Aussi mauvais à la relecture qu'à la première approche, il y a longtemps...
- RELECTURE -
J'avais lu quelques
Donna Leon il y a fort longtemps et en avais gardé une fort mauvaise opinion. Une amie m'ayant signalé il y a quelques semaines que j'étais peut-être un peu sévère, j'ai voulu en avoir le coeur net, et ai donc relu la toute première enquête du commissaire vénitien Brunetti, parue en 1992, étrennant au passage le nouveau format de lecture •2 promu par les éditions du Seuil. Hélas, je suis probablement encore plus sévère aujourd'hui que je ne le fus il y a une douzaine d'années. Passons sur l'intrigue policière, gentiment conventionnelle, mais qui n'est pas ici en cause, et allons directement aux deux facteurs pour moi presque insupportables.
Premièrement, la morgue hautaine de cette Américaine vivant à Venise depuis les années 80 me met profondément mal à l'aise... Clichés sans nombre, tant sur la ville de Venise, son histoire et son actualité, que sur l'Italie en général (les personnages siciliens, napolitains ou calabrais sont par exemple affligés de tous les défauts, de leur prononciation inélégante à leur fainéantise légendaire) ; contemption à l'égard des « touristes qui défigurent la ville », tout en racolant le lecteur supposé en égrenant justement tous les poncifs de la Venise touristique, au prix d'erreurs de localisation parfois surprenantes pour une auteur vivant sur place...
Deuxièmement, et c'est sans doute le pire : une faiblesse de style et de construction tactique rarement atteintes dans le genre policier, qui ne brille pourtant pas toujours par la fulgurance de son écriture. Mais aucun Mankell, Manchette, Fajardie,
Sjöwall, Freeling, Rankin,
Chainas,
Quadruppani, Camilleri ou
Carofiglio, pour ne citer qu'une poignée d'auteurs, ne se permettrait – jamais – les horreurs qui parsèment la prose de
Donna Leon : descriptions physiques issues de rédactions poussives de collège (« nez aquilins signes de noblesse », « pommettes hautes de type slave », « visages au teint olivâtre »,...), descriptions laborieuses et inutiles d'itinéraires - pour asseoir la « couleur locale », je suppose (« Il franchit le pont qui fait suite à Campo San Moisè, tourna à droite deux fois, et s'engagea dans une ruelle étroite qui se terminait sur une lourde porte en bois massif. » - sérieusement... style de maître de donjon débutant ?), et bien pire encore, résumés au surligneur rouge pour lecteurs inattentifs (juste après un dialogue de quinze lignes exposant clairement les faits, le terrible point sur les « i » : « L'une d'elles était morte à cause de Wellauer et une autre avait peut-être eu sa carrière gâchée par la faute du maestro. Seule la petite dernière lui avait échappé, mais elle avait dû s'enfuir en Argentine pour cela »). Je n'exagère pas, hélas, les exemples de ce type se présentent toutes les deux ou trois pages...
Toute dernière chance pour éviter un enterrement définitif de cet auteur, malgré tout l'intérêt et l'amour que je porte à Venise depuis plus de vingt ans : qu'une lectrice ou un lecteur me promette que ces deux points rédhibitoires se sont vraiment améliorés au fil du temps jusqu'à devenir supportables, à défaut d'être invisibles, dans ses dernières productions...