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Fin du XVIIIe siècle, Copenhague, Morten Pedersen Falck fait ses études de théologie afin de devenir pasteur. Parallèlement il suit des cours d'anatomie à l'académie des sciences qui le passionnent. A la fin de son cursus on lui propose de partir au Groënland, rejoindre un comptoir danois pour y administrer les âmes et y convertir les indigènes colonisés. Il s'embarque pour une aventure qui durera six ans et le marquera à vie…
« Les prophètes du fjord de l'Eternité » est une histoire humaine, celle d'un homme et de ses failles, de ses erreurs de jugement. Il y a ceux qui marche droit au milieu de la voix que la destinée leur a attribuée et il y a les autres, ceux qui traversent leur vie en zigzaguant, d'un bord à l'autre du chemin, d'un écueil à une impasse. Morten Falck fait partie de cette deuxième catégorie de gens.
Du début du récit jusqu'à la fin, il prendra les décisions qu'il juge bonnes mais qui se révèleront catastrophiques pour lui. Il sort des clous. On ne sait après quel idéal il courre, mais il chemine dans sa vie en composant avec sa conscience et les dogmes de la société. Les fantômes des gens qu'il a aimé le hanteront jusqu'à sa mort.
C'est aussi un roman sur le colonialisme, à l'époque où les gouvernements européens justifiaient leur hégémonie sur des peuples dits sous-développés au nom d'une évangélisation totalitaire, assassine et corrompue. La religion est politique, asservie pour l'enrichissement d'une poignée d'hommes belliqueux. Elle est un non-sens. Elle est dans le roman de Kim Leine et bien au-delà le prétexte à l'affrontement entre piétisme et paganisme. Elle illustre parfaitement la bêtise des hommes.
Faut-il avoir honte de cet aspect de l'histoire ? Non, bien sûr que non. Pourquoi devrait-on endosser la faute de parfaits étrangers morts depuis longtemps. Personne n'a intérêt à ce que l'on réécrive l'histoire car les faits doivent servir de témoignage et de leçon pour les générations suivantes et l'heure de la contrition sonne toujours avant celle du glas. Et puis autre époque, autres moeurs…
S'il y a une leçon à tirer de cette lecture, c'est que nous sommes rien, que nous sommes tous égaux par cet état et que notre égo n'est qu'une illusion.
La vie est un mensonge pour chacun, que chacun est le seul à croire.
« Les prophètes du fjord de l'Eternité » est un grand roman, très bien écrit, une référence incontournable dans la littérature danoise. Kim Leine sur la base d'une vaste documentation a écrit un récit historique qui, bien que romancé, n'enlève rien à la véracité des faits.
Traduction d'Alain Gnaedig.
Editions Gallimard, Folio, 709 pages.
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Copenhague 1790. Morten Falck y a suivi ses études de pasteur et ses premières expériences érotiques car il veut tout connaître de l'homme avant de s'engager comme missionnaire dans la colonie groenlandaise.

Mais comment convaincre les groenlandais au baptême 'qui rendrait meilleur' alors que les négociants les traitent en esclaves, alors que les pasteurs danois violent les filles, alors que l'armée investit le fjord de l'Éternité pour y détruire la communauté des prophètes, oasis de vraie foi chrétienne?

Je suis séduit par l'écriture pleine de maturité de Kim Leine, sobre, au présent, et qui sent terriblement le vécu.
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Extrait du Journal de Stelphique. (Automne 2020 en excursion en Hiver au Groenland 1793).

La chronique se fait. Et l'Éternité. Qui suis-je? Je suis un point d'exclamation au milieu du monde, perdue entre histoire et froid, en terre hostile, priant aussi fort que le jeune Morten Pedersen Falck, répétant inlassablement les 10 commandements mais cherchant d'autres réponses en regardant du côté de la théologie et le comportement humain. Qu'on me donne un peu d'encre et d'inspiration, qu'on m'ouvre un passage au coeur des ténèbres. Au coeur du froid, de la lumière, du temps. Un passage où les jours s'allongent de trop. Un passage fabuleux, au travers du temps et de l'espace, que trace comme une prouesse, Kim Leine: un passage vers le Groenland.

Et je n'aurai rien que le Désir. de vous parler de la faim, la soif. le désespoir, le repentir. La beauté du paysage, l'âpreté des gens. La lumière qui tombe. Car en vérité, je vous le dis, TOUT CHUTE. T'as beau te lever, lutter, prier. Aimer, manger, boire et prier encore. Tout chute. En vérité, je vous le dis, il y a aussi des fantômes tenaces, des feux qu'on n'éteint pas, des prières que tu t'efforces de répéter, des prophètes que tu t'encourage à écouter. Mais tout chute. Parce que les hommes ne sont rien de moins que des hommes, ni pires ni meilleurs, et que tous les prêches du monde, même prononcés au fin fond des fjords n'y pourront rien changer. Il en va ainsi des hommes et des femmes, mais les revenants s'accrochent. Et je chante des requiem en langue de l'éternité. Mais des fois, je jure aussi comme une charretière parce que la misère absolue, elle malmène les corps et les âmes.

Et ce matin, je me lève avec l'espoir de vous voir lire ce bijou littéraire. Je ne cesserai de prier pour cette humanité tourmentée, ces gens d'hier et d'aujourd'hui qui souffrent et se perdent en des ténèbres profondes. Morten Falck est un Palasi au village des prophètes du fjord de l'Éternité, il s'accroche à sa mission de pasteur, dessine, maudit, observe, étudie, écrit, prie, s'imagine poète, lutte contre l'inévitable…C'est tellement fort que des fois, ça coupe la respiration. C'est tellement intense que des fois, il te faut prendre un temps de recul. C'est tellement violent, que des fois, ça te perfore. C'est tellement spectaculaire que des fois, tu te brûles en ces pages. C'est tellement passionnant, que tu voudrais partager avec le plus grand nombre, l'émotion en ébullition que tu ressens. Puissions-nous maintenant nous extasier devant une si belle lecture.

Mais en fait, suis-je aussi un point d'interrogation au milieu de l'éternité? Qui suis-je? Un point? Un point revenant? Aussi vivante que toi, j'écris, et c'est déjà quelque chose. En vérité, donc j'ai à coeur de vous dire, que de tous les passages, c'est celui-ci que je garde. le passage entre la vie et la mort. Même si la lumière tombe, même si l'obscurité arrive, en vérité, je fais le choix de vous dire que je suis ivre d'amour pour ce livre.

« Aucune instance terrestre ne pourra rompre les liens noués au ciel. »
Lien : https://fairystelphique.word..
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Préalable indispensable pour lecteur pressé: il s'agit d'un long roman de 800 pages , un récit épique qui se passe au Groenland à la fin du 19° siècle



Ici pas de folklore ou de descriptions touristiques, d'envolée lyrique súr la beauté des icebergs ,súr la glace éternelle, ou cette magnifique capacité d'adaptation de la population à vivre en milieu hostile

Tout est difficile, le climat ,les gens, les conditions de vie, les relations humaines , la situation politique ( la colonisation du Groenland par le Danemark)

Il s'agit d'une aventure humaine complexe, celle d'un pasteur atypique persuadé , comme bien d'autres d'avoir le bon rôle, celui d'apporter la religion et la civilisation chez ces peuplades "sauvages"

Petit à petit, tout va se dégrader, physiquement d'abord, puis spirituellement

L'idéal des Lumières, de Rousseau, se heurte à la réalité quotidienne, celle de la survie , des besoins primitifs tant alimentaires que sexuels, à la colonisation danoise avec son lit classique d'arrogance et de cruautés

Il est aussi confronté à la réalité de son propre désir.Petit à petit ,les "Dix Commandements" s'effacent, le doute s'insinue

Morgan décide de rentrer à Copenhague.Y trouvera-il la sérénité, la paix intérieure perdue pendant toutes es années au Groenland ce pays "qui prend beaucoup" .A vous de le découvrir

Un roman très abouti , un début très surprenant qui captive, un voyage initiatique , un fjord de l'Eternité qui ne s'oublie pas
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Ce roman d'apprentissage est indéniablement une réussite de par l'ampleur des thèmes abordés et par la puissance d'une narration parfaitement maîtrisée. En témoigne cet étonnant prologue qui nous fait entrer dans le vif du sujet d'une façon fracassante : une femme, appelée la Veuve, se tient au bord d'une falaise. L'homme qu'elle attend se glisse derrière elle et l'expédie d'un coup de pied ad patres. Et pourtant, cette entrée en matière abrupte que ne renierait pas un bon thriller occulte totalement le vrai sujet du livre : l'itinéraire d'un jeune homme idéaliste, épris de Rousseau et de liberté.
Morten Pedersen Falck, âgé de 26 ans, débarque en 1782 à Copenhague pour étudier la théologie, ravi d'échapper à l'existence étroite et ordonnée d'une petit village norvégien. Ordonné pasteur en 1785, il est envoyé en mission au Groenland, alors colonie danoise, pour convertir les « sauvages ». le jeune homme se heurte rapidement aux réalités d'une vie totalement coupée des facilités de la civilisation : logement sommaire, absence continuelle de denrées fraîches, manque de chauffage et de lumière, hiver sans fin et humidité perpétuelle. Aux tourments du climat s'ajoutent la solitude et le manque de femmes que les colons surmontent par l'alcool, la violence ou la débauche. Face à eux, des indigènes réduits, soit à la dépendance en échange d'un peu de confort matériel et des cours de catéchisme, soit à une vie de subsistance, à la merci de famines dévastatrices dues à des hivers longs et rigoureux. Seule une petite communauté dissidente, créée par un couple de Groenlandais baptisés, tente de résister aux influences coloniales. Installée dans le fjord de l'Eternité, elle mène une vie conforme aux valeurs évangéliques prêchées par le couple de prophètes.
le jeune pasteur, dévoré par la maladie et les privations, en proie en doute sur le bien-fondé de sa mission, succombera peu à peu à ses démons. II lui faudra traverser bien des épreuves pour accéder à la connaissance de soi et des autres qui mène à la vraie liberté.
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Cet énorme pavé - près de 600 pages - est à la fois un des meilleurs livres que j'ai lu ces derniers temps, et l'un des plus déprimants.

Le lecteur y suit l'itinéraire de Morten Falck, jeune norvégien passionné de sciences et de Rousseau, en cette fin du 18e siècle. Devenu pasteur par la volonté de son père, il est envoyé comme missionnaire au Groenland, alors en cours de conquête par le Danemark. Loin des idées des Lumières sur la nature et les bons sauvages, loin de ses rêves d'élaborer une flore du Groenland, Morten Falck est confronté à un monde d'une dureté et d'un désespoir absolu. Les groenlandais, païens, sont considérés (par les blancs mais aussi par eux-mêmes) comme des sous-hommes, qu'il est parfaitement autorisé de tuer, vivant dans la misère. Les danois, commerçants, marins, pasteurs, tiennent le haut du pavé (façon de parler, bien sûr), dans l'inconfort, le froid, la crasse et la solitude. Ils basculent tous dans la boisson et la débauche... Morten Falck ne fera pas exception, en dépit de sa fascination pour "les prophètes du fjord de l'éternité", un couple de Groenlandais convertis au christianisme qui construit sa propre religion et sa propre société, condamnée par l'église officielle danoise.

Le roman est d'une extrême densité, de nombreux personnages secondaires aux motivations complexes s'y croisent, s'y affrontent. La construction, en flashback répétés, est assez difficile à reconstituer. Mais malgré ces difficultés, le roman est à découvrir absolument, tant pour le tableau qu'il dresse d'un moment méconnu de l'histoire que par l'intérêt de l'intrigue et de l'écriture.
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Vous ne pourrez pas dire que personne ne vous avait prévenu. Ce livre est un énorme pavé qui nécessite du temps et de la disponibilité.
Et pourquoi donc me direz vous ?
Ce n'est pas par le style qui est agréable.
Ce ne sont pas par les personnages que nous découvrons avec sympathie.
Ce ne sont pas les lieux qui bien qu'inhospitaliers, attirent notre curiosité.
Ce n'est pas l'histoire qui ne fait que refléter la vie d'un homme bien que son destin soit fort riche.
Ce ne sont pas les commentaires des chapitres avec des citations religieuses qui nous semblent parfois un peu obscures, mais il s'agit de la vie d'un pasteur alors pourquoi pas !

C'est la chronologie du récit qui m'a obligé à me poser et à effectuer des retours arrière.
De plus, les excuses ou les explications bibliques qui accompagnent les actes décrits m'ont énervées. L'époque me rend allergique à ces sentences allégoriques, quel connerie, mais quelle connerie !
On commence très très fort, nous sommes le 14 aout 1793, nous faisons connaissance avec la veuve, enfin pas pour très longtemps, car "Jésus Christ, notre seigneur, que ta grâce soit avec nous pour les siècles des siècles. Amen".
Commencer un livre par un prologue qui aurait pu s'insérer au cours de la narration. Opération réussie, nous sommes happés par le récit et on veut comprendre.
Des temps très marqués, l'apprentissage de la vie, le voyage initiatique et le récit du constat d'un certain échec. Pas très habituel comme plan car l'explication viendra petit à petit, et nous l'entrapercevrons au travers de rencontres de personnages secondaires qui bien mieux que le pasteur nous feront ressentir le décalage inéluctable entre la théorie de la foi et la réalité de la vie sous des latitudes soient disant inhospitalières.
Ballade glaçante dans une époque et un monde marqués par le colonialisme et ses dégâts collatéraux.
La dernière page du livre refermée j'ai très envie de parodier Charles Trenet, et j'espère qu'il ne m'en voudra pas :
"Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leurs livres courent encore dans les rues
La foule les lit un peu distraite
En ignorant le nom de l'auteur
Sans savoir pour qui battait son coeur
Parfois on change un mot, une phrase
Et quand on est à court d'idées
On fait la la la la la la
La la la la la lé"
On ne ressort pas indemne de cette promenade dans le fjord de l'éternité et quand on ferme les yeux, on ressent cette brume légère qui enveloppe cette vallée et on devine encore ces pierres tombales qui ont su conserver leurs secrets et leurs mystères.
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Danemark, 1782. Morten Pedersen Falck, 26 ans, quitte sa région natale, en Norvège, pour étudier la théologie à Copenhague.

Les Prophètes du fjord de l'Éternité, c'est l'histoire d'un jeune norvégien qui, à la fin du XVIIIe siècle, cherche à être libre. Admirateur des philosophes des lumières, il devient pasteur au Groenland. Un lieu éloigné de tout, que l'on ne rejoint qu'après une longue et dangereuse traversée. L'auteur, Kim Leine, dépeint des personnages complexes, sans fards, à commencer par Morten Falck. Pas de clichés : son style est réaliste, parfois cru, et les sauvages ne sont pas forcément ceux qu'on croit. Pas de tourisme non plus : si le héros du roman voyage beaucoup, il n'y a pas d'accumulation de descriptions : elles sont sobres, justes et efficaces.

L'histoire est foisonnante, pas toujours facile à lire : l'intrigue, très maîtrisée, alterne les époques, les lieux, les personnages, même si le fil rouge du livre demeure le parcours de Morten Falck. C'est à la fois un tableau implacable (et très documenté, bien que le livre soit une pure fiction) de la vie au Danemark et au Groenland à la fin du XVIIIe siècle et un plaidoyer contre l'intolérance.

Un roman historique complexe, parfois éprouvant, mais toujours fascinant.
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Parfois, le simple pouvoir évocateur d'un titre suffit. Sans connaître histoire, contexte, auteur,  sans prescripteurs amis ou professionnels, on se lance comme un grand dans l'inconnu.

Morten Perdersen Falck, jeune norvégien, part étudier la théologie à Copenhague. Devenu pasteur avec résignation, le voilà embarqué pour une longue traversée jusqu'au Groenland, dans le but d'évangéliser les autochtones et garder les colons dans le droit chemin.

Mais le vernis de la civilisation fait long feu dans ce monde d'humidité et de glace qui recouvre tout. Les vestiges de morale semblent fondre comme neige au soleil.
Racisme des colons, corruption, violence, maladies, et une sexualité rampante et poisseuse, jusqu aux viols et incestes. Un monde oublié de Dieu. Litanie des 10 commandements, méthodiquement foulés au pied.

Car cette contrée est plus forte que tout. Plus que la bonne volonté humaniste, que l argent et le pouvoir. Un pays minéral et glacé, âpre et distant, tout comme l'écriture de cette histoire édifiante d'un échec avec les meilleures intentions.

Crise existentielle pour Morten. Rousseau n est plus d aucun secours. Diminué physiquement et moralement, le pasteur constate que sa quête humaniste à tout prix est absurde.
Il faut dire que le hiatus date, Morten voulait devenir médecin mais devint pasteur afin de contenter son père. Trop cartésien et éclairé par les Lumières pour se laisser aller aux superstitions, trop intéressé par la chair pour être un pur esprit, trop pétri de contradictions pour etre un bon éclaireur d'âmes. L'idealiste finira marqué corps et âme par ces contrées froides et ténébreuses, même apres les avoir quittées.

Déprimant, dites-vous? Certes. Mais bien plus que cela, dès l introduction cinglante et vertigineuse jusqu'à l'incendie expiatoire à son terme, la trajectoire est forte, intense, parfois éprouvante. Jusqu'au bout, des bribes d'humanité subsistent chez Morten, comme un lac de cendres recelant encore quelques braises en son sein.


Sur le sujet d'une évangélisation ratée aux bords du monde, dans cette absurdité vouée à l échec, j'ai beaucoup pensé à Court Serpent (se déroulant, lui, au Moyen-Âge), qui avait le mérite de la fulgurance grâce a sa concision cruelle, alors qu'ici le récit, par sa longueur, gagne en ampleur et complexité.
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Très grand cru que ce pavé nordique que l'on m'a prêté. Auteur inconnu pour moi. Kim Leine est dano-norvégien, mais surtout un grand écrivain très apprécié en Scandinavie, et très engagé pour l'autonomie du Groenland. Morten Falck, fils de pasteur, a suivi lui-même des études de technologie, et quitte Copenhague où il n'a pas fréquenté que des enfants de choeur. Sa quête d'un certain absolu, parfois de dissolu, le mène jusqu'aux terres glacées du Groenland. Il y assez peu de romans situés dans cette région ultime, en dehors des récits de science-fiction. Nous le suivrons pendant trente ans, à partir de 1782, cela inclut 1789 et ce n'est pas un détail. Car Rousseau, Voltaire et la révolution Française sont passés par là. Et c'est peu dire que Morten Falck, pasteur, aventurier, escroc, est une figure romanesque ambigüe, complexe et passionnante.

Après les frasques de la jeunesse de Morten c'est le voyage vers le Nord, rude et fascinant. La seule amie de Morten à bord est une vache laitière, Roselil, au destin tragique. L'humour n'est pas absent dans Les prophètes du fjord de l'Eternité. Devenu homme de Dieu, très tolérant sur certains plans, et digne d'un film de Bergman auquel on ne peut pas ne pas penser un peu, Morten débarque sur l'île continent, avec la charge de convertir les autochtones. Ces derniers sont parfois récalcitrants, ayant déjà subi la loi des colons du royaume du Danemark, où il y avait déjà quelque chose de pourri un siècle plus tôt (Shakespeare ne prend plus de droits d'auteur). Les femmes, la foi, la débauche, l'alcool, l'ignorance font bon ménage, façon de parler, dans ce bout du monde glacé, où l'on se parfume à l'urine et à la graisse de phoque.

Morten Falck a une mission, mais tout est difficile en ce pays. Il y a notamment des dissidents dans une île isolée et les fragiles idéaux de Morten vont se heurter aux croyances et moeurs pour le moins différentes de ces insulaires. Différents des continentaux, pas forcément pires. Une société arctique brutale et primitive face à la colonie danoise, policée en apparence mais tout aussi dangereuse. Paraphrasant l'un des grands Bergman, je dirais que L'heure du loup n'est jamais loin. Et Morten Pedersen Falck n'exorcisera jamais complètement le sang sur ses mains.

Mais Les prophètes du fjord de l'Eternité ne se limite pas à ces questions. le roman d'aventures, secret et initiatique, est tout aussi présent dans ce bouquin magistral. Un coup de maître. Par exemple les 80 dernières pages sont consacrées au légendaire incendie de Copenhague (Morten y est alors de retour) en 1795. le souffle sur les braises en est hugolien. Rien de moins. Et ce gros livre se lit sans peine, presque feuilletonnesque, un compliment sous ma plume.

KIm Leine, né en 1961, a vécu quinze ans au Groenland, terre qu'il aime mais dont il ne cache pas les revers. Eternelle dualité qui fit de lui un écrivain majeur, mais aussi, c'est bien sûr lui qui le dit, un toxicomane qui dut regagner la métropole pour se sevrer. Les sirènes nordiques ne sont pas toutes aussi fraîches que la celle d'Andersen dans le port de Copenhague.
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