Citations sur L'Amour, roman (22)
Ce serait peut-être une définition de l'amour, celle de Flaubert: la curiosité. Etre soudain, tellement curieux de quelqu'un, fou curieux. Connaître l'autre, co-naître, naître au monde avec lui, tel est l'unique projet. La phrase la plus éloignée de l'amour, ce ne serait pas "je te hais", mais "je ne veux pas te savoir".
Si les femmes attendent un bruit de pas qui n'arrive jamais, les hommes fuient vers un pays où ils n'arrivent jamais - ou bien, à peine au port ils n'ont de cesse de repartir, Circé les pousse vers Pénélope, et près de Pénélope ils rêvent au chant des Sirènes. Ils auront beau se moquer, quelle différence ? Ils ne lisent pas les mêmes livres, c'est tout. Contes de fées ou récits d'aventures, bague cachée dans un gâteau, navire affrété pour ailleurs, passion, action, port ou voyage, fusain de quenouille ou jungle hostile, peau d'âne ou toison d'or, miroir magique ou lames du Pacifique, bel amant ou Moby Dick, le texte change mais l'histoire est la même, commun le geste de lire, peur et plaisir mêlés, ce qui doit être lu - c'est une légende, l'amour - raconte-moi, lis-moi encore, mon coeur n'est pas las de l'entendre.
Tous les hommes aiment les femmes libres, pourvu qu'ils en aient une à la maison qui ne le soit pas.
On peut parler des filles et de leur Prince Charmant, mais que dire du rêve que poursuivent les hommes avec au moins autant d'obstination : l'Autre Femme, la femme d'à côté, l'autre côté de la mer ?
C'était lui, oui, et c'est en souvenir d'elle que Carnet de bal commence ainsi, par cette phrase qui est le leitmotiv de l'illusion amoureuse : c'est lui, c'est toi, c'est toi et moi à la vie à la mort, c'est nous, ce ne peut être que nous. L'amour se déploie dans ce conte : toi et moi comme deux moitiés d'un coquillage dont nous reformerions l'unité perdue, dont nous retrouverions la forme unique
C'est la grande question, la seule, au fond, celle que j'ai toujours entendue même lorsqu'elle n'était pas formulée, et quelquefois aussi je l'ai posée -les mots,les yeux-, d'autre fois non, ou bien murmurée, juste pour voir, juste pour savoir - mais souvent non, souvent tue, réponse non sue, inventée, suggérée, est ce que tu m'aimes, est ce que c'est de l'amour, ce que tu éprouves, ce que tu dis, ce que tu fais,, est ce que c'est de l'amour, est ce que c'est de l'amour? Et la question hante le temps, la question monte et descend à l'infini l'axe du temps, toujours actuelle, de tout temps, intemporelle et intempestive à la fois.
On ne se parle jamais si mal que quand on ne parle que de peur de se taire.
J’ai fait ma conférence sur les femmes aux fenêtres. À la fin, quelqu’un m’a lancé: -Tous ces romans moi-je-personnellement-en-ce-qui-me-concerne, c’est d’un pénible à la fin. Les romanciers ne pourraient pas s’intéresser un peu aux autres, non? - Vous savez ce que disait Victor Hugo, monsieur: «Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. »
Jacques a posé sa tête sur mes genoux, j'ai fermé les yeux, j'aurais voulu que ça dure toujours, comme le chagrin dans les chansons. J'étais son Ecosse à lui, son île au loin, fuir, là-bas, fuir...
Mais ce qui subsiste de la grandeur romanesque, c'est cette indécision du sens, ce miroitement de la vie qu'aucun miroir ne fixe, quand bien même il se saisirait de l'instant. (...) la langue échoue à saisir l'être, quelque chose toujours se dérobe sous le scintillement du peut-être.