Ce livre se présente comme une anthologie illustrée de la poésie Tang, principalement du 8e siècle, dont les poèmes « ont été traduits du chinois conjointement par
JMG le Clézio et
Dong Qiang ». C'est un bel objet par le format, la typographie et l'image, et un documentaire sur des temps très anciens de guerre, d'aristocratie et de misère. La distance de l'histoire et de la culture, et celle de la traduction qui fait perdre la forme, rendent à mon sens illusoire un véritable accès à cette poésie d'un autre monde. La citation de
Bai Juyi que je recopie par
ailleurs reflète sans doute un pessimisme contemporain, éloigné de la culture impériale chinoise.
On trouve dans les dernières pages les restes d'une autre approche éditoriale où notre Nobel est cité à la troisième personne et où l'auteur (
Dong Qiang) se démasque : « Comment retrouver une vraie vie possible, après l'exil, après la dureté des autres, les aléas de la vie politique ou l'animosité de la société dans laquelle on vit ? À cet instant même, Xie Lingyun préfigure le destin de presque tous les poètes regroupés ici par
JMG le Clézio ». Et notre auteur-traducteur de prendre du recul : « L'étang est devenu miroir. Et avec les sources aux eaux vives, le flot de la poésie peut continuer de couler… Cette “méthode” sans méthode suscite des louanges suprêmes, mais s'attire aussi des critiques sévères. Certains s'en prennent à cette trop grande simplicité. À cette espèce de “fadeur” dont le philosophe sinologue
François Jullien a fait un très bel éloge. On peut d'
ailleurs retrouver cette même qualité, mais dans un sens un peu différent, chez un poète comme
Verlaine […]. Il se trouve que des traductions peuvent accentuer cette fadeur et c'est une des raisons pour laquelle la poésie chinoise n'est toujours pas appréciée en Occident à sa juste valeur, la tradition occidentale étant plutôt friande des saveurs et des arcanes, des “manières” et de l'hermétisme ». Double critique d'une tentative de transcription et de notre propre culture…