Je m’accorde trois secondes supplémentaires pour le regarder – encore un coup de poing dans le ventre. C’est mon alter ego. Il a toujours été mon alter ego. Mon meilleur ami, mon confident, probablement l’amour de ma vie. Et j’ai passé les onze dernières années à être furieuse et moralisatrice. Mais finalement, c’est lui qui a créé une fissure entre nous, avant que le destin ne nous sépare.
En gros, il ressemble au genre de mec qu’on reluquerait en silence avant de se tourner l’une vers l’autre avec une expression silencieuse du genre ouais, hein ? Il s’agit de l’un des moments les plus surréalistes de ma vie : il est devenu le genre d’inconnu sur lequel je serais capable de fantasmer.
Son amour ressemblait à un rugissement, aussi puissant que tonitruant. Et après avoir aimé ma mère avec la force du soleil, après le cancer fatal qui l’emporta dans un halètement discret, j’ai deviné qu’il resterait enroué le restant de sa vie et qu’il ne désirerait jamais une autre femme comme il l’avait désirée.
Je n’avais jamais pensé que l’amour pouvait être autre que fusionnel. Même enfant, c’est ce que j’avais toujours désiré.
Par la suite, ce qui n’était au départ qu’un amas de cellules malignes tua ma mère, et je ne voulais soudain plus rien de tout cela, jamais. Quand je l’ai perdue, j’ai eu l’impression de me noyer dans l’amour qui me restait et que je ne pourrais jamais offrir à autrui.
Apparemment, je n'avais pas de problème pour me lier d'amitié avec presque tout le monde, mais il suffisait d'ajouter un peu d'alchimie romantique pour que je me transforme en robot handicapé moteur.
Il a seulement eu besoin de me voir pour savoir, alors que je suis toujours pathologiquement incapable de faire confiance au moindre sentiment que j'éprouve.
-Nous n'avons plus dix-huit ans, chérie. Nous n'entrons pas dans une relation sans quelques fissures dans notre armure.
-J'aime cette pièce parce que j'aime lire.
Et parce que lorsque je lis un livre qui me permet de m'oublier même pendant seulement une heure, ou plus, j'oublie.