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Citations sur Ils ont voulu nous civiliser (10)

- Avant de mourir, il y a deux ans, ma mère m'a raconté qu'on était deux dans son ventre, des jumeaux. J'ai pris toute la place, j'ai bouffé tout ce qu'il y avait à prendre, l'autre ne s'est jamais vraiment développé, et à ma naissance, j'étais seul.
- Et ton ... jumeau, il était devenu quoi ?
- Un petit amas de cellules mortes. Le médecin lui a dit qu'il avait dû vivre deux ou trois semaines, là-dedans, pas plus. Bref, j'étais seul et personne ne m'a jamais rien dit, mais tu vois, ça ne m'a pas étonné d'apprendre ça parce qu'au fond de moi, je le savais. Ce jumeau, je l'ai cherché toute ma vie, il me manquait, ça n'a peut-être pas duré longtemps entre lui et moi, mais il y a eu quelque chose, c'est sûr, quelque chose d'important et ça fait partie de moi.
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Un cyclone extratropical de type « bombe ».
À la mi-journée, la dépression se situait à près de mille kilomètres des côtes françaises. On annonçait des rafales entre 150 et 170 km/h, avec des pointes dépassant les 200 km/h, de Biarritz à Mérignac. La veille encore, les modèles mathématiques n’en espéraient pas autant. À présent, les avions étaient cloués au sol et les trains en gare par arrêté préfectoral. Les prévisionnistes d’ERDF estimaient à plusieurs centaines de milliers les foyers privés d’électricité dans les heures à venir – 85 000 l’étaient déjà dans les Pyrénées-Atlantiques. Les premiers arbres tombaient sur le front ouest. Des déferlantes de huit à dix mètres de hauteur avalaient les dunes des plages landaises et mettaient à nu les derniers vestiges du mur de l’Atlantique.
Alezan était aux anges.
Le vacarme dans la cour était impressionnant. Le vent s’engouffrait en sifflant entre les volets et le lambris du plafond. La lumière de l’unique ampoule de la cuisine vacillait par intermittence. Des bruits sourds et puissants ponctuaient à intervalles réguliers le monologue excité du chien. Alezan monta le volume du poste radio, rinça son assiette dans l’évier et retira la marmite de soupe du fourneau. Le poêle à bois était chargé à bloc, les bûches de pin crépitaient, la chaleur dans la pièce était insoutenable, juste ce qu’il convenait pour maintenir une température agréable dans le reste de la maison.
Alezan essuya son Opinel sur le revers de son bleu, le plia avec soin, puis il s’installa sur la chaise, près de la porte, son fusil à portée de main, et il ferma les yeux. Il n’était pas soûl, juste légèrement grisé par les deux verres de rouge qui avaient accompagné son repas et par le flot de souvenirs qui affluait par vagues. Il n’avait que dix-neuf ans, ce 19 août 1955. Vingt-quatre heures avant qu’une tempête d’un autre genre vienne déchirer le cœur des hommes.
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De la peur à la haine, il n’y avait qu’un pas : les Arabes, toujours les Arabes, ces fainéants d’Arabes !
Les Arabes français, les Arabes d’Arabie, les Arabes maçons, carreleurs, manœuvres, intérimaires, avocats, fonctionnaires, journalistes, garagistes, caissières à Leclerc, les Arabes qui travaillaient, les Arabes au chômage, les Arabes et leurs chiées de gosses, toujours plus nombreux, les Arabes vieux qui glandaient sur les bancs publics, les jeunes qui gangrenaient les cités périurbaines, là-bas, loin de Begaarts, mais suffisamment proches tout de même pour que l’onde de choc des ravages de la drogue qu’ils dealaient parvienne jusque sur les bancs des lycées de la région, les Arabes féministes, les Arabes musulmans, les Arabes juifs, les Arabes athées, les Arabes catholiques, putain de merde, il y en avait aussi ! Les Arabes estivants qui se payaient des vacances sur les plages et qui déambulaient sur les chemins forestiers de Begaarts, les Arabes surfeurs, les Arabes pas tout à fait arabes, un peu gitans, un peu noirs, un peu blancs, un peu métissés, un peu tout, quoi ! Les Arabes qui votaient nationaliste comme Alezan, patriotes de mes couilles d’un pays amnésique qui n’aurait jamais dû les laisser entrer.
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La jeune femme portait une robe kabyle aux couleurs criardes et un simple fichu autour des hanches. Ses mains étaient celles d’une femme déjà rompue aux travaux des champs, mais son visage était le plus pur qu’Alezan ait jamais vu et son regard, aussi brûlant que la première fois qu’il l’avait croisé. Aucun foulard ne dissimulait sa chevelure.
Il réalisa que c’était la première fois qu’il se retrouvait seul avec elle, sans la présence de son père, Hassan.
Huit mois plus tôt, Alezan s’était porté volontaire pour un programme d’instruction aux techniques d’abattage industrielles. Il s’était retrouvé en équipe avec un Kabyle qui maîtrisait le maniement de la hache bien mieux que lui. Malgré la différence d’âge, les deux hommes avaient sympathisé et une amitié solide était née, faite de respect mutuel. Hassan possédait des rudiments de français, Alezan apprenait vite. Les semaines passèrent, le programme s’acheva, mais les liens perdurèrent. Ils continuèrent de se fréquenter. Le Kabyle le traita comme l’un des siens, comme un fils.
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Alezan travailla contre.
Contre la main-d’œuvre espagnole et portugaise qui afflua pendant les Trente Glorieuses et menaçait les ouvriers français.
Contre les rouges qui faisaient leur petite révolution.
Contre le péril jaune, depuis l’autre bout de la Terre.
Contre les gitans.
Contre les hordes d’Algériens, puis de Tunisiens et de Marocains, employées à moindre coût par les sociétés de débardage, contre ceux qui furent embauchés dans sa propre équipe et dont l’arrivée coïncida avec l’invention du chômage.
Contre les chômeurs eux-mêmes qui menaçaient les travailleurs comme lui, contre les patrons qui licenciaient, jetant davantage d’assistés dans l’arène, menaçant davantage les travailleurs comme lui.
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p. 57 - Le miracle eut lieu. Ce fut elle qui ouvrit. La jeune femme portait une robe kabyle aux couleurs criardes et un simple fichu autour des hanches. Ses mains étaient celles d'une femme déjà rompue aux travaux des champs, mais son visage était le plus pur qu'Alezan ait jamais vu et son regard, aussi brûlant que le première fois qu'il l'avait croisé. Aucun foulard ne dissimulait sa chevelure......Bahia. La belle, la superbe - voilà ce que signifiait son prénom....Alezan lui sourit. -Assalam'alaykoum.
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Thomas Ferrer fourguait les canards qu’il volait pour huit euros le kilo à un revendeur dénommé Baxter qui gagnait officiellement sa vie comme shaper. Printemps et été, il vivait de petits boulots de saisonnier sur les exploitations agricoles des environs ou dans les bars de la côte, mais dès qu’arrivait octobre, les plages surveillées fermaient, les touristes retournaient d’où ils venaient, les paysans comptaient le fric que leur avait rapporté le maïs, et les types comme lui devaient bien trouver de quoi passer l’hiver.
Huit euros, une misère. Deux ans plus tôt, la transaction lui aurait rapporté le double de cette somme, mais il s’était laissé surprendre sur la propriété d’un agriculteur à la retraite de Begaarts qui cherchait à le coincer depuis longtemps. Ce dernier n’avait rien trouvé de mieux que de l’attacher à son tracteur sous la menace d’un fusil Yildiz calibre 12, avant d’appeler les flics. Ce jour-là, Ferrer chargeait près d’une cinquantaine de volailles dans des caisses en plastique quand l’agriculteur était apparu en travers de la porte d’entrée, armé jusqu’aux dents. Près de sept cent cinquante euros sonnants et trébuchants à la revente, un bon coup pour trente minutes de travail, renouvelable le lendemain sur une autre exploitation – de quoi oublier la puanteur de la merde de canard et ses pieds gelés parce qu’il n’avait rien trouvé d’autre à se mettre qu’une vieille paire de baskets trouées.
Au premier coup de feu, Ferrer avait perdu sa lampe dont l’ampoule s’était brisée en tombant. Il s’était foulé la cheville dans une tranchée en tentant de s’enfuir quand le vieux avait tiré une seconde fois en l’air. « Et merde ! » s’était-il dit, le cul par terre. Pourquoi se priver ? Ces canards se reproduisaient tout seuls par centaines, magnifiques et gavés à souhait, ça aurait été un crime de ne pas en profiter alors qu’ils promettaient une belle récompense à qui en prélevait seulement une poignée ?
Le juge ne l’avait évidemment pas entendu de cette oreille.
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On n'a rien à exiger de ses parents ils sont ce qu'ils sont. (p.65)
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Chez lui.
Un bien grand mot pour cette chambre équipée d’un coin cuisine et d’une salle de bains qu’il louait dans le sous-sol d’une villa occupée seulement à la belle saison. L’endroit était chaud en été, glacial en hiver, humide toute l’année. Ferrer s’en foutait. Il ne s’était jamais projeté dans ce gourbi. Il rêvait d’une baraque à retaper, de l’autre côté de Begaarts, en pleine forêt. Il attendait son heure.
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Tout se perd.
Rien ne se crée.
Et aucune transformation de l’ordre existant, hein, fallait pas charrier !
La philosophie écologique de Baxter n’allait guère plus loin que le line-up où il se rendait chaque jour que Dieu faisait, quels que soit la saison, le temps ou les conditions de houle, et où, assis à califourchon sur sa planche, le visage éclairé par les premières lueurs du jour,il plissait les yeux et guettait l’arrivée du swell parfait.
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