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sur 392 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Nuri est apiculteur et adore son métier qui lui a été enseigné par son cousin Mustafa et avec qui il le pratique. Sa femme Afra est artiste-peintre. Ils vivent à Alep avec leur jeune fils Sami. L'éclatement de la guerre civile va mettre fin à ce bonheur.
C'est l'histoire de ce couple que Christy Lefteri a choisi de nous raconter, ce couple qui va devoir fuir son pays la Syrie, les ruches sacrées de Nuri ayant été détruites et leur enfant Sami tué. Afra est devenue aveugle à la perte de son fils et Nuri doit tout tenter pour la convaincre de partir.
L'auteure va alterner le récit de cette vie à Alep et de l'exode entrepris pour fuir l'invivable avec la narration de leur vie actuelle dans une pension, tout au sud de l'Angleterre où ils attendent depuis deux semaines d'avoir terminé les formalités de demande d'asile.
Le premier chapitre du roman commence avec la description de l'attente au Royame-Uni. Il porte évidemment le chiffre 1 sous lequel se trouve une abeille. Il se termine sur une phrase inachevée à laquelle il manque un mot. Ce mot sera le titre du récit suivant, récit du périple pour arriver jusqu'en Angleterre. Il sera ainsi le dernier mot de la phrase et le premier du paragraphe suivant. Nous passons ensuite au chapitre 2 avec l'abeille puis un autre mot et ainsi jusqu'au chapitre 14 où les deux récits se rejoignent. Une façon très originale pour enchainer à la fois le présent et le passé.
Christy Lefteri a mis en opposition, d'une manière remarquable, la vie heureuse, avant la guerre, dans la magnifique ville d'Alep et la tragédie vécue tout au long du périple vers une autre vie. Elle a su transcrire à merveille les couleurs, les senteurs les odeurs, de même que l'amour de Nuri pour sa femme et pour ses abeilles, abeilles qui ne le quitteront jamais. Tout au long du roman, le thème des abeilles et des ruches sera omniprésent et aidera souvent Nuri à ne pas perdre pied complètement.
En convoquant ici une famille parmi la multitude des réfugiés, l'écrivaine parvient ainsi avec cette histoire personnelle à nous faire vivre et ressentir au plus profond de nous-mêmes, ce qu'est le calvaire de ces gens poussés sur la route malgré eux, alors qu'ils vivaient heureux jusque-là, vers un avenir complètement incertain en prenant des risques immenses, dans des conditions inhumaines.
Quel beau livre puissant de Christy Lefteri, née à Londres, livre qui lui a été inspiré, comme elle nous le dit en fin d'ouvrage par son travail de bénévole dans un camp de migrants à Athènes en 2016 et 2017. Il n'a pas été sans me rappeler le roman graphique de Fabien Toulmé : L'odyssée d'Hakim.
Ce roman, L'apiculteur d'Alep m'a touchée, émue, bouleversée et je ne trouve plus juste résumé que ce qui est écrit sur le bandeau : Une histoire d'amour fou, une odyssée vers l'espoir.
À noter la très belle couverture où deux mains nous présentent deux moitiés de grenade, ce beau fruit, cadeau de Nuri à Afra.
Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour m'avoir permis de découvrir ce magnifique deuxième roman de Christy Lefteri. J'ai par ailleurs bien apprécié le post-scriptum en bas de page de la lettre d'envoi dans laquelle l'équipe du Seuil mentionnait :"Nous ne pouvons être tenus pour responsable de toute envie de miel découlant de cette lecture".

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Christy Lefteri a été profondément marquée par son engagement bénévole auprès des réfugiés, à Athènes. Les rencontres, les histoires racontées par ces femmes, ces hommes, les dessins des enfants l'ont poussée à écrire ce magnifique roman, dur et émouvant : L'apiculteur d'Alep.
Nuri Ibrahim, le narrateur, vit heureux en famille, à Alep (Syrie) où, avec son cousin, Mustafa, ils possèdent de nombreuses ruches dont ils extraient un miel délicieux produit par ces abeilles merveilleuses, indispensables à notre survie.
Hélas, tout dérape. Guerre civile, intégrisme religieux, luttes politiques insensées, sécheresse et c'est le peuple qui souffre, des milliers d'innocents qui voient leurs vies brisées. Mort, destruction, toute une société s'écroule. Une seule solution pour tenter de survivre : la fuite vers notre Occident rêvé où il est si difficile d'être accepté.
D'autres écrivains comme Louis-Philippe Dalembert dans Mur Méditerranée, m'ont fait partager ce cauchemar, ces souffrances inouïes, la rapacité des passeurs mais aussi la générosité des bénévoles oeuvrant pour les organisations humanitaires et Christy Lefteri donne un autre éclairage qui m'a profondément ému, troublé, révolté parfois.
Il est indispensable de lire de tels livres dans ce XXIe siècle qui apporte aujourd'hui d'autres drames et nous fait oublier un peu trop facilement que, chaque jour qui passe, des enfants, des femmes, des hommes tentent de fuir la guerre, la famine, la misère, au péril de leur vie.
L'apiculteur d'Alep, sur les pas de Nuri et d'Afra, son épouse, sans Sami, leur fils, tué par une bombe avant leur départ, est un roman remarquablement construit. Comme d'autres avant moi, je remarque et j'apprécie cette liaison subtile entre le présent – Nuri et Afra sont en Angleterre et attendent une régularisation – et ce qu'ils ont enduré pour en arriver là. Une phrase se termine par un mot écrit en caractères gras au centre de la page suivante et ce même mot est le début d'une nouvelle phrase. C'est original et je pense qu'il faut saluer le travail de la traductrice, Karine Lalechère, qui a su respecter et transcrire en français l'écriture talentueuse de Christy Lefteri.

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C'est une histoire qu'il est indispensable de lire. Elle donne le véritable éclairage sur le drame que vivent des milliers de personnes chaque année, chassées de leur pays par la famine ou par une guerre. Ces gens migrants que l'on qualifie si facilement d'envahisseurs dans nos sociétés occidentales privilégiées. Ces gens qui effraient parce qu'ils ont une culture et une langue différentes de la nôtre et dont on craint qu'ils ne se répandent dans notre espace vital pour se l'approprier, le corrompre et faire naître le chaos.
« L'apiculteur d'Alep » révèle la véritable nature de ces gens, des hommes, des femmes, des enfants traumatisés, meurtris, condamnés à errer d'un camp à un autre après avoir affronter la mort de multiples fois, des gens qui avait une vie honorable et que la folie des hommes a anéantie l'espace d'une déflagration de bombe.
La peur de l'inconnu nous les a fait craindre, haïr ou mépriser, et pourtant, l'histoire de Christy Lefteri les révèle être pour la plupart des personnes avec une âme noble et douées d'humanité comme on en rencontre de moins en moins souvent dans nos démocraties.
A travers le plus beau métier au monde, celui qui entretient la vie, l'apiculteur, l'auteur raconte le voyage sans retour de Nuri, gardien des abeilles d'Alep et Afra, son épouse devenue aveugle depuis la mort de leur fils Sami, de Syrie en Grèce puis en Angleterre.
L'auteure n'est pas tombée dans l'écueil du reportage. Il s'agit bien d'une fiction basée sur des faits réels qu'elle a bien connus puisqu'elle a travaillée deux années consécutives dans un centre de migrants à Athènes. Elle a eu le talent de traiter un sujet aussi grave avec beaucoup de poésie.
C'est une lecture qui marque et qui ne peut laisser indifférent à moins d'être dénué de toute sensibilité. Une lecture qui rend intelligent.
Traduction de Karine Lalechère.
Editions du Seuil, Points grands romans, 325 pages.
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Le "Printemps arabe" ,qui devrait être un pluriel, est un mouvement de contestations populaires qui va faire vaciller certains régimes du Maghreb et du Machrek à partir de la toute fin de l'année 2010.
Il va chronologiquement concerner d'abord la Tunisie, puis partiellement l'Algérie et la Jordanie, l'Égypte, le Yémen, Bahreïn, la Libye, le Maroc et enfin, le 19 mars 2011 la Syrie.
Chacun des pays cités a connu un sort différent.
La Tunisie, la Libye et l'Égypte se sont retrouvés avec de nouveaux leaders mais avec des régimes dans lesquels la démocratie et les droits de l'homme ont peu ou toujours pas leur place, exception faite peut-être de la Tunisie...
L'Algérie, la Jordanie, le Maroc ont turbulé mais sans céder.
Au Yémen et à la Syrie a été réservé le pire...

Je tenais à ce rappel parce que je ne suis pas sûr que tous les lecteurs de ce roman l'aient à l'esprit et parce que personnellement "mobilisé" depuis 2011 sur le drame syrien, j'ai lu ledit roman avec un vécu qui n'est certes pas celui de Chrity Lefteri qui, elle, a été marquée par son expérience de bénévole au "Faros Hope Center", un centre d'accueil pour les réfugiés à Athènes, mais qui est celui d'un militant concerné et encore actif.

La ville d'Alep compte presque trois millions d'habitants avant le déclenchement de la guerre civile.
C'est une ville prospère où il ferait bon vivre sans la dictature Assad.
Mais c'est là que vivent néanmoins heureux, Nuri apiculteur, Afra son épouse artiste peintre et Sami leur petit garçon de cinq ans.
Nuri est associé à son cousin Mustafa, lequel est marié à Dahab, et a deux enfants, une fille Aya et un garçon Firas.
La guerre civile va bouleverser la vie de ces hommes et de ces femmes qui ne demandaient rien d'autre que de vivre leur vie en paix.
Mustafa va envoyer, par prudence, Dahab et Aya en éclaireuses en Angleterre.
Mais la situation va empirer, la guerre civile va dans un premier temps voir s'affronter les sbires d'el-Assad et l'Armée syrienne libre.
En 2015, l'année où se déroule cette histoire, la coalition Fatah Halab rassemble des dizaines de groupes d'insurgés, sans parler du tristement célèbre État islamique.
Alep est le théâtre des pires affrontements et des pires exactions.
Firas et Sami sont tués.
Firas est "exécuté", Sami est tué par l'explosion d'un obus.
Toutes leurs ruches sont brûlées.
Mustafa part rejoindre Dahab et Aya en Angleterre, conjurant son cousin de le rejoindre.
Mais Afra qui a perdu la vue au moment de l'explosion qui a tué Sami, refuse de quitter Alep.
Il faudra que la vie de son mari soit directement menacée pour qu'elle consente à l'exil et que tous deux empruntent le terrible chemin de la fuite et fassent connaissance avec ce qu'est le sort des réfugiés.

Ce roman très touchant est à la fois le récit d'un exil et le témoignage de toutes les histoires des exilés qu'a rencontrés Christy Lefteri.

C'est l'histoire de ces terribles traumatismes engendrés par la guerre, l'exil et les conditions de l'exil.
C'est l'histoire des traumatismes nés du deuil.
C'est aussi et surtout l'histoire de trois cécités.
Celle d'Afra qui ne veut plus voir.
Celle de Nuri qui, se refusant de voir la réalité, s'est inventé une réalité alternative.
Notre cécité qui s'est habituée à passer d'une actualité à l'autre ou à pas d'actualité.
Mais c'est aussi l'histoire d'un long chemin vers la résilience.
Une résilience à laquelle seul l'amour peut donner naissance ou re-naissance.

Christy Lefteri maîtrise son sujet. L'histoire de Nuri, d'Afra, de Sami, de Mohamed, et de tous ceux qu'on appelle avec l'inconvenance du confort "les migrants", est relatée avec beaucoup de réalisme, d'humanisme, d'empathie, mais sans céder à la tentation du pathos, de l'emphase ou du lyrisme.
C'est un roman qui porte les labels "honnêteté" et "authenticité".
La plume a d'indéniables qualités.
La structure narrative est originale ; le livre est séquencé entre l'Angleterre, la Turquie, la Grèce, Alep et quelques flashbacks avec pour chacun un trait d'union sous la forme d'un mot qui permet de passer d'un chapitre à l'autre, d'un lieu à l'autre, d'une temporalité à l'autre.

Je vous recommande ce très bon livre et y ajoute celui de Raphaël Pitti - Va où l'humanité te porte -, livre ( chroniqué sur Babelio ) témoignage d'un médecin de guerre qui est intervenu en Syrie et qui oeuvre à présent pour l'Ukraine...
Pour conclure, je ne peux m'empêcher de faire le lien "thématique" entre ces deux cousins apiculteurs à Alep et cet apiculteur du Donbass et ses "abeilles grises" qu'Andreï Kourkov a mis en scène dans un livre magnifique, que je vous recommande également.

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Je ne m'attendais pas à être aussi remuée par l'apiculteur d'Alep.
Par l'apiculteur et la peintre d'Alep.
Et leur petit garçon.
Et le petit Mohammed.
L'histoire débute dans la lumière dorée des prés de Syrie, le zonzonnement paisible des abeilles, les rangées de belles ruches alignées, le parfum des fleurs et du miel.
Elle se termine dans une petite ville du Sud de l'Angleterre, dans une courette bétonnée où un bourdon privé d'ailes vit sa petite vie sur un pissenlit.
Mais entre les deux…
Entre les deux, c'est d'abord une dictature qui tue ses enfants, c'est la guerre, d'atroces bombardements, des deuils.
Puis le parcours désespéré de l'exil, les réseaux de passeurs, les bateaux pneumatiques, les camps de réfugiés, là où le pire peut arriver.
Les camps de réfugiés où l'autrice a travaillé comme bénévole, où elle a écouté les récits.
Et où l'idée de ce roman est née.
Car c'est un roman, et c'est ce qui fait sa force.
Parce qu'elle a un vrai talent, Christy Lefteri, pour faire passer l'émotion dans des phrases courtes, dans de petits gestes du quotidien, dans des personnages si poignants, ce mari, cette femme, qui s'épaulent et se soutiennent tour à tour quand l'un ou l'autre sombre.
Si j'ai eu la gorge serrée tout du long, j'avoue que la fin m'a fait pleurer ; même les remerciements – c'est dire – où elle explique avoir "écrit cette histoire pour essayer de montrer ce qui se passe entre les gens qui s'aiment, quand ils ont tout perdu."

Traduction impeccable de Karine Lalechère.

Challenge Globe-trotter (Chypre)
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J'ouvre L'apiculteur d'Alep. À l'intérieur s'y trouvent les paroles de Nuri. Dès ses premiers mots, je retiens mon souffle et je pressens, d'ores et déjà, qu'ils vont éveiller chez moi des émotions multiples. Je le laisse alors parler de sa femme, Afra, de ses yeux aveugles où il n'y rencontre plus qu'un vide abyssal terrifiant. Il nous dit que son rire aux éclats dorés comme de l'or s'est enfui, bien loin. Envolé aussi son don à faire vivre un paysage du bout de ses pinceaux. Envolé, leur petit Sami, victime de l'absurdité humaine.

Ils ont fui Alep pour rejoindre le cousin Mustafa et sa famille déjà exilés en Angleterre. Maintenant, ils sont dans l'attente de papiers, dans une pension anglaise. Pour l'acceptation de leur demande d'asile, leur unique privilège « nous venons du pire endroit sur terre. »

Pour ne pas nous perdre, pour accentuer aussi la transition entre ce lieu de demande d'asile et le passé, l'auteure utilise un mot, isolé sur une page vierge. Ce mot peut être une couleur, le nom d'une ville quittée ou traversée, un moment, comme la nuit, la dernière nuit syrienne avant le passage de la frontière et l'adieu à son pays. Ces mots nous propulsent à chaque fois dans le passé qui fut doux comme le miel qui s'écoule des ruches d'Alep, comme le partage de mets syriens en famille, mais rapidement terrifiant, comme l'inquiétude grandissante, la guerre, leur fuite, leurs haltes de réfugiés faites d'attentes interminables dans des camps sordides où plane toujours la peur, omniprésente.

Les paroles de Nuri sont sensorielles. S'en échappent des parfums de jasmin, de miel, d'épices, de fleurs de citronnier. le parfum de roses de sa femme puis celui du chaos, des ruches brûlées, d'ordures, de mort. Lui revient souvent le bourdonnement des abeilles et la beauté des paysages arides d'Alep. Bouleversante sa sensation de brûlure, sa répulsion et sa peur au moindre effleurement de la peau de sa femme. Alors qu'elle est à ses côtés, il la recherche éperdument, il guette son retour.
Quoique très souvent mutique, les perceptions d'Afra nous guident vers d'autres traumatismes.
Chaque mot, chaque geste, chaque personnage, chaque perception ont une terrible importance dans ce roman. Se ressentent la déchirure du pays quitté, la peur de l'exil, la douleur des pertes mais aussi la puissance des liens familiaux ou amicaux, les souvenirs comme moteur d'un avenir possible.
Les fleurs symboliseront l'espoir en renfermant le pouvoir de dessiner un sourire au milieu des ténèbres. Et n'oublions pas les abeilles que l'on suit, docilement, toujours affairées, source de prospérité et de vie.

Intérieur, extérieur, ce livre est magnifique. Des objets ramenés des décombres de leur ville, Nuri dépose dans les mains d'Afra la grenade fraîche de la couverture, avec ses graines qui étaient comme des joyaux, avant, avant les ténèbres.

Christy Lefteri, à travers cette fiction terriblement émouvante, vous avez admirablement raconté l'histoire de ces réfugiés. Comme vous vous adressez au lecteur en fin d'ouvrage, je vous remercie personnellement pour l'intensité émotionnelle de cette très belle lecture, pour les paroles de Nuri qui résonnent et résonneront longtemps en moi. Merci aux éditions du Seuil et à Babelio pour l'envoi de ce très beau roman.
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Nuri est devenu apiculteur à Alep grâce à Mustafa, - son cousin de dix ans son aîné -, sa femme Afra, est artiste peintre. Leur vie bascule avec la guerre civile en Syrie. Alors que Mustafa et sa femme ont choisi l'exil et l'asile en Grande Bretagne, Afra reste réticente au départ et ce, même devenue aveugle après l'explosion d'une bombe proche de leur maison. Nuri déploie son énergie pour organiser enfin leur périple, qui passera par la Turquie, la Grèce, entre passeurs et passages dans des camps de réfugiés, aux prises avec les rencontres tantôt fraternelles, tantôt malhonnêtes.

L'apiculteur d'Alep est un roman profondément humain qui suit un couple de syriens qui faisait partie de la classe moyenne de la société et qui se trouve plongé dans une guerre que ni Nuri, ni Afra ne comprend. Un déracinement d'abord refusé par la femme qui ne veut pas abandonner sa maison et qui doit se résoudre à suivre la cohorte des exilés, au prise avec des passeurs qui les dépouillent de leurs dernières richesses.
Un roman à hauteur d'homme, sans pathos qui décrit bien les conditions de vie dans les camps de réfugiés en Grèce et surtout la promiscuité qui y règne.
Un témoignage intéressant et très humain.
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Nuri se souvient, à coup de long flash-back, Nuri se rappelle sa vie d'avant, là-bas, à Alep, quand elles étaient encore calmes, et sa vie et sa ville !

Quelque part dans une station balnéaire au sud de l'Angleterre, réfugié dans une pension avec sa femme Afra, espérant émigrer dans une Londres qui sera forcément plus proche de celle de Ken Loach que de la mythique carnaby streat, il ressasse le sac et le ressac d'une destinée déracinée qui étouffe sous l'amas nauséabond des algues noires que la guerre civile a jeté sur sa famille meurtrie.

Le bonheur se mesure quand il a disparu.

Disparu le familier bourdonnement des milliers d'abeilles dont il faisait son miel.

Disparues les abeilles aussi, il ne reste que cendres et papillons noirs qui sifflent et explosent, laissant cratères et cadavres au coeur de la ville martyre où rugit sa douleur.

Disparu dans le regard engorgé de sa femme où stagne la détresse noire d'avoir dû fuir le pays où sont ensevelis ses propres morts.

La tragédie d'un peuple s'exprime à travers l'odyssée effrayante d'un modeste couple d'Alep qui brave les dangers des filières de passeurs clandestins pour échapper à la folie meurtrière et fratricide du régime totalitaire et contesté de Bachar El Assad.

La tragédie des migrants jetés,  souvent contre leur gré, sur les routes, à traverser rivières et mers, dans l'espoir d'un avenir convenable dans un pays lointain qui ne veut pas d'eux.

Ils fuient la Syrie à feu et à sang comme d'autres le Gabon, la Somalie, le Soudan et le Maroc.

Soit ils fuient, qui la guerre civile, qui la misère, soit ils sont attirés vers un Eldorado comme les papillons de nuits les phares de la voiture qui va les fracasser.

Parce qu'ils vont se fracasser, abusés par des passeurs sans scrupules, entassés dans des camps d'infortune, battus dans des prisons indignes, précipités de rafiots surchargés par de rapaces trafiquants avides et inhumains.

Ils traverseront les frontières qui les éloigneront du bonheur cassé, la Syrie, la Turquie, l'île de Leros, la Grèce…des noms qui évoquaient l'exotisme avant d'être synonymes d'exode, d'enfermement, de contrôle d'identité et d'interminables moments de rumination.
Les souvenirs entrent en irruption, bouillonnent et se répandent sans retenue. Lave incandescente qui brûle un cerveau déjà tellement mis à mal par l'incertitude, la promiscuité et la turpitude de certains compagnons d'infortune voire même pire.

Un roman âpre qui comme un sparadrap vous arrache la peau mais aussi le coeur et l'âme, vous dépouille comme un lapin, vous exhibe dépecé, nu et vous expose à cru, à la cruauté humaine dans toute sa laideur, sans plus aucune protection.

Ecorchée aussi, la narration qui épouse les méandres sinueux des pensées rétrospectives du personnage principal qui nous livre son histoire et celle des siens en creusant plus profond encore dans une mémoire dynamitée par la guerre.

Ni les faits principaux ni même l'histoire des personnages ne suivent aucune chronologie linéaire mais nous sont distillés de façon fragmentaire, étant parfois considérées comme acquises les informations même capitales qui se découvriront pourtant aux pages qui se tournent.

Ceci peut surprendre.
Au début du livre, j'ai cru avoir zappé une partie du récit par inattention et ce n'est qu'après avoir re-survolé ce que je venais de lire que j'ai compris que c'était une démarche stylistique.

Et parfois, face à  l'immensité, perdu au centre d'une page, un mot, un lieu, un pont entre deux chapitres, une passerelle entre deux étapes, un mirage auquel s'accrocher comme lui se cramponne à ses deux pages encadrantes.
Un fil, le fil de la vie, ténu, quelques lettres dans un océan blanc, un embarcation perdue en pleine mer mais l'espoir d'une suite, d'un futur, d'un avenir !

Un roman nécessaire qui donne la parole à ces hommes et ces femmes brisés par un monde absurde mais qui gardent en eux la force de risquer leur vie pour qu'un jour elle soit plus belle. Un beau roman, une triste histoire.
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L'auteure, Christy Lefteri, semble avoir une connaissance fort précise des camps de migrants pour y avoir été bénévole à Athènes. Grâce à son expérience, jointe à sa sensibilité et sa perception aiguë de ce qui est visible et de ce qui est caché, elle nous offre ici un magnifique roman qui m'a beaucoup émue.
Nous suivons le terrible parcours de Nuri et de sa femme Afra, au départ d'Alep en Syrie jusqu'en Angleterre. Forcés de quitter leur pays en guerre, la volonté et le courage les accompagneront, avec des hauts et des bas, malgré les embûches, les difficultés, le désespoir parfois, la fatigue de plus en plus présente.
Les mots de Christy Lefteri nous ouvre un voile sur l'histoire des migrants, toujours actuelle, et apportent beaucoup de plus de force que des images vues ou ce que les actualités nous montrent. Mais pas de pathos. La pudeur de l'écriture rend leur périple de plusieurs mois nimbé d'espoir, où certains traumatismes sont convertis en rêves.
Et puis, les abeilles anglaises qui se sont adaptées au climat pluvieux semblent plus costaudes que celles de Syrie.

Un très beau livre et une lecture vitale, que je recommande.

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Nuri est apiculteur. Afra, sa femme, est peintre. Ensemble, ils vivent à Alep, capitale syrienne, avec leur fils de sept ans, Sami. La vie est douce et heureuse jusqu'au jour où éclate le conflit. le pays est alors en pleine guerre civile. On vit sous les bombes et les armes. Alep est à feu et à sang. Les ravages se multiplient chaque jour. Les ruches de Nuri sont détruites. Puis, le pire arrive. Sami est tué. Afra n'est plus que l'ombre d'elle-même. Dehors, les rues sont désertes. La population fuit. C'est l'exode. Afra refuse encore de partir. Pourtant le danger guette, les exécutions sont courantes. le bon sens aura finalement raison. Il est alors temps de penser à l'avenir.
Nuri et Afra prennent alors la route. Leur but : rejoindre leur cousin en Angleterre.
Débute alors un long périple, entre misère et espoir.

Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour cette lecture.

L'histoire de Nuri et d'Afra est celle de milliers de réfugiés qui arpentent le monde chaque année. le contexte politique est toujours d'actualité. La Syrie est en guerre depuis 2011. Les opposants au régime prennent la ville d'Alep dès 2012, enrôlant sous la contrainte hommes et enfants. Seule la mort attend ceux qui refusent de rejoindre les rangs rebelles. La ville est détruite par les bombes. Il ne reste plus qu'un champ de bataille.

L'auteure est chypriote. Elle a travaillé à plusieurs reprises dans un camp de migrants en Grèce. Son récit est inspiré de son vécu, de ses rencontres. Elle a voulu restituer les témoignages de toutes ces vies détruites par les conflits armés.

"L'apiculteur d'Alep" parle du voyage des réfugiés à travers l'Europe. de la Syrie, jusqu'en Turquie, en passant par l'île de Léros au large des côtes d'Athènes. L'objectif : obtenir le sésame pour atteindre l'Angleterre, territoire tant convoité, tant espéré. Celui où tout est possible. le pays de la liberté. La terre de tous les espoirs. Mais avant, il y a un parcours semé d'embûches, les passeurs peu scrupuleux, profitant de la misère humaine, les dangers des traversées en mer, et les violences des camps.

Un roman sur la réalité de la guerre, de la fuite vers un idéal, d'une survie et d'une reconstruction. le parcours d'un couple, uni par l'amour, leur seule force pour traverser les obstacles et atteindre paix et sérénité.

Une excellente lecture, un témoignage touchant.

Lien : http://labibliothequedemarjo..
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