C'est comme le port Salut. C'est marqué dessus. Ce livre "
l'apiculteur d'Alep" raconte l'histoire de Nuri, un apiculteur, exerçant à Alep en Syrie.
Nuri vit avec sa femme Afra, une artiste-peintre plutôt douée, et leur fils Sami. Nuri fait donc du miel et adore les abeilles pour lesquelles il voue une passion sans égal. Cette passion lui a été transmise par Mustafa avec qui il travaille désormais, main dans la main et leur commerce se porte plutôt pas mal. Tout semble aller pour le mieux lorsque la révolution syrienne éclate.
Comme pour un certain nombre d'autres pays voisins, le printemps arabe fait souffler un vent de démocratie sur ce pays dirigé de mains de fer par Bachar al-Assad. Mais, au fur et à mesure que la contestation prend de l'ampleur, la répression devient sanglante et la vie devient de plus en plus difficile à vivre entre les bombes tombant un peu aléatoirement sur les civils et les exécutions plus ou moins justifiées (plutôt moins que plus d'ailleurs). Plus personne n'est à l'abri de mourir du jour au lendemain, sans raison.
Après la destruction totale des ruches, incendiées par des vandales et la mort de son fils, Mustafa, l'associé de Nuri, décide de quitter la Syrie pour rejoindre le Royaume Uni avec le statut de réfugié et recommencer une vie dans un pays accueillant et stable. Il s'installe dans le nord de l'Angleterre et essaie de se reconstruire à l'aide des associations locales avec lesquelles il peut mettre à profit ses compétences en miel et en abeilles.
Nuri et sa petite famille restent donc seuls à Alep car Afra, sa femme, ne souhaite pas tenter l'experience de l'exil.
Mais voilà, la guerre, bah, c'est moche.
Très moche même.
Le temps se suspend lorsqu'une bombe tombe dans la cour dans laquelle Sami jouait. Il est tué sur le coup. Afra, qui le regardait jouer avec des yeux pleins d'amour, devient aveugle.
Extrait : "Sami, mon fils. Il était dans le jardin. Je le laissais jouer sous l'arbre, mais je le surveillais de la fenêtre : il n'y avait pas eu d'attaque depuis deux jours, je pensais que ça ne risquait rien. C'était un enfant, il voulait s'amuser dehors avec ses amis. Mais ils étaient tous partis. Il ne pouvait pas passer sa vie à l'intérieur, c'était une prison pour lui. Je lui ai mis son tee-shirt rouge préféré et un short en jean. Il m'a demandé s'il pouvait sortir dans le jardin et, quand j'ai vu son regard, je n'ai pas eu le coeur de refuser, parce que c'était un petit garçon, docteur, un petit garçon qui voulait jouer."
Mais Afra ne voulait toujours pas partir. Elle voulait attendre. Attendre que Sami revienne. Ou attendre de prendre une autre bombe sur la tête, pour le rejoindre s'il ne revennait pas.
Après avoir échappé de justesse à une execution sommaire, Nuri réussit à convaincre Afra de partir pour rejoindre Mustafa au Royaume Uni. Ce n'est plus vivable, la mort n'est plus qu'une question de jours. C'est même bien plus dangereux de rester là que de tenter la traversée vers l'Europe, la Grèce en premier lieu.
C'est donc dans ces conditions peu confortables que Nuri et Afra vont être obligés de quitter leur maison, les cendres des abeilles et surtout le souvenir éternellement douloureux de Sami.
Ce livre raconte leur périple, leur rencontres. Certaines sont jolies, d'autres un peu moins...
J'ai cru que la morale de ce livre allait être encore une fois que les occidentaux sont des sales égoïstes à pas vouloir accueillir les migrants. J'ai cru à un moment donné que l'histoire allait prendre le fameux ton culpabilisateur qui, quand tu reposes le livre, une fois la dernière page terminée, te fait te sentir comme le pire des enfoirés dans ta tour d'Ivoire, à râler après la sécu parce que l'homéopathie n'est plus remboursée.
Mais, le pire dans cette histoire, c'est que l'essentiel n'est pas là.
Ce livre parle surtout du deuil, de la douleur et de la folie liée à la perte de son enfant, de la difficulté voire de l'impossibilité de s'en remettre.
La guerre, c'est pas bien. Tout le monde le sait... même si ça n'empêche pas les conflits un peu partout dans le monde.
Être obligé de quitter son pays pour ne pas être tué, c'est pas top non plus.
Quant à vivre dans un camp de migrants, ce n'est pas ce qu'il y a de plus enviable à la réflexion.
Mais voir son enfant mourir sous les bombes reste indescriptible.
Et c'est pourtant ce qu'a réussi à faire
Christy Lefteri avec ce roman. Décrire l'indescriptible.