Citations sur Quand tu écouteras cette chanson (512)
J'ai une affection particulière pour ceux qui ne se réclament d'aucun pays, qui ne célèbrent aucune terre.
Leur écriture déracinée s'ancre dans la nuit, une nuit plus vaste que n'importe quel paysage. Ils tournoient entre les identités, c'est ce qui me les rend chers.
L'écriture est un chemin sans destination, l'écriture a la beauté inquiétante de ce qui ne mène nulle part, et ce pendant des mois, parfois .
C'est un geste apatride que celui d'écrire, une échappée sans ancrage, en terres inconnues.
Pourquoi écrit-on ? Peut-être est-il possible de répondre par la négative : ne pas écrire met à vif toutes les failles, alors on écrit.
Lorsqu'on me demandait d'où je venais, je faisais le tri de ce qui me semblait acceptable.
J'évoquais mes origines russo-polonaises sans plus de précision, ma blondeur était un passeport de tranquillité.J'escamotais un mot, sur mon CV de normalité, mais quelle importance, c'était un si petit mot et il résonnait trop fort : juive. Je ne le prononçais pas.
Le 18 août 2021 , j'ai passé ma nuit au musée Anne Frank dans l'annexe.
Je suis venue en éprouver l'espace car on ne peut éprouver le temps.On ne peut se représenter la lourdeur des heures, l'épaisseur des semaines.
Quand l'arbre généalogique a été arraché, la naissance d'un enfant revêt une importance particulière : le nouveau-né devient une preuve de survie. Il ne pourra se contenter d'exister. Il héritera d'un devoir : celui de vivre plus fort, pour et à la place des disparus.
Comme il est lourd, ce cadeau. On tente de composer sa vie, on pense avoir trouvé sa voix. En arrière-fond, une mélodie persiste, qu'on connaît sans jamais l'avoir apprise.
Les parents aiment à raconter les mots d'enfants de leurs tout-petits ; ils s'émeuvent de leur fantaisie, de leur drôlerie. L'adolescence à venir, elle, est redoutée à la façon d'une maladie, d'une comète menaçant le paysage, dévastatrice. Comme nous la craignons, l'extralucidité adolescente, ce regard de « voyant » qui met à nu nos compromis.
Certaines rencontres commencent au moment où on se quitte, quand le temps presse. Alors les mots battent au cœur de l'essentiel.
« On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas » : cette phrase est un slogan, que le flot d’informations qui nous submerge a rendu obsolète. Nous savons. Nous avons vu les images de tous les massacres, nous avons assisté à tous les conflits, comme à un spectacle.
On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas ; on pourra dire qu’on ne savait pas que faire de ce dont on savait. On pourra dire l’impuissance qui nous saisit, qui nous écrase, plus on sait et moins on peut. Ce dont on est témoin est semblable à une question qui nous sera adressée. Nous pouvons choisir de l’ignorer.
Je n’ai rien fait, clament les enfants qu’on accuse injustement. Je n’ai rien fait, savent les adultes qui passent leur chemin.
Comme ils sont flous, ces écrivains qu'on aime. Il ne prétend nullement à la limpidité, Georges Pérec, lorsqu'il tente de définir la judaïté ; ce n'est "pas un signe d'appartenance, ce n'est pas lié à une croyance, a une religion, a une pratique, à un folklore, à une langue ; ce serait plutôt un silence, une absence, une question, une mise en question, un flottement, une inquiétude : une certitude inquiète, derrière laquelle se profile une autre certitude, abstraite, lourde, insupportable: celle d'avoir été désigné comme juif, et parce que juif victime, et de ne devoir la vie qu'au hasard et à l'exil".