Citations sur Les effarés (13)
Le printemps sera chaud, prophétisaient parfois les journalistes frileux. Mais l'ordre règne, et la canicule tient la rue. Effet de serre, comme diraient les aigles.
Mila est effondrée contre lui. Il porte sa mariée de chiffon. Il laisse aller sa tête transformée en ruche folle contre la figure de la morte et il lui dit des choses qu'il n'a jamais dites. C'est plein de clichés très sombres, de mots d'amour sous-exposés.
- Figurez-vous que la flicaille est une corporation très majoritairement couillue. Et volontiers moustachue pour ce qui concernent les tuniques bleues.
- Les sachets de poudre blanche planqués dans la chasse d'eau? On croyait que c'était une farine spéciale pour les crêpes bretonnes.
- Le département c'est le Var. Oui. Un bien beau pays. Vu le nombre de truands au kilomètre carré, vous aurez un peu de mal, mais vous ferez le tri. Pas la peine de chercher parmi les élus, ça fera gagner du temps.
- Il se spécialise dans les transports de fonds en se servant de bazookas comme ouvre-boîte.
- Illumination. Feu d'artifice. Il a la cervelle en quatorze juillet. Rien que du bouquet final, des rideaux étincelants.
On entend le couvercle de la glassiere se refermer. Le routier se redresse, et se retourne vers les deux gus qui lui sourient comme des hyènes. Et ce sourire toc, mordant, lui fait comprendre qu'il n'a pas affaire à des représentants en dentifrice.
Au fond de la barque, cinq ou six canettes roulent parfois leur tintement vide au gré des remous.Il ne les a pas balancées dans le fleuve parce que depuis quelque temps il se sent vachement sensible aux thèses des écologistes.Avec cette chaleur, il n’y a que la bière. Y a bien le pastis, mais sans les glaçons, René trouve que le plaisir est gâté.C’est que ça donne soif , toute cette eau dégueulasse autour de soi.Mais on devient méfiant vis à vis des robinets.
Il avait l’intention, pour une fois, de soigner les préliminaires. Il en voulait pour son argent, et puis Mila, c’était tout de même très particulier. Mais quand il a commencé à mettre ses doigts et sa bouche un peu partout, sans trop savoir ce qu’il faisait, agissant de mémoire d’après ce qu’il avait vu dans des films où le moindre contact provoquait pâmoisons et grands écarts, elle l’a attiré contre elle et lui a montré le chemin en soupirant imperceptiblement. Ensuite, il a commencé à faire ce qu’il devait, ragaillardi, dosant son effort, maîtrisant l’amplitude de ses mouvements.
Mieux vaut en rire qu’en pleurer, comme on dit.
Il manque de s’affaler en avant, entraîné par le poids du colis qu’il porte et le vertige de son cauchemar. Il se reprend de justesse, s’appuie au carton, haletant. Il se retourne vers les autres qui n’ont rien entendu de son tohu-bohu mental et durant quelques secondes ça l’étonne. Il ne sait plus parfois faire la différence entre ce qui s’agite en lui-même et ce qui bouge au-dehors. Il est de moins en moins étanche. Il a des moments d’existence virtuelle, sans casque électronique ni gants spéciaux. Il est de son temps, comme alcoolo. Mais son espace est plein de trous, et il tombe dedans.
En fait, on ne dit rien. On se met à communiquer avec les mains. Nul besoin d’explications compliquées. On se comprend. Du tac au tac. La bouche c’est mieux des fois quand ça sert pas à causer. Daniel c’est pas un grand bavard, mais ce qu’il me dit en ce moment je sais le lire sur les lèvres.
Elle, grande et plantureuse, une belle femme encore à l’époque, on pouvait distinguer alors des formes avenantes, du convexe et du concave dans les courbes, plus comme maintenant où on cherche même plus à voir. Lui, nabot plutôt fier, petites jambes et grande gueule, droit comme un i minuscule, qui tenait le bras de son sex-symbol où tintait un gros bracelet de toc.