Va et poste une sentinelle

« Pendant des années et des années, tout ce qui poussait cet homme à se croire supérieur à ses frères noirs était la couleur de peau. Il était tout aussi sale, tout aussi puant, tout aussi pauvre qu’eux. Aujourd’hui, cet homme possède plus qu’il n’a jamais possédé de toute sa vie, il a tout, sauf de l’éducation, il s’est libéré de tous ses stigmates, mais il continue de nourrir les relents de sa haine… »

Jean Louise faisait partie de ces gens qui, lorsque se présente à eux une solution de facilité, choisissent toujours la difficulté.

Elle n'était pas seule au monde, mais ce qui la soutenait veritablement, la force morale de toute son existence, c'était l'amour de son père. Elle n'avait jamais douté de cet amour, elle n'y avait jamais réfléchi, elle ne s'était même jamais rendu compte que, chaque fois qu'il lui fallait prendre une décision importante, la question réflexe "Que ferait Atticus?" lui traversait l'esprit sans même qu'elle en eût conscience ; elle ne s'était jamais rendu compte que ce qui la faisait tenir debout et tenir bon face à l'adversité, c'était son père ; que tout ce qu'il y avait de noble et de louable dans son caractère, c'était à son père qu'elle le devait ; elle ne savait pas qu'elle le vénérait.

A force d'être méprisé, Atticus, on finit soi-même par se croire indigne de vivre parmi ses semblables.

Il est toujours facile de regarder en arrière et de considérer ce que l'on était alors, hier, dix ans plus tôt. Se connaître tel que l'on est aujourd'hui, ça c'est difficile.

Quoi qu'elle sut tenir un volant, tout engin mécanique plus compliqué à maîtriser qu'une épingle à nourrice lui faisait horreur : plier une chaise longue la mettait au comble de l'irritation ; elle n'avait jamais appris à faire du vélo ou à taper à la machine ; elle pêchait avec une simple canne.

Les femmes aiment que les hommes fassent preuve à la fois d’autorité et de distance, si tant est qu’une telle gageure soit possible. Qu’ils leur donnent le sentiment de n’être que de faibles créatures, surtout s’ils savent qu’elles sont capables en réalité de soulever une pleine brassée des billots de bois sans le moindre problème. Ne leur montre jamais que tu doutes et ne leur dis jamais, au grand jamais, que tu ne les comprends pas.

L’automne arrive tard en Alabama. Même à Halloween, quand vient l’heure de rentrer les fauteuils, on peut sortir sur la véranda sans s’encombrer d’un épais manteau. Le crépuscule dure longtemps, mais la nuit tombe subitement : le ciel vire de l’orange foncé au bleu-nuit avant qu’ on ait pu faire cinq pas, et quand la lumière disparaît, elle emporte avec elle le dernier rayon de chaleur de la journée…

[Harper LEE, "Go set a watchman" / "Va et poste une sentinelle", Nelle Harper Lee, 2015 — traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pierre Demarty pour les éditions Grasset & Fasquelle (Paris), 2015 ; rééd. LGF/"Le Livre de Poche" (Paris), 2016]

...La première qualité d'un roman est de raconter une histoire...

... il est toujours facile de regarder en arrière et de considérer ce que l'on était alors, hier, dix ans plus tôt. Se connaître tel que l'on est aujourd'hui, ça c'est difficile. Si tu y arrives, alors tout ira bien pour toi.