Le vent ne dort jamais. Toute la nuit, venu du nord, il avait soulevé les flots, et c'est une mer déchaînée que l'aube étouffée par la couche nuageuse éclairait d'une grisaille uniforme et blafarde. Les récifs résistaient aux assauts de l'océan, brisant les charges incessantes des vagues les unes après les autres. À l'échelle d'un instant, dans le fracas des embruns, les rocs remportaient d'éclatantes victoires, mais quiconque connaît le pouvoir du temps sait qu'à long terme, la constance infinie du plus modeste des clapots finit toujours par avoir raison de l'apparente éternité du granit. Au fil des siècles, chaque camp gagne un jour ou l'autre.
Il faut savoir profiter de ces petits bonheurs que la vie nous offre.
Au coeur d'un paysage escarpé et sauvage, l'étroit sentier montait en dominant la mer. Sous le soleil éclatant, l'étendue bleue se mouchetait d'innombrables points d'écume immaculée. Au gré du vent apaisé, les odeurs de tourbe se mêlaient aux parfums du large. Entre deux souffles de brise, Benjamin sentait les rayons solaires lui chauffer le visage. Devant lui, un homme ouvrait la marche.
- Savourez ce temps magnifique, monsieur Horwood. Le charme et la force de ce lieu unique tiennent aussi à sa météo : tantôt le paradis, tantôt l'enfer, plusieurs fois par jour. Jamais le temps de s'habituer. Toujours des raisons de s'abriter ou de s'exposer, de craindre ou de s'émerveiller. Ces terres vierges nous offrent sans cesse les émotions les plus extrêmes qui soient. C'est un environnement trop exigeant pour ceux qui n'aspirent qu'à une vie facile, mais un exceptionnel creuset pour ceux qui sont convaincus d'avoir quelque chose à faire de leur existence.
- Une regrettable erreur. Qui n'en commet pas ? L'important est de les admettre.
- Nous n'avons pas la réponse à cette question. Notre but n'est pas de remettre en cause les travaux et conclusions de nos confrères scientifiques. Mais nous sommes au moins certains d'une chose : si nous nous retranchons derrière des certitudes condescendantes, nous ne découvrirons jamais la vérité. Nos résultats font vaciller nos repères. Nous devons nous montrer ouverts et les considérer avec pragmatisme pour démêler le vrai du faux. C'est toute la philosophie de la science : admettre que l'on ne sait pas tout, pour avoir une chance d'apprendre.
- Vous aurez la réponse. Vous aurez toutes les réponses.
j'ai ouvert les yeux sur de nombreux points. J'ai appris à relativiser les prétendues certitudes généreusement répandues. À vrai dire, mon érudition ne me sert qu'à mesurer à quel point on nous fourvoie.
Une main saisit la sienne. La chaleur de la peau. Une vie qui se connecte à une autre.
Étendu sur le lit, le visage partiellement recouvert d'un bandage, il était agité de mouvements incontrôlés. Bien que profondément endormi, il revivait tout ce que son esprit n'avait pas réussi à appréhender en temps réel. Après avoir capté et ressenti dans l'urgence, le cerveau travaillait à analyser pendant que le corps récupérait. Répéter la même scène pour mieux la comprendre, la rejouer jusqu'à ne plus être débordé par sa violence, la reconstituer jusqu'à ce que plus aucun détail ne reste flou.
- J'ai besoin de réponses.
- Elle viendront, on les trouvera.