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Citations sur Le Chercheur d'or (174)

Il y a le bleu de la mer surtout, ce bleu profond et sombre, puissant, plein d'étincelles.
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 C'est une rumeur comme celle de l'orage,qui semble venir de tous les côtés à la fois, qui résonne dans les gorges des montagnes. Il y a des cris, des grondements, des coups de feu aussi. Malgré la peur, je cours au milieu du champ de canne, sans prendre garde aux coupures. Arrivé tout d'un coup devant la sucrerie, je suis au milieu du bruit, je vois l'émeute. La foule des gunnies est massée devant la porte, toutes les voix crient ensemble. Devant la foule, il y a trois hommes à cheval, et j'entends le bruit des sabots sur les pavés quand ils font cabrer leurs montures. Au fond, je vois la gueule béante du four à bagasse, où tourbillonnent les étincelles.

   La masse des hommes avance, recule, dans une sorte de danse étrange, tandis que les cris font une modulation stridente. Les hommes brandissent des sabres d'abattage, des faux, et les femmes des houes et des serpes. Pris par la peur, je reste immobile, tandis que la foule me bouscule, m'entoure. J'étouffe, je suis aveuglé par la poussière. À cet instant, sans que je comprenne ce qui se passe, je vois les trois cavaliers qui s'élancent contre la foule qui les enserre. Les poitrails des chevaux poussent les hommes et les femmes, et les cavaliers frappent à coups de crosse. Deux chevaux s'échappent vers les plantations, poursuivis par les cris de colère de la foule. Ils sont passés si près de moi que je me suis jeté à terre dans la poussière, de peur d'être piétiné. Puis j'aperçois le troisième cavalier. Il est tombé de son cheval, et les hommes et les femmes le tiennent par les bras, le bousculent. Je reconnais son visage, malgré la peur qui le déforme. C'est un parent de Ferdinand, le mari d'une cousine, qui est field manager sur les plantations de l'oncle Ludovic, un certain Dumont. Mon père dit qu'il est pire qu'un sirdar, qu'il frappe les ouvriers à coups de canne, et qu'il vole la paye de ceux qui se plaignent de lui. Maintenant, ce sont les hommes des plantations qui le malmènent, lui donnent des coups, l'insultent, le font tomber par terre. Un instant, dans la foule qui le bouscule, il est si près de moi que je vois son regard égaré, j'entends le bruit rauque de sa respiration. J'ai peur, parce que je comprends qu'il va mourir. La nausée monte dans ma gorge, m'étouffe.. Les yeux pleins de larmes, je me bats à coups de poings contre la foule en colère, qui ne me voit même pas. Les hommes et les femmes en gunny continuent leur danse étrange, leurs cris. Quand je parviens à sortir de la foule, je me retourne, et je vois l'homme blanc. Ses habits sont déchirés, et il est porté à bouts de bras par des hommes noirs à demi nus, jusqu'à la gueule du four à bagasse. L'homme ne crie pas, ne bouge pas. Son visage est une tâche blanche de peur, tandis que les Noirs le soulèvent par les bras et les jambes et commencent à le balancer devant la porte rouge du four. Je reste pétrifié, seul au milieu du chemin, écoutant les voix qui crient de plus en plus fort, et maintenant c'est comme un chant lent et douloureux qui rythme les balancements du corps au dessus des flammes. Puis il y a un seul mouvement de la foule, et un grand cri sauvage, quand l'homme disparaît dans la fournaise. Alors tout d'un coup, la clameur se tait, et j'entends à nouveau le ronflement sourd des flammes, les gargouillements du vesout dans les grandes cuves brillantes. Je ne peut pas détacher mon regard de la gueule flamboyante du four à bagasse, où maintenant les Noirs enfournent des pelletées de cannes séchées, comme si rien ne s'était passé. Puis lentement, la foule se divise. Les femmes en gunny marchent dans la poussière, le visage enveloppé dans leurs voiles. Les hommes s'éloignent vers les chemins des cannes; leur sabre à la main. Il n'y a plus de clameurs ni de bruits, seulement le silence du vent sur les feuilles de cannes tandis que je marche vers la rivière. C'est un silence qui est en moi, qui m'emplit et me donne le vertige, et je sais que je ne pourrai parler à personne de ce que j'ai vu ce jour-là. 
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J'avais quatorze ans, et j'étais comme un enfant. Je ne savais rien faire, je ne pouvais pas courir, ni pêcher, ni faire du feu, je ne savais même pas nager. Alors j'ai commencé à apprendre tout ce que j'ignorais.
J'ai commencé à apprendre à courir pieds et orteils nus sur les rochers, à attraper les animaux à la course, à faire du feu, et à nager et à plonger pour pêcher les poissons.
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Je la vois : c'est la jeune fille qui m'a secouru l'autre jour. Elle a un visage d'enfant, mais elle est grande et svelte, vêtue d'une jupe trop courte et d'une chemise en haillons. Ses cheveux sont longs et bouclés. Ses vêtements sont collés à son corps par l'eau de pluie.
Je vois ses habits mouillés, ses jambes minces, ses orteils nus bien posés à plat sur la terre.
"Comment vous appelez-vous ?".
Elle me regarde de ses yeux sombres. Elle dit enfin :
"Je m'appelle Ouma."
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Combien de temps suis-je resté là ? Quand je rouvre les yeux, je vois d'abord le feuillage du tamarinier au-dessus de moi et le soleil à travers les feuilles. Je suis couché entre les racines. A côté de moi, il y a un enfant et une jeune fille, pieds nus, aux visages sombre, vêtus de haillons. La jeune fille a un chiffon dans ses mains, qu'elle tord pour faire tomber des gouttes d'eau sur mes lèvres.
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Je ne suis pas la seule à souffrir de la chaleur qui règne au fond de la cale. Alors comme l'autre soir, sans faire de bruit, je monte l'échelle vers l'écoutille où souffle le vent de la mer. Enveloppée dans ma couverture, je marche pieds nus sur le pont en sentant les délices de la nuit, la fraîcheur des embruns.
Cette nuit encore, je m'allonge sur le pont, tout à fait à la proue du navire et je regarde les étoiles, comme si je les voyais pour la première fois
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Ici, la mer est si belle que personne ne peut longtemps penser aux autres. Peut être que l'on devient pareil à l'eau et au ciel, lisses, sans pensée.
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J’ai sorti de mon sac les papiers du trésor qui me restent encore, les cartes, les croquis, les cahiers de notes que j’ai écrits ici et à Rodrigues, et je les ai brûlés sur la plage. La vague qui passe sur le sable emporte les cendres. Maintenant, je sais que c’est ainsi qu’a fait le Corsaire après avoir retiré son trésor des cachettes du ravin, à l’Anse des Anglais. Il a tout détruit, tout jeté à la mer. Ainsi, après avoir vécu tant de tueries et tant de gloire, il est revenu sur ses pas et il a défait ce qu’il avait créé, pour être enfin libre. Sur la plage noire, je marche dans la direction de la Tournelle et je n’ai plus rien. (p. 332)
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Il y a le bleu de la mer surtout, ce bleu profond et sombre, puissant, plein d'étincelles.
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Elle marche vers les roseaux, puis, tour d'un coup, elle enlève sa chemise et sa jupe. Son corps brille à la lumière du soleil, long et mince, couleur de cuivre sombre.
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