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4,05

sur 396 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce livre est un roman, oeuvre de fiction, qui aborde une réalité très actuelle.

L'auteure, armée d'une belle plume, nous fait voyager aux côtés de Nuri et Afra, un couple Syrien uni. Elle tente de nous faire ressentir les blessures intérieures, et pas seulement, accumulées à cause d'une guerre qui les pousse à quitter leur pays. Leur route est inévitablement parsemée de dangers. La peur melée à une nécessité de fuir les poussent parfois à agir à l'encontre même de leurs principes.
Le couple Ibrahim n'est pas l'histoire type de tous les réfugiés. C'est cependant une histoire qui ressemble certainement à celle d'une partie d'entre eux. Heureusement Christy Lefteri a veillé à ne pas leur faire porter tous les malheurs possibles.

J'ai aimé le style de l'écriture, le caractère des protagonistes, endoloris par la perte de tant de choses qui leur étaient chères. le récit est émouvant, sans pourtant se perdre dans de la sensiblerie.

J'aimerais que beaucoup lisent cet ouvrage. On n'a pas toujours envie de songer aux problèmes et traumatismes multiples des réfugiés, aux angoisses des demandeurs d'asile, pourtant réaliser cette situation nous aidera à être plus humains.

Ceci dit, c'est un livre dur, qui ne laisse pas indifférent. Je vais faire suivre d'une lecture plus légère pour me décontracter un peu.
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Quand Nuri a découvert les ruches de son cousin Mustafa, il a eu le coup de foudre pour les abeilles et a brisé le coeur de son père qui l'aurait bien vu reprendre les commerce familial de soieries.

Nuri vit à Alep avec son épouse Nafra, artiste peintre et leur fils Sami de 7 ans.

Mais la guerre éclate. Des vandales brûlent les ruches. Sami meurt d'une balle perdue et sa mère perd la vue suite à ce choc.

Le roman alterne les scènes dans un foyer de réfugiés, dans le Sud de l'Angleterre et le récit du périple de Nuri et Afra pour quitter la Syrie.

Après la mort de Sami, ils ont quitté Alep, avec pour objectif de rejoindre Mustafa, déjà parti pour l'Angleterre. Mustafa qui les guide à distance en leur laissant mails ou sms que Nuri récupère épisodiquement au hasard de ses possibilités de connexions internet dans ce long exode.

Entre passeurs qui proposent des bateaux de fortune, camp de réfugiés sur une île grecque, puis à Athènes, passeurs douteux, Christy Lefteri, forte de son expérience dans une ONG à Athènes, parvient à nous faire vivre le voyage de ces deux migrants.

Sans pathos ni mièvrerie, ce roman donne à voir les conditions d'exode, et de rebond quand arrive enfin le bout de l'errance 

Une belle découverte. Un auteur à suivre.
Lien : http://les.lectures.de.bill...
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Nuri Ibrahim vit en Syrie, à Alep, avec sa femme Afra, artiste peintre, et leur petit Sami âgé de sept ans. Ils coulent des jours tranquilles. Nuri est apiculteur : c'est sa passion. Il aurait dû être tailleur, comme son père, mais il a choisi de suivre la voie de son cousin Mustafa. Leur affaire prospère et se diversifie : ils vendent dans leur jolie boutique du miel de toutes sortes mais aussi des cosmétiques et des compléments alimentaires fabriqués à partir de leurs ruches. L'avenir s'annonce riant mais la guerre éclate et l'inimaginable se produit ….
C'est un livre marquant, j'en ai achevé la lecture il y a plus d'une semaine et j'ai toujours du mal à l'évoquer. Il raconte à la fois une tragédie syrienne et la dérive d'un couple.

Durant l'été 2016, Christy Lefteri, l'autrice, est partie à Athènes où elle a passé deux mois à travailler dans un centre d'accueil pour des femmes et des enfants réfugiés. C'est là que l'idée de son roman a germé. Elle a alors décidé d'apprendre l'arabe pour revenir dans ce centre l'été suivant. Elle a longuement discuté avec son professeur particulier originaire d'Alep ainsi qu'avec ses propres parents d'origine chypriote qui ont fui leur pays dans les années 1970. Lors de son deuxième séjour au Hope Center d'Athènes, elle, qui était psychothérapeute de formation, a recueilli à nouveau de nombreux témoignages bouleversants.
Il me semble que c'est là une des grandes forces du roman : l'autrice choisit de donner la parole à son personnage Nuri. Tout passe par son regard et même doublement parfois car il doit « traduire » ce qu'il voit à sa femme Afra devenue aveugle à la suite d'une explosion. La tragédie syrienne est donc en quelque sorte « personnalisée » puisqu'elle a désormais un visage : celui de Nuri, d'Afra, de Mustafa et de leurs proches. La narration à la première personne permet l'identification du lecteur qui ressent les émotions du protagoniste. L'écriture de Christine Lefteri est très synesthésique : elle fait appel aux cinq sens en permanence. Grâce à son expérience personnelle (Chypre n'est pas loin de la Syrie), grâce aux récits de son professeur, elle arrive à faire vivre Alep : ses descriptions sont très immersives. Nous imaginons sans peine les couleurs des marchés ouverts, les senteurs de la boutique de Mustafa ou des fleurs du citronnier de la petite cour, le soleil brûlant du désert, le goût du miel et des épices et nous entendons le bourdonnement des abeilles. A ces tableaux si vivants du bonheur de jadis, sorte d'équivalent écrits des vibrants dessins d'Afra, se juxtaposent ceux d'Alep en guerre : « le matin, l'appel du muezzin invitait les maisons vides à la prière. Je sortis pour essayer de trouver de la farine et des oeufs, car il n'y avait presque plus de pain. Je marchais dans la poussière. Elle était si dense qu'on avait la sensation de patauger dans la neige. Il y avait des voitures carbonisées, des cordes à linge avec des vêtements crasseux sur des terrasses abandonnées, des fils électriques qui pendouillaient dans les rues, des magasins éventrés, des immeubles au toit arraché, des tas d'ordures sur les trottoirs. Ça puait la mort et le caoutchouc brulé. Au loin, des serpentins de fumée s'élevaient dans le ciel. J'avais la bouche sèche, les mains crispées et tremblantes. Je me sentais prisonnier de ces rues distordues ». Les cinq sens sont toujours convoqués, mais cette fois de façon dysphorique : au bonheur évoqué succède le malaise et le malheur et l'absence de transition rend le contraste encore plus saisissant pour le lecteur.
La composition très originale de l'oeuvre permet aussi de montrer le déracinement des héros. le roman commence par la fin : on sait d'emblée que Nuri et sa femme sont arrivés en Angleterre mais l'on va découvrir à quel prix. Chacun des treize premiers chapitres sur les quatorze que contient le roman est scindé en deux : le début raconte l'attente du couple pour sa régularisation dans une ville portuaire anglaise tandis que la fin narre les étapes de leur odyssée. A peu près à la moitié des chapitres, un ou deux mots en caractère gras, isolés sur une page, forment à la fois les derniers mots du récit « anglais » et les premiers mots de celui du « périple ». Ces mots « en gras » ramènent Nuri dans ce qui est arrivé auparavant, comme cela peut nous arriver dans la vie quotidienne quand un mot, un son ou une odeur nous rappellent un souvenir ancien.
Mais ici rien sur la nostalgie de l'enfance à la différence de la grive De Châteaubriand ou de la madeleine de Proust ! Ce procédé (qui est tout de même un peu redondant sur la fin) permet de mettre en évidence le fait que le passé et le présent sont indissociables et que les traumatismes subis sont à jamais présents dans cette famille : le moindre bruit, la moindre sensation peut les faire ressurgir… C'est un moyen très intéressant de nous faire ressentir le syndrome post traumatique tout comme l'utilisation d'une écriture parfois onirique voire fantastique dans laquelle on ne sait plus si Nuri rêve (ou plutôt cauchemarde) ou s'il est dans la réalité.
Lors de l'évocation de l'odyssée du couple, on retrouve certains épisodes déjà vus ailleurs en littérature y compris dans la bande dessinée : je pense aux scènes de naufrages ou de passeurs véreux dans « Eldorado » de Gaudé ou « Une Maternité rouge » de Lax mais c'est la triste réalité et il est bon de la rappeler encore et toujours. le roman de Lefteri acquiert cependant un supplément d'âme par son absence de manichéisme : les pires salauds sont capables de jouer superbement d'un instrument traditionnel et le héros, si bon, va pourtant commettre un acte odieux…. C'est une oeuvre profondément humaine aux portraits extrêmement touchants : Angeliki, Diomane ou le marocain sont très bien individualisés et vous accompagneront longtemps car au sein de la noirceur, il y a une belle solidarité et de vrais liens se créent. Ce qui m'a bouleversée, c'est aussi l'histoire de ce couple : la tragédie syrienne se double d'une tragédie personnelle et pendant la quasi-totalité du roman on assiste à la déliquescence des sentiments, à l'éloignement d'un couple qui s'aimait follement. Ils deviennent presque étrangers l'un à l'autre puisqu'« aimer c'est regarder dans la même direction » et qu'Afra ne voit plus ce qui est tandis que Nuri voit ce qui n'est plus. La douleur psychique et le deuil sont particulièrement et très délicatement mis en scène ici … c'est un sentiment universel qui renforce encore notre participation empathique et rend la leçon de résilience finale encore plus prégnante…

Je remercie donc le Seuil et Babelio pour l'envoi de ce très beau roman dans le cadre d'une masse critique privilégiée et je vous incite très fortement à le lire pour son aspect documenté et documentaire certes mais surtout pour son côté profondément poétique et humain.

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Je l'ai eçu à la masse critique privilégiée et je suis bien contente d'avoir accepté ce roman si singulier et si émouvant. Je viens de le terminer à l'instant et j'attends quelques minutes pour vous en parler. Que dire à ce sujet? Cette histoire est bien triste mais elle est aussi remplie d'espoir.
Vous vous souvenez peut-être l'année dernière quand je vous ai parlé de ma lecture sous forme de témoignage, d'un jeune migrant africain et de son douloureux périple pour arriver jusqu'en France? J'ai été bouleversée.

Bien sûr, ce roman est fictionnel mais il n'empêche que cela doit être la dure réalité. L'auteure a récolté de nombreux témoignages durant son travail à Athènes , dans un village de réfugiés.
Parlons de choses joyeuses en premier : les abeilles et leur présence inestimable. Sans elles, l'humanité serait incapable de subvenir à ses propres besoins. Sans fleurs, plus de nourriture. C'est pour cela qu'il faut bichonner les abeilles. Dans ce roman, elle sont au coeur du récit. Sous forme de pictogramme, dans les souvenirs du narrateur (il y revient tout le temps pour évoquer ses instants de bonheur en Syrie), les projets d'apiculture dans l'avenir en Angleterre....
L'histoire de ce couple syrien, partant en exil, voyageant dans des conditions terribles m'a remué le coeur. Je les ai suivis avec la peur au ventre. Parfois le texte devient onirique, complètement farfelu. Je crois que le narrateur se perd volontairement dans un autre monde parallèle pour oublier les atrocités. La réalité de la guerre les poursuit mais ils veulent se reconstruire . Il le faut.

Vraiment un très beau témoignage, pour toutes les voix des migrants d'aujourd'hui. Une minute de silence.
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Cette histoire vous la connaissez : c'est une tragédie devenue tellement ordinaire. La guerre en Syrie, l'exode, les camps de migrants avec leur crasse, leurs violences, leurs drames. Christy Lefteri (qui a été bénévole dans les camps de migrants à Athènes nous apprend la quatrième de couverture) transcende ces drames impersonnelles dans ce joli roman. On y découvre le parcours de Nuri, apiculteur à Alep, et de sa femme Afra, artiste peintre qui a perdu la vue. L'histoire commence en Angleterre, la terre promise, où Nuri doit retrouver son cousin Mustafa et reprendre avec lui son activité apicole. Cependant, ce n'est pas parce que Nuri et Afra ont réussi à atteindre l'Angleterre que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. D'entretiens en visites diverses et variés, c'est un long parcours du combattant qui les attend encore afin de pouvoir rester. le roman oscille en permanence entre passé et présent, mêlant avec réussite ces deux moments distincts. Au fil des chapitres, un unique mot sur une page blanche trace un trait d'union entre la vie d'avant et la vie à construire, donnant une tournure joliment poétique à l'histoire.
Mais la poésie ne s'arrête pas là. Toute l'histoire, sans occulter la terrible réalité (de la guerre d'abord, puis de l'exil avec son cortège d'atrocités) se teinte régulièrement d'onirisme, lorsque Nuri décrit les sublimes paysages d'Alep, chante son amour pour les abeilles ou sombre dans des rêves éveillés, marques de son traumatisme, où des clés sont accrochés aux arbres, où des placards s'ouvrent sur des paysages, nous faisant douter de ce qui est réel et de ce qui ne l'est pas. Comme sa femme Afra, Nuri aussi est aveugle, mais d'une autre façon.
Un grand merci à Babelio et aux éditions de Seuil pour m'avoir fait découvrir ce roman. Ce fut une très belle découverte.
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De Londres à Alep et d'Alep à Londres. Un « road movie », un « boat movie », un « plane movie » ! L'histoire de Nuri et d'Afra et / est celle de tous les réfugiés à travers le monde, de ceux qui fuient l'horreur d'un pays en guerre en quête d'un monde qu'ils pensent et souhaitent meilleur.
Coïncidence des lectures : je termine « Entre deux mondes » de Olivier Norek, histoire policière sur la jungle de Calais et le rêve anglais, pour ouvrir « L'apiculteur d'Alep » de Christy Lefteri.

Au milieu de chaque chapitre : une page vide, un mot, un seul, comme un lien indestructible entre leur point de chute, l'Angleterre et leur voyage, depuis leur pays d'origine et au travers de toute l'Europe, entre le présent et leur passé. Un choix d'écriture et de pagination surprenant mais auquel on s'habitue petit à petit.
Le ton est juste, la lecture fluide, presque agréable, souvent coloriée et poétique. Un voyage, avec en toile de fond, les abeilles et le métier de Nuri et de son cousin Mustafa.

Le bonheur faisait partie de leur existence, ils étaient heureux à trois, avec leur fils Sami. On en oublierait presque, à certains moments la tragédie, l'horreur, la souffrance, les viols, les meurtres, la violence souvent silencieuse de ce périple. La crainte de ne jamais arriver à destination, la peur de ne pas se réveiller avec le soleil ; la mort qui les guette à chaque instant, à chaque « morceau » de voyage. L'avilissement, la cupidité de la race humaine en quête d'argent, de trafic d'humains, d'enfants. On arrête alors de respirer, on tremble, on croise les doigts pour que chaque piège devant eux ne se referme pas.
Et pourtant tout n'est pas noir, tant qu'il y a de l'espoir, il y a de la vie. Tant qu'il y a de l'aide, de la solidarité, du réconfort, il y a de l'espoir et de la vie.

Le roman dévoile, pas à pas, toutes les difficultés des migrants à survivre, le sort des uns, la chance des autres de pouvoir effleurer leur rêve d'une terre sans guerre, sans bombes, sans destruction. La chance de pouvoir construire à nouveau une vie, une famille. Voilà le message d'espoir de « L'apiculteur d'Alep » : l'humanité plus forte que la tragédie. Une écriture bouleversante qui donne à réfléchir et questionne le monde dans lequel nous vivons.
Un grand merci à Babelio et aux éditions du SEUIL pour cette découverte littéraire.
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Lorsque ce roman m'a été proposé, j'ai tout de suite été partante : couverture alléchante, sujet de la migration qui m'intéresse particulièrement, il ne m'en a pas fallu plus pour avoir envie de découvrir cette histoire.

A travers le récit, le lecteur suit le long parcours de Nuri, apiculteur en Syrie, et de sa femme Afra. le couple va traverser une partie du monde, fuir la guerre qui sévit dans leur pays natal pour rejoindre l'Angleterre dans l'espoir d'une vie meilleure.

La narration du livre permet de suivre les personnages à différentes étapes de leur itinéraire. Chaque chapitre est coupé en deux : une partie est plutôt axée sur l'avant, sur la description du chemin parcouru et des embûches passées, la seconde se concentre sur le présent, sur l'après, les démarches faites pour obtenir un titre de séjour et surtout lesséquelles psychologiques qui résultent de ces semaines d'enfer pour atteindre l'eldorado anglais. J'ai bien aimé cette narration même si j'avoue avoir regretté son côté un peu redondant vers la fin du roman, ce qui m'a parfois amenée à survoler un peu l'histoire. Néanmoins, cela donne un bon rythme à la lecture et permet de retenir l'attention du lecteur, avec une certaine poésie dans la façon de lier les deux chronologies.

Les descriptions sont très immersives, l'auteure n'a aucun mal à nous faire imaginer les paysages de Syrie. Elle stimule notre imagination avec les odeurs d'épice et de miel, nous éblouissant de toutes ces teintes qui colorent les étals des marchés ouverts, sous le ciel brûlant. de même, la thématique de l'apiculture est bien amenée et intéressante. J'ai aimé cet univers et les parallèles établis entre les hommes et les abeilles.

L'histoire de ces personnages est évidemment touchante, notamment grâce à Nuri qui est assez énigmatique mais très attachant. On comprend bien qu'il a été profondément marqué par une série d'évènements depuis le début de la guerre, et qu'il tente comme il peut de s'en sortir et de ne pas perdre pieds pour sa femme, Afra. J'ai eu plus de mal à apprécier cette dernière car je l'ai trouvée assez insondable.

Je m'attendais à être davantage touchée par cette histoire mais j'ai passé un bon moment de lecture. Certains passages restent affreusement durs, d'autres bouleversants, mais l'espoir reste présent, surtout à travers l'amour. Il y a beaucoup de pudeur dans l'amour qui lie les personnages mais on en ressent toute la puissance. La fin est très belle. Malgré tout, je reste un peu sur la réserve car au regard de la thématique, j'avais d'autres attentes. Au final, le récit est davantage concentré sur la psychologie du personnage principal et sur la reconstruction après leur fuite (ce qui n'en est pas moins intéressant, mais ce n'était pas ce à quoi je m'attendais).

C'est un bon livre, que je recommande si vous êtes sensibles à cette thématique toujours d'actualité. Et si vous êtes amateurs de miel, vous allez en avoir l'eau à la bouche !

Lien : https://abookcatcher.fr/chro..
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Dès les premières pages, j'ai perdu mes repères.
Du bonheur au malheur, d'heure en heure l'apiculteur se meurt.
Livre détresse, lecture frayeur.
Les prédateurs brûlent ses repaires.
Il a eu son heure.
Nuri, bombe et cauchemar, fuite essentielle et vitale, son parcours, lourd.
Quitter son pays, partir avec Afra son amour.
De Syrie au Royaume-Uni.
De migrant à réfugié, tout est écrit dans ce road-movie de la vie.
D'Istanbul à Lesbos sans pathos et d'Athènes à Londres à se morfondre.
Happy, apiculteur, quand la mort te susurre des serments veloutés, que rien n'est moins sûr,
que rien n'aura plus d'importance. Ni la chaleur, ni les piqûres…

Je me suis senti mal à l'aise dans cette fiction qui sent trop fort la réalité.
Personnages de création dans un environnement réel, actes glaçants : tu as envie de t'entraîner au tir ? Simple, deux soldats parient celui qui va tirer, c'est un jeu, pour abattre…un enfant de huit ans !
J'ai approché l'errance et ses souffrances dans les lignes de Christy, je ne me suis jamais posé, ni reposé. J'ai couru tout le temps, haletant à tâcher de trouver un peu de baume au coeur pour Afra et Nuri dans les parcs piégés laissés à l'abandon où ils sont abrités avec leurs compagnons. J'étais sans cesse sur le qui-vive pour tous ces gens qui bravent la mort chaque jour qui commence.

Merci Christy de ce témoignage qui va me hanter, je croyais m'y perdre, je m'y suis trouvé encore un peu plus d'humanité.

Merci à Bashung à qui j'ai emprunté quelques lignes de sa superbe chanson : L'apiculteur.

Merci infiniment à Babelio et Seuil pour leur cadeau de masse-critique privilégiée.
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L'auteure londonienne est la fille de réfugiés chypriotes. Elle anime un atelier d'écriture à l'Université Brunel. Ce titre, inspiré par une expérience de bénévolat dans un camp de migrants à Athènes, est son deuxième roman et le premier traduit en français.
Nuri, le narrateur, est un apiculteur, jeté sur les routes de l'exil par la guerre civile syrienne. Il est accompagné dans ce périple terrible de sa femme, Afra, artiste plasticienne aveugle et traumatisée par la mort violente de leur seul enfant. A travers le regard et les états d'âme de Nuri, nous touchons du doigt la tragédie que vivent ces centaines de milliers de gens pour lesquels notre continent représente l'eldorado. Ce qu'ils endurent au prix de leur vie, de leur dignité, de leur souffrance pour échapper à l'horreur des conflits, de l'arbitraire, de la pauvreté, qui sévissent sur le continent africain.
En Angleterre Nuri et Afra sont attendus par un cousin et sa famille, celui qui a initié Nuri au monde merveilleux des abeilles et le moyen d'y accéder. Ce sont les seuls êtres qui leur restent de leur belle ville perdue et des temps heureux et doux.
Une belle écriture, simple, sans pathos mais qui décrit avec délicatesse les épreuves que traversent les déracinés qui doivent convaincre des employés administratifs de la véracité de leurs expériences douloureuses alors qu'ils ont tant de mal à l'évoquer entre eux.
Très beau roman qui laisse entrevoir ces invisibles entassés, sans identité définie, dans des lieux sales, sans confort minimum, chacun emmuré dans son isolement, ses souvenirs, sa souffrance, sa tragédie. Au milieu, des enfants désemparés dont certains exploitent la faiblesse, des femmes à la recherche de leur famille perdue. Des hommes, détrônés de leur rôle de protecteur. Au gré de la mémoire du narrateur nous voyageons dans le temps de l'exil et dans ces différentes étapes.
Mais toujours il y a les abeilles qui représentent le passé lumineux de Nuri et son avenir promis par son cousin et sa famille, qui l'attendent en Angleterre avec les nouvelles ruches d'abeilles noires locales, résistantes aux conditions atmosphériques plus rudes que celles connues par les celles des portes du désert chères au coeur de Nuri.
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J'ai reçu ce roman dans le cadre d'une masse critique Babelio. Il m'intriguait beaucoup et la couverture était vraiment belle, pleine de promesses, alors que le résumé laissait entendre la douleur. le contraste m'a plu!

Ce roman est une fiction, mais une fiction nourrie par les rencontres de l'autrices. Il raconte l'histoire de Nuri, un apiculteur, de sa femme Afra et de leur fils Sami. Ils vivent en Syrie, à Alep. Mais la guerre ravage tout, et ils entament un long périple : fuir la guerre, essayer de survivre, essayer de trouver une autre vie, ailleurs, de se reconstruire.

Ce roman est assez particulier. Deux histoires alternent : Nuri et sa femme, en Angleterre, en attente de la demande d'asile, et leur vie à Alep, les temps heureux, en flash-back, la perte des leurs, la perte de leurs biens, la peur, le vide, l'absence, l'incapacité à réagir puis l'urgence, vitale, de fuir. J'ai trouvé un détail dans l'écriture de ce roman particulièrement signifiant. Les époques se mêlent, en un tressage fin. Certains chapitres font le lien entre passé et présent. le dernier mot du chapitre est isolé sur une page et constitue le premier mot du chapitre suivant. Cela permet de mimer le mouvement de flux et de reflux du souvenir, de mimer le passé qui nous étreint suite à un mot, une odeur, une situation. Si j'ai été surprise au début, je dois me rendre à l'évidence : c'est non seulement original, mais particulièrement efficace. Cela permet au lecteur de plonger dans les pensées de Nuri, de suivre son histoire, et peu à peu, nous sommes nous aussi submergés par ses sentiments : la nostalgie d'un pays aimé, perdu irrémédiablement, la peur, la souffrance, le deuil, l'impossible oubli des horreurs vues, des épreuves traversées. Chaque détail du périple nous égratigne un peu plus le coeur, et aux côtés de Nuri et de sa femme, nous sommes atterrés, pris à la gorge devant tant de souffrances humaines.

Rien ne nous est épargné ici, pourtant, il n'y a pas de pathos à outrance, pas de violence démultipliée. Beaucoup de choses passent par l'implicite, et, à mon sens, cela en décuple l'effet. le suggéré m'atteint plus qu'un langage cru dont je vais me distancier. A travers le voyage de Nuri et de sa femme, nous voyons apparaître les camps de transit des migrants – dans toute leur horreur – insalubrité, misère, promiscuité, trafics aussi. A demi-mots, nous sentons des trafics d'humains, de la prostitution forcée. Les passeurs sont aussi présents : leur manière d'exploiter la misère humaine, leur chantage, et l'argent – au centre de tout.

Ce qui innerve ce roman, c'est surtout la peur, la souffrance humaine, et, en dessous l'espoir. L'espoir de tout reconstruire, l'espoir d'échapper à la guerre, de sauver sa vie, d'arriver à avancer, et non à oublier, car il est des choses que personne ne peut oublier. En filigrane, la question reste posée : comment survivre à la perte de son enfant, à l'abandon de tout ce qui nous a façonné, renoncer à son passé, à ses racines – en quête d'un Ailleurs plus riant – mais un Ailleurs où l'on nous questionne, où l'on nous soupçonne parfois, où certains nous exploitent. Ce voyage que nous faisons aux côtés de Nuri et d'Afra est un voyage douloureux, qui pèse sur le coeur, et qui nous atteint au plus profond de nous-mêmes, car, si nous ne sommes pas dans un pays en guerre, la guerre a déjà dévasté les vies de nos grands-parents, et nous ne pouvons qu'espérer que cela ne nous arrive pas à notre tour aussi.

L'Apiculteur d'Alep est donc une lecture très émouvante. Ce roman est riche en humanité et il sait parler à notre coeur. Sous les dehors de la fiction, sous une histoire particulière, il nous parle de milliers de personnes, il nous parle de l'Homme et des épreuves d'une vie.
Lien : https://lesreveriesdisis.com..
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