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Citations sur Le directeur de nuit (31)

(Il est enfermé par erreur dans l'obscurité totale d'une cave sécurisée que personne n'ouvrira avant six jours.)

Jonathan se força à se calmer, s'assit au garde-à-vous sur ce qui lui sembla un cageot en carton, et s'évertua à faire le bilan de sa vie, une ultime mise en ordre avant de mourir : les bons moments, les leçons tirées, les améliorations apportées à sa personnalité, les femmes bien. Il n'y en avait pas. Pas de moments, pas de leçons, de femmes, rien. Pas une hormis Sophie, qui était morte. Quel que fût l'angle sous lequel il se regardait, il ne voyait que des demi-mesures, des échecs et des faux-fuyants humiliants, dont Sophie était le couronnement suprême. Son enfance avait été un combat de chaque instant qui avait finalement fait de lui un adulte inadapté. En tant que membre des forces spéciales, il s'était enfermé dans une obéissance aveugle et, à quelques défaillances près, avait tenu bon. En tant qu'amant, époux et homme adultère, il n'avait guère mieux à son actif : une ou deux explosions de plaisir mesuré, suivies d'années de disputes et de plates excuses... sa vie avait consisté en une série de répétitions pour une pièce dans laquelle il n'avait pas eu de rôle. Et ce qu'il lui fallait faire désormais, s'il y avait un désormais, c'était abandonner sa quête morbide de l'ordre, et s'offrir un peu de chaos, car autant il était avéré que l'ordre ne pouvait en aucun cas remplacer le bonheur, autant le chaos pouvait en ouvrir la voie.
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Joe votre héro - pardon, celui de M. Burr - , ce type honorable, ce M. Pyne, a un dossier criminel qui remonte à des années. Barbara Vandon à Londres et des amis à Langley ont découvert des histoires très troublantes à son sujet.
Apparemment c'est un psychopathe et on l'ignorait. Malheureusement, les Anglais ont flatté ses plus bas instincts.
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La piste avait été construite par des trafiquants de marijuana dans les années soixante, avait dit Strelski, mais elle était trop petite pour le volume actuel des livraisons. Les trafiquants d'aujourd'hui se servaient de 747 cargo aux couleurs de compagnies aériennes régulières, planquaient leur camelote dans des cargaisons déclarées, et utilisaient des aéroports ultra-modernes. Au retour, ils bourraient leurs avions de manteaux de vison pour leurs putes et de grenades à fragmentation pour leurs amis. Comme tout le monde dans le métier de transporteur, les trafiquants détestaient rentrer à vide.
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(Quelque part en Cornouailles)
Et il coule, le flot des réminiscences perplexes, il coule de-ci de-là ; il coule chez eux, alors qu'épuisés après le labour ils s'installent devant leur écran de télé, ou bien au Snug, les soirs de brouillard, tandis qu'ils dégustent leur troisième bière en contemplant le plancher. La nuit tombe, les écharpes de brume se collent aux fenêtres à guillotine comme de la buée, il n'y a pas un souffle d'air. Le vent s'arrête net, les corneilles se taisent. Sur le chemin du pub se mêlent les odeurs du lait de la laiterie encore tout chaud, des poêles à pétrole, des cuisinières à charbon, de la fumée des pipes, du fourrage ensilé, et des algues du Lanyon. Un hélicoptère vole lentement en direction de Scilly. Un tanker beugle dans le brouillard. Le carillon du clocher de l'église vous résonne dans l'oreille comme le gong sur un ring de boxe. Chaque chose est isolée, odeurs, sons ou souvenirs. Des pas sur le chemin claquent avec un bruit de nuque brisée.
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"N'oubliez pas, monsieur Pyne, vous avez un avenir. N'y renoncez plus jamais. Ni pour moi ni pour personne. Promettez-le moi."
Il l'avait fait. On promet n'importe quoi quand on est amoureux.
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"Détendez-vous, Ed. Ne vous fatiguez pas. L'opération Bernicle est morte. Langley l'a liquidée. Vous n'êtes que le croque-mort. Je le comprends parfaitement. L'opération Amiral vit toujours, mais je ne suis pas habilité Amiral. Et à mon avis, vous l'êtes. Vous voulez me baiser, Ed ? Alors écoutez, c'est pas ma première fois, pas la peine de m'inviter à dîner avant. Je me suis fait baiser tant de fois et de tellement de façons que je suis devenu expert. Cette fois-ci, c'est Langley et des Anglais ripoux, plus quelques Colombiens. La dernière fois, c'était Langley et d'autres ripoux, peut-être des Brésiliens, mais non, suis-je bête, des Cubains qui nous avaient rendu service dans des temps difficiles. La fois d'avant encore, c'était Langley et des Vénézuéliens richissimes, mais il me semble aussi qu'il y avait des Israéliens dans le coup... à vrai dire, j'ai un peu oublié, et les dossiers se sont perdus. Et je crois qu'il y avait aussi une opération Tir groupé, mais je n'étais pas habilité Tir groupé."
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Quelquefois on est témoin de son propre échec, pensait Strelski. Il adorait le tennis et ce qu'il préférait c'était les gros plans sur les joueurs en train de boire du coca entre les jeux : on voyait le visage du vainqueur se préparant à vaincre et celui du perdant se préparer à perdre. Et les perdants avaient la même expression que lui en ce moment. Ils lâchaient tous leurs coups et se démenaient comme des diables mais, au bout du compte, le score reste le score, et à l'aube de cette nouvelle journée, celui de Strelski n'était pas bon du tout. On sentait arriver le jeu, set et match...
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C'est la fête des mères pour l'arrivée de Jonathan à Espérance...
Après huit mois de neige, cette insouciante bourgade québecoise de chercheurs d'or retrouve son animation sous le soleil déclinant, fidèle à sa réputation parmi ses voisines disséminées dans la plus vaste région d'extraction de néphrite au monde. Bien plus animée que Timmins à l'ouest, dans l'Ontario sinistre, que Val d'Or ou Amos à l'est, bien plus que les mornes cités "col blanc" d'ingénieurs hydro-électriciens au nord. Jonquilles et tulipes paradent tels des soldats dans le jardin de l'église blanche au toit de plomb et à la flèche élancée, d'énormes pissenlits envahissent la pente herbeuse en contrebas du commissariat de police. Après leur hibernation sous la neige, les fleurs sont aussi exubérantes que la ville. Les magasins pour les nouveaux riches ou ceux qui espèrent le devenir - la Boutique Bébé et ses girafes roses, les pizzerias portant le nom de mineurs et de prospecteurs chanceux, la Pharmacie des Croyants, qui propose des séances de massage et d'hypnothérapie, les bars éclairés au néon baptisés Vénus ou Apollon, les majestueux bordels auxquels des maquerelles disparues ont légué leur nom, le sauna japonais avec sa pagode et son jardin de galets en plastique, les banques en tous genres, les bijouteries où, jadis comme aujourd'hui, on fondait le minerai volé aux mineurs, les boutiques de mariage et leurs virginales mariées de cire, les affiches en vitrine de la charcuterie polonaise qui vantent des "films super-érotiques XXX" comme des mets de choix, les restaurants ouverts à toute heure pour les ouvriers travaillant par roulement, jusqu'aux offices de notaires avec leurs fenêtres opaques - tout scintille dans la gloire du début de l'été, et merci maman pour tout ça : on va avoir du fun !
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Jonathan avait un sourire particulièrement chaleureux quand il refusait.
"_ Hélas, nous n'avons pas le droit de garder les paquets des clients, madame Sophie. Même pour vous. Je peux vous donner un coffre personnel dont vous aurez la clé. C'est tout malheureusement.
_ Ne jouez pas au petit fonctionnaire avec moi, monsieur Pyne. Vous avez vu le contenu de l'enveloppe. Vous l'avez fermée. Inscrivez votre nom dessus. Ces lettres sont à vous, maintenant...
_ Combien de temps pensez-vous les laisser ici, madame Sophie ?
_ Peut-être toujours, peut-être une nuit. On ne peut pas prévoir. C'est comme pour une histoire d'amour."
Son air aguichant l'avait quittée, et elle avait pris l'air suppliant. "C'est confidentiel. Hein ? C'est bien compris, oui ?"
Il avait dit oui, bien sûr. Il lui avait adressé un sourire laissant entendre qu'il était quelque peu surpris que la question fût même posée.
"_ Monsieur Pyne ?
_ Madame Sophie ?
_ En ce qui concerne votre âme immortelle.
_ Oui ?
_ Nous sommes tous immortels, naturellement. Mais s'il se trouvait que je ne le sois pas, voudriez-vous, je vous prie, remettre ces documents à votre ami M. Ogilvey ? Puis-je être assurée que vous le ferez ?
_ Si c'est ce que vous souhaitez, bien sûr."
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Cet homme trapu aux manières timides se retranchait derrière un sourire réservé. Même sa nationalité anglaise était un secret bien gardé. Agile, dans la force de l'âge, ce loup de mer aurait été repéré d'emblée par un de ses pairs à ses gestes mesurés, à sa façon de se planter solidement sur ses pieds et à sa main toujours prête à s'agripper au bateau. Il avait des cheveux frisés coupés courts et un front bas de boxeur. Ses yeux délavés déconcertaient, car on s'attendait à une teinte plus agressive, à des ombres plus profondes.
Cette douceur de comportement malgré une carrure de lutteur lui conférait une présence troublante. Durant un séjour à l'hôtel, on ne pouvait le confondre avec aucun autre ; ni avec Her Strippi, le chef de réception aux cheveux d'un blanc crémeux, ni avec l'un des jeunes allemands de Herr Meister qui se pavanaient d'un air supérieur, tels des divinités en route vers d'autres gloires. Jonathan s'incarnait tout entier dans sa fonction d'hôtelier. On ne se demandait pas qui étaient ses parents, s'il écoutait de la musique, ni s'il avait une femme, des enfants ou un chien. Son regard ainsi rivé à la porte était aussi fixe que celui d'un tireur d'élite; Il portait un oeillet à la boutonnière, comme tous les soirs.
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