J’ai un ami coiffeur qui aime vous toucher, vous sentir quand il vous ouvre, sentir votre poids, même si vous pesez encore trop lourd pour lui. Il me dit qu’à défaut de vous comprendre il s’endort avec vous ; comme un chat qui tient chaud. Et parfois, en pleine nuit, il vous reprend. Il fait semblant de vous retrouver comme si vous n’aviez pas peuplé ses rêves, ou plutôt ses cauchemars. Il faut reconnaître qu’il a du mal à vous lire. Ça lui fait mal de vous lire ; il aimerait vous aimer, mais vous vous refusez.
L'ignorance est un luxe quand il s'agit d'écrire. On ne ploie point sous les siècles. On plagie malgré soi. Sans risques. De nos jours, l'immense majorité des lecteurs se complaît dans la même ignorance que l'immense majorité des écrivains.
Comprenez-vous maintenant que le succès de l'épure de Madame Bovary doit tout à l'échec du lyrisme de La tentation première version? L'interminable pensum qu'a constitué l'écriture contenue de sa Bovary résulte de l'assassinat de l'écriture jouissive et organique de La Tentation. Coup fatal porté par son meilleur ami.
Il n'y a pas de contresens en poésie, et la littérature ne vaut qu'en ce qu'elle est poétique.
Ça, c'est un des rôles de la littérature : attirer notre attention sur ces spectacles infimes sans liens apparents avec notre existence, mettre en valeur l'inutile.
C'est peut-être ça, la définition du métier d'écrivain : se ressouvenir pour inventer.
D'où la conclusion qu'on ne peut aimer sans se brûler, et que l'amour ne doit se vivre qu'à une certaine distance si l'on veut échapper au brasier du désir dont ne subsistent jamais que des cendres.
La fiction exige une vraisemblance. Le réel, lui, s'en fout ; il nous traite avec moins de prévenance qu'un écrivain ne traite ses lecteurs.
Ça, c'est un des rôles de la littérature : attirer notre attention sur ces spectacles infimes sans liens apparents avec notre existence, mettre en valeur l'inutile.
L'ignorance est un luxe quand il s'agit d'écrire. On ne ploie point sous les siècles. On plagie malgré soi. Sans risques. De nos jours, l'immense majorité des lecteurs se complaît dans la même ignorance que l'immense majorité des écrivains.