de tristesse, comme on leur offrirait un chocolat.
L’exil – perdre racine-est un mal dont les symptômes me sont familiers. Je ne peux en témoigner à la façon d’une sociologue ou d’une psychiatre, mais comme petite-fille d’exilés. Je sais les désordres de ceux qui ont dû se défaire de leur prénom, de leur langue, de leur pays, de leur maison, de leurs parents, de leurs désirs. Les survivants et les exilés ne sont pas des héros. Ce sont des épuisés qui font comme si. […]
Ce sont des parents follement inquiets à l’idée de ne pas parvenir à protéger leurs enfants. Ce sont des parents qui les somment de ne pas se faire remarquer, qui leur inculquent l’art de disparaître, de se fondre dans le paysage.
Ce sont des grands-parents follement fiers de la plus minuscule réussite de leurs petits-enfants, de tout ce qui confirmera l’appartenance au pays d’accueil. Des grands-parents qui, lorsqu’on leur récite une banale poésie française en sixième, ont les larmes aux yeux.
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Quel étrange humanisme hollywoodien que le nôtre, à nous qui préférons nous souvenir surtout de la « bonté innée des hommes ». Quel cruel optimisme que le nôtre, celui qui, au nom de l’ »espoir », préfère oublier ceci, écrit le vendredi 26 mai 1944 :
« Si nous aussi un jour… non, je n’ai pas le droit de finir cette phrase, je n’arrive pourtant pas à chasser cette question aujourd’hui, au contraire, cette peur que j’ai déjà vécue me revient dans toute son horreur. »
Si Anne Frank ne se donne pas le droit de finir sa phrase, nous avons peut-être le devoir de le faire.
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Quelques semaines avant la sortie, la 20th Century Fox organise des projections-tests, à l’issue desquelles le public se plaint d’une fin « trop triste », l’histoire est vraiment « trop dure ».
Les producteurs demandent à Stevens qu’il tourne une autre fin ; il serait préférable de terminer sur « une note d’espoir », afin de susciter « l’identification des spectateurs ».
[…]
Le film, sorti en 1959, sera récompensé par quatre Oscars et distribué dans le monde entier.
Elle triomphe cette « Anne » de fiction, toute de douceur et d’espoir, elle renvoie Anne frank dans l’ombre de son Annexe.
Si nous sommes tous Anne Frank, il n’y a plus d’Anne Frank.
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A l’été 1945, Otto Frank reçoit la lettre qui lui confirme la mort de ses deux filles, Miep se résigne à donner les écrits d’Anne Frank à son père.
« Voilà ce que votre fille vous a laissé. »
Des mois durant, il ne peut se résoudre à la lire. Lui qui a juré à Anne que jamais il n’ouvrirait son cahier sans qu’elle l’y autorise. Est-ce la trahir, de le faire, ou est-ce quelque chose qui lui incombe ?
Lorsqu’il parvient enfin à s’y plonger, chacune de ses phrases le bouleverse, la voix de sa fille creuse plus encore la béance de son absence.
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Pourquoi préférer la solitude de l’écriture, pourquoi consacrer tellement de temps à des vies irréelles mais vraies, à des créatures ni mortes ni vivantes ?
Ecrire n’est pas tout à fait un choix : c’est un aveu d’impuissance. On écrit parce qu’on ne sait par quel autre biais attraper le réel. Vivre, sans l’écriture, me va mal, comme un habit trop lâche dans lequel je m’empêtre. Il faut parfois rétrécir l’espace pour en entendre l’écho.
Pourquoi écrit-on ? Peut-être est-il possible de répondre par la négative : ne pas écrire met à vif toutes les failles, alors on écrit.
[…]
Consentir à me perdre est une étape de l’écriture. Consentir à perdre, aussi. A m’avouer vaincue, battue. Accepter d’abandonner toute tentative de domination sur l’écriture, tout ce que je tenais pour certain. Il faudra avancer dans l’obscurité, à tâtons, trébucher sur des mots qui regimbent, des paragraphes rétifs ; la langue n’est pas un objet inerte dont on se saisit et qu’on plie à sa volonté. C’est elle qui nous transforme, qu’on lise ou qu’on écrive.
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Il y a de la folie dans l’histoire de l’Annexe, une folle inconscience. Cette belle inconscience des protecteurs qui risquent leur vie pour la famille Frank.
Mais aussi l’inconscience, belle et folle, d’Otto Frank, au moment où il décide d’avoir foi dans la solidarité de Miep Gies. Elles se renvoient la politesse, elles s’entraînent et se répondent, ces belles et folles et immenses inconsciences.
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L’histoire des juifs d’Europe centrale, je m’en suis écartée à l’adolescence. J’ai tourné le dos à l’abîme. Je ne voulais pas entendre, pas savoir. Leurs cauchemars ne seraient pas les miens. Ce que je souhaitais, c’était faire partie d’une famille normale. Qui ne soit le sujet d’aucun livre d’histoire, qui ne suscite ni pitié, ni haine.
Au collège, je les adorais, celles qui arboraient une croix dorée autour du cou. Elles étaient merveilleusement normales. Leur insouciance me subjuguait, cette nonchalance lorsqu’elles évoquaient les cours de catéchisme, leur communion à venir. Au lycée, j’enviais tous ceux issus de familles à la généalogie paisible ; on y mourait banalement, de maladie ou de vieillesse. Je tombais amoureuse de femmes dont la famille était si nombreuse qu’il fallait louer une maison pour se réunir à Noël.
Les buffets décorés de photos anciennes me fascinaient, n’importe quelle trace d’un passé transmis : des nappes, des recettes héritées d’une arrière-grand-mère. Les échanges convenus de fin de repas, où l’on commentait les ressemblances entre les générations, me mettaient mal à l’aise. Je ne savais pas à qui je ressemblais. Mes grands-parents n’avaient plus de photo de leurs frères et sœurs, ces adolescents russes, polonais, morts de froid, de faim, d’épuisement, dans les convois qui les menaient au camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau et dans le camp lui-même.
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Plutôt que savoir, il faudrait dire que je connais cette histoire, qui est aussi celle de ma famille. Savoir impliquerait qu’on me l’ait racontée, transmise. Mais une histoire à laquelle il manque des paragraphes entiers ne peut être racontée. Et l’histoire que je connais est un récit troué de silences, dont la troisième génération après la Shoah, la mienne, a hérité.
Nos arbres généalogiques ont été arrachés, brûlés, calcinés. Le récit s’est interrompu.
Les mots se sont révélés impuissants, se sont éclipsés de ces familles-là, de ma famille. L’histoire qu’on ne dit pas tourne en rond, jamais ponctuée, jamais achevée.
Elles sont en lambeaux, ces lignées hantées de trop de disparus, dont on ne sait pas comment ils ont péri. Gazés, brûlés ou jetés, nus, dans un charnier, privés à jamais de sépulture. On ne pourra pas leur rendre hommage. On ne pourra pas clore ce chapitre.
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Quelques semaines avant de partir à Amsterdam, je lis, comme je le fais toujours avant de me lancer. Cet amoncellement de petits savoirs – une approche timide du « sujet » - est mon préliminaire amoureux. C’est aussi une façon de repousser la plongée dans l’écriture, d’attendre que celle-ci soit impérative.
Je lis comme on trace un cercle autour d’un point, sans m’en approcher. Je lis comme on se prépare à entrer dans un labyrinthe.
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S’habitue-t-on à être en danger ?
La peur est-elle un envahissement brutal, semblable à un courant d’arrachement, cette force qui entraîne au large contre laquelle on ne peut lutter, ou la peur se dilue-t-elle dans les jours qui passent, et on finit par s’y faire, à la peur ?
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