Cette saison fait suite à celle écrite par Jen et Sylvia Soska : Black Widow: No Restraints Play (5 épisodes) dessinée par Flaviano. Il regroupe les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2020, écrits par
Kelly Thompson, dessinés et encrés par
Elena Casagrande, avec l'aide de Rafael de Latorre pour l'épisode 5. La séquence du passé de l'épisode 4 a été dessinée et encrée par
Carlos Gómez et Federico Blee. La mise en couleurs a été réalisée par Jordi Bellaire. Les couvertures originales sont réalisées par
Adam Hughes, plutôt en bonne forme. le tome contient également les couvertures variantes réalisées par
Travis Charest,
J.G. Jones,
Kim Jacinto,
Gerald Parel,
J. Scott Campbell (*2),
Mattia de Iulis,
Alex Ross, Joshua Swaby,
Takashi Okazaki,
Jen Bartel,
Annie Wu, Patrick Brown,
Marco Checchetto, Skan,
Olivier Coipel.
À Manhattan, Natasha Romanoff est à pied d'oeuvre, dans son costume de Black Widow sous un grand imperméable. Elle se débarrasse de ce dernier, et pénètre dans la pièce où l'attendent une demi-douzaine de nervis qu'elle envoie au tapis avec perte et fracas, enlevant ses chaussures à talon dans le même mouvement. Elle bénéficie de l'appui de Hawkeye, sur le toit d'un immeuble voisin, qui décoche deux ou trois flèches forcément bien placées. Elle atteint le coffre-fort et récupère le disque dur qu'elle est venue chercher. Elle a même le temps de récupérer ses chaussures à talon haut, avant de repartir par un filin tendu entre ce gratte-ciel et celui d'en face, grâce à une flèche fichée dans la façade. En arrivant sur le toit de l'autre immeuble, elle découvre que Clint Barton est déjà reparti, et que c'est Captain America qui l'accueille. Elle retourne à son propre immeuble et comprend qu'il y a un intrus dans son appartement. Elle décide de sortir par la fenêtre du palier, pour pénétrer chez elle par une fenêtre. Elle en enjambe le rebord et reçoit trois minuscules fléchettes dans le cou. Elle tombe à la renverse dans le vide.
Trois mois plus tard à San Francisco, sur le plateau d'un étage élevé d'un gratte-ciel en construction, l'architecte Natalie, une belle rousse, arrive avec les plans et du café pour les ingénieurs présents sur place, tous avec leur casque de chantier, sauf elle. Elle est en retard mais les hommes présents lui pardonnent bien volontiers, et elle déroule les nouveaux plans dûment rectifiés. le carton des gobelets s'envole et elle se précipite pour le rattraper avant qu'il ne tombe vers la rue, se retenant d'une main, comme suspendue au-dessus du vide, générant l'admiration de tous les hommes présents, mais refusant le casque de chantier qui lui est tendu. Elle se balade ensuite à pied, son gobelet de café à la main, et passe à l'arrière-plan dans le champ d'une caméra d'une journaliste, sans s'en rendre compte. Elle s'arrête devant la devanture d'un magasin de motos de grosse cylindrée. À New York, Clint Barton regarde la télévision, et voit Natasha passer à l'arrière-plan. Il en recrache sa gorgée de café.
Le personnage de Black Widow a vu sa renommée s'accroître avec la présence du personnage dans les films Marvel, en particulier ceux des Avengers, et son interprétation par l'actrice
Scarlett Johansson. Elle a même bénéficié de son propre film réalisé par Cate Shortland en 2021. Il n'est donc pas surprenant que l'éditeur Marvel relance régulièrement une série ou une minisérie à son nom pour profiter de cette notoriété. Celle-ci est confiée à
Kelly Thompson, scénariste avec une solide expérience. Elle commence par un mystère fort intriguant : un ennemi de l'espionne a réussi à lui faire perdre sa mémoire, à lui implanter des faux souvenirs et à l'installer dans une vie civile de rêve. La scénariste révèle dès la fin du premier épisode qui a manigancé cette mise en scène, ce qui n'empêche pas le lecteur de se laisser prendre au jeu. Qui est ce fiancé ? S'agit-il d'un véritable enfant ? Faut-il prendre au premier degré la remarque de ses parents qui le comparent à
Harry Houdini (1874-1926), maître de l'évasion ? Y aurait-il superpouvoir sous roche ?
En fait Thompson reste dans un registre très cohérent, et bien cadré : pas trop de superhéros, pas de superpouvoirs spectaculaires qui pètent de partout, des alliés avec une expérience dans le milieu de l'espionnage, et des supercriminels également dans registre plus espionnage que supercriminels avec des costumes bariolés. L'extraordinaire coloriste Jordi Bellaire a conçu sa palette de manière à installer cette atmosphère plus civile que superhéroïque, à atténuer les éléments aux couleurs trop pétantes, et à rester dans une ambiance naturaliste. Elle joue sur une palette de nuances de rouge quand Black Widow entre en action, sur des nuances de vert quand il s'agit des ennemis en train de compléter. Elle utilise des teintes plus claires pour les scènes du quotidien, et des teintes plus foncées pour les scènes d'action. La dessinatrice fait également en sorte de diminuer de plusieurs crans les clichés propres aux superhéros : par exemple, Natasha a bien évidemment un corps de sportive avec un costume moulant, mais sans exagération de la taille de sa poitrine, sans plans serrés sur son postérieur. Dans le civil, elle fait montre d'un gout très sûr pour les tenues élégantes, sans être exhibitionniste de son corps ou de son aisance financière. Dans les scènes d'action, elle est agile et forte, mais sans exagération de force physique ou d'enchaînement impossible de mouvements. Il s'agit d'une athlète et d'une experte en combat.
De la même manière, Casagrande n'exagère pas la morphologie des deux superhéros venus prêter main fort à Black Widow : une musculature bien découplée, mais pas impossible. Il est vrai que les supercriminels sont plus exotiques, mais leur présence sur la page s'avère beaucoup plus restreinte. le mari, le fils et la nounou se comportent comme des êtres humains normaux et sont montrés sous un jour sympathique. Il suffit de faire la comparaison avec les 5 pages dessinées par Gómez & Blee pour bien mesurer à quel point la dessinatrice se tient à l'écart de l'esthétique en vigueur dans les comics de superhéros habituels. Elle représente également les décors en arrière-plan, avec une régularité supérieure à celle habituelle, avec un bon niveau de détails. Elle se focalise de temps à autre sur les personnages en gros plan, sur fond vide, mais avec une fréquence très restreinte. Leurs déplacements s'effectuent en fonction de la géométrie de l'endroit où ils se trouvent, et des obstacles, sans que le lecteur n'éprouve la sensation qu'ils évoluent sur une scène vide sans aucune incidence sur leurs mouvements. Il n'y a que de temps à autre où la direction d'acteurs glisse d'un registre soit naturaliste soit action, vers des expressions de visage un peu appuyées, en décalage avec la tonalité générale de la narration visuelle.
Dans un premier temps, la scénariste joue donc sur le mystère de la situation inédite de Natasha Romanoff en épouse épanouie, avec une situation professionnelle enviable. La révélation du manipulateur dans la dernière page de l'épisode 1 change la dynamique du récit, mais le lecteur continue de se demander ce qu'il en est de la nature réelle de sa famille. Puis progressivement, Natasha se retrouve dans des situations de danger où sa véritable nature affleure par moment. le lecteur commence donc par se laisser séduire par cette femme remarquable, avec sa situation tout aussi remarquable, un réel bonheur pour elle, et un exemple positif pour le lecteur. À partir de là, le déroulement de l'intrigue semble tout tracé : Natasha va recouvrer ses réflexes petit à petit, et es ennemis vont tenter d'endiguer son retour à la normale, avec pour finir la perte vraisemblable de sa famille, qu'elle soit réelle ou non. Hé bien, c'est exactement ce qui se passe, sans donc beaucoup de surprises. Finalement l'étude de caractère de Natasha est de très courte durée, pour ne pas dire superficiel. La plus grande surprise provient de la stratégie des ennemis, qui s'avère dépourvue de sens. Au début, il semble malin d'éliminer Black Widow en la mettant dans une situation de bonheur qui fait qu'elle n'a plus aucune motivation pour qu'il en soit autrement. le lecteur veut bien se laisser convaincre que le groupe d'ennemis aient choisi cette solution plutôt que d'essayer de la tuer puisque personne n'y est jamais parvenu. Mais quand ils se rendent compte que son conditionnement commence à céder, ben… ils décident de la tuer !?! Hein, quoi ? Justement ce dont ils étaient convaincus que c'était impossible quelques pages avant ?!?
En découvrant ce premier tome d'une nouvelle saison des aventures de Black Widow, le lecteur sent la curiosité monter : de belles couvertures d'
Adam Hughes, une situation inédite et positive pour l'héroïne, une tonalité espionnage avec les éléments superhéros mis en sourdine. La narration visuelle s'avère être en phase avec cette tonalité, agréable à l'oeil, même si elle manque parfois de tonicité. Passé le premier épisode, l'intrigue s'engage sur des rails pour un déroulement prévisible manquant d'émotion juste.