L'accomplissement, pensa Shevek, est une fonction du temps. La quête du plaisir est circulaire, répétitive, atemporelle.
On ne peut pas briser les idées en les réprimant. On ne peut les briser qu'en les ignorant. En refusant de penser, refusant de changer. Et c'est précisément ce que fait notre société ! Sabul t'utilise quand il le peut, et quand il ne le peut pas il t'empêche de publier, d'enseigner, même de travailler. Exact ? En d'autres mots, il a un pouvoir sur toi. De qui le tient-il ? Pas d'une autorité investie, il n'y en a pas. Pas de son intelligence, il n'en a pas. Il le tient de la couardise innée de l'esprit humain moyen. De l'opinion publique ! Voilà la structure de pouvoir dont il fait partie, et qu'il sait utiliser. Le gouvernement inavoué et inadmissible qui règle la société odonienne en étouffant l'esprit individuel.
Nous nous sommes détruits nous-mêmes. Mais nous avons d'abord détruit la planète. Il ne reste plus de forêts sur ma Terre. L'air est gris, le ciel est gris, il y fait toujours chaud.
Toute loi est une tyrannie. Le devoir de l'individu est de n'accepter AUCUNE loi, d'être le créateur de ses propres actes, d'être responsable. Ce n'est que s'il agit ainsi que la société pourra vivre, changer, s'adapter et survivre.
Il est dans la nature de l'idée d'être communiquée : écrite, dite, faite. L'idée est comme l'herbe. Elle demande la lumière, aime les foules, grandit par croisement, s'améliore pour qu'on la piétine enfin.
« L'excès est excrément », avait écrit Odo dans l'Analogie : « Un excrément qui reste dans le corps est un poison. »
« - […] Alors comment peut-on être responsable du livre qui est déjà écrit ?
On ne peut que le lire, c'est tout. Nous n'avons aucun choix, il ne nous reste aucune liberté d'action.
- C'est le dilemme du déterminisme. Vous avez tout à fait raison, c'est implicite dans la théorie de la Simultanéité. Mais la pensée séquentielle aussi a son dilemme. Voilà ce qui se passe, pour en donner une illustration grossière : vous lancez un caillou vers un arbre ; si vous êtes un Simultanéiste, le caillou a déjà touché l'arbre, et si vous êtes un Séquentiel, il ne peut pas le toucher. Alors que choisir ? Peut-être préférez-vous lancer les cailloux sans y penser, et ne faire ainsi aucun choix. Je préfère rendre les choses plus difficiles, et choisir les deux.
- Comment... Comment pouvez-vous les réconcilier ? demanda l'homme timide avec intérêt.
Shevek faillit rire de désespoir.
- Je ne sais pas. Cela fait longtemps que j'y travaille ! Après tout, le caillou frappe bien l'arbre. Ni la pure séquence ni l'unité pure ne pourront l'expliquer. Cependant, nous ne cherchons pas la pureté, mais la complexité, la relation de cause à effet, des moyens à la fin. Notre modèle du cosmos doit être aussi inépuisable que le cosmos. Une complexité qui comprend non seulement la durée, mais la création, pas seulement l’être, mais aussi le devenir, pas seulement la géométrie, mais également l’éthique.
Shevek vit dans la tension de ses mouvements qu'elle essayait de contenir ou de réprimer de toutes ses forces une tempête d'émotions pour pouvoir parler. Et quand elle parla, ce fut d'une voix basse et un peu rauque.
- J'ai besoin du lien, dit-elle. Du vrai lien. Le corps et l'esprit, et pendant toutes les années de ma vie. Rien d'autre. Rien de moins.
Elle lui lança un coup d’œil méfiant, cela aurait pu être de la haine.
S'attendent-ils à ce que les étudiants ne soient pas des anarchistes? (...) Comment les jeunes pourraient-ils ne pas l'être? Quand on se trouve tout en bas, on doit organiser les choses en remontant!
Il est dans la nature de l'idée d'être communiquée: écrite, dite, faite. L'idée est comme l'herbe. Elle demande la lumière, aimes les foules, grandit par croisement, s'améliore pour qu'on la piétine enfin.