Le type a la trentaine et je comprends qu'il vit chez sa mère aux deux prénoms sur la boite aux lettres : Jean- Louis et Yvette.
Ça claque !
Dans la boutique, tout ce que je détestais. Odeur écoeurante de parfum à la violette et à la vanille, décoration couleur pastel, musique anxiogène à souhait - imaginez une compilation des titres phares du moment, " I kissed a girl " de Katy Perry, " Toi et moi", d'un certain Grégoire et " Parle à ma main" de... merde, de qui déjà? Au secours !
Bref, j'étais à un poil de cul de l'arrêt cardiaque .
Simon a connu les joies acides de l'aide sociale à l'enfance à la française et de l'article 375 du Code civil - la clef qui permet à l'état d'entrer dans le foyer familial sans y avoir été invité. Enfance " en danger" , ordonnances de placement provisoire, foyers, familles d'accueil successives, objet de rapports psychologiques et médico-sociaux, interrogatoires serrés par une foule de gens qu'un gosse ne devrait jamais croiser : juges pour enfants, psychologues, psychiatres, assistantes sociales, flics...
A présent, il culpabilise et il cherche à me réconforter avec les mots bleus, vous savez , ceux que le chanteur Christophe dit avec les yeux parce que parler lui semble ridicule, qu'il s'élance et puis recule devant une phrase inutile qui briserait l'instant fragile.
Nous longeons le lycée technique et le stade de foot où des gamins s’entrainent, nous passons deux lotissements, un camping municipal encore vide et, enfin, l’usine Jouve, puis nous sortons de la ville. J’accélère. Je note au passage que « l’assassin au couteau » ne fait pas dans la distinction de classe. Il bute un « fils de » comme des fils de prolos. Il ne roule pour aucune idéologie discriminante. Je me dis que par les temps qui courent, c’est déjà ça. Il ne tue pas au hasard pour autant. La question est : pourquoi ?