Citations sur Quand tu écouteras cette chanson (511)
Peut-être commence-t-on parfois à écrire pour faire suite à ce qu’on a perdu, pour inventer une suite à ce qui n’est plus. Pour dire, comme le petit rond rouge sur un plan, que nous sommes ici, vivants. Si la mémoire s’étiole, les mots, eux, restent intacts, ils sont notre géographie du temps.
Certains objets sans valeur nous sont intimement précieux. Ils témoignent d’un être, d’un amour, d’un lieu qui n’est plus. On ne peut supporter l’idée de les perdre, mais on a du mal à les regarder, tant leur pouvoir d’évocation est puissant. On les conserve au secret, dans une boîte, une enveloppe, en lisière de mémoire.
Nous sommes les enfants des romans que nous avons aimés, ils se déposent au creux de nos peines, de nos manques, ils contiennent tout ce qui se dérobe à nous, qui passe sans qu’on ait pu le comprendre, nous sommes faits d’histoires qui ne nous appartiennent pas, elles nous irriguent et nous hantent.
Si la mémoire s’étiole, les mots, eux, restent intacts, ils sont notre géographie du temps.
La langue n’est pas un objet inerte dont on se saisit et qu’on plie à sa volonté. C’est elle qui nous transforme, qu’on lise ou qu’on écrive.
C’est un geste apatride que celui d’écrire, une échappée sans ancrage, en terres inconnues
On peut toujours tracer des plans et faire comme si on savait où on allait, mais l’écriture est un chemin sans destination, l’écriture a la beauté inquiétante de ce qui ne mène nulle part, et ce pendant des mois, parfois.
Écrire n’est pas tout à fait un choix : c’est un aveu d’impuissance. On écrit parce qu’on ne sait pas par quel autre biais attraper le réel.
Le flou interroge. Il faut y regarder de plus près. C’est une brume de mer qui dissimule le profil d’une falaise. C’est ce trouble d’un amour naissant, qui ne s’appelle pas encore « relation ». C’est un tristesse sans objet, qui surgit quand on s’y attendait le moins, au bord du bonheur.
La mémoire est un lieu, dans lequel se succèdent des portes à entrouvrir ou à ignorer ; la mémoire, écrit Louise Bourgeois, « ne vaut rien si on la sollicite, il faut attendre qu’elle nous assaille.