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De son vrai nom Leivick HARPEN, né en 1888 en Biélorussie, l'auteur connaît très tôt le bagne, de 1906 à 1912, pour son appartenance à une organisation révolutionnaire ainsi que pour sa participation à la Révolution russe de 1905. Il semble avoir été hanté toute sa vie par cette expérience de détention. Aussi, en 1958, soit plus de 40 ans plus tard, il décide, à 70 ans, d'écrire ses mémoires sur cet épisode douloureux (il tombera malade juste après la rédaction et mourra en 1962), faisant de ce témoignage une véritable oeuvre testamentaire.

H. LEIVICK est juif, poète et s'exprime en yiddish, c'est dans cette langue qu'il écrit ce livre. Les longues premières scènes sont tout bonnement ahurissantes : chaînes aux pieds, dans l'obscurité totale d'un cachot, deux détenus conversent, l'un d'eux étant l'auteur. L'échange est musclé, philosophique, et pour tout dire absolument Dostoïevskien. Rarement il m'a été donné de lire des pages se rapprochant autant d'un roman de DOSTOÏEVSKI, l'effet est saisissant, d'autant que les ombres de certains personnages de DOSTOÏEVSKI planent et sont le prétexte à une partie de la discussion. LEIVICK revient sur son procès, sur son père qui a refusé d'y assister.

Le prisonnier est ensuite transporté à Moscou. Vient un dialogue imaginaire, justement avec le père, un monologue plutôt, rappelant la bouleversante et agressive « Lettre au père » de KAFKA (lisez-la !) Il va plus tard dialoguer de la même manière avec le christ. Pour le déroulement de son récit global, LEIVICK prévient : « Je voudrais faire remarquer que, dans mon récit, je ne me tiens pas à la stricte chronologie. J'évoque seulement quelques épisodes de ma vie de forçat. Tout raconter ne me semble ni possible ni nécessaire. Sur les bagnes tsaristes tant de choses ont déjà été écrites. le pouvoir soviétique a repris le même régime carcéral et l'a rendu encore plus terrible ».

Les adieux avec ses parents avant sa relégation pour la Sibérie, la rencontre furtive et passionnée avec Raya, l'organisation des bagnards, les conditions de détention, l'auteur n'oublie rien. le récit au présent renforce un peu plus ce témoignage précis. le typhus présent chez les prisonniers (LEIVICK finit par le contracter à son tour), l'antisémitisme ancré dans les mentalités. Un texte à la fois crépusculaire, descriptif et empli d'espoir, se focalisant sur les faits, le quotidien, s'articulant autour des scènes de la vie de prisonnier. Il n'est pas interdit de le relier au vertigineux « Récits de la Kolyma » de CHALAMOV, même si les pouvoirs ainsi que les circonstances sont loin d'être similaires (et pourtant…).

LEIVICK, devenu nostalgique, se penche sur ses souvenirs d'enfance, pleins de tendresse (de regrets ?). Il fait diversion pour mieux nous replonger esnuite au coeur de la détention, de l'acte politique : « Si c'est comme ça, il faut condamner toute révolution, même la plus juste, parce qu'elle ne peut que s'opposer à la majorité. La révolution est un acte d'impatience. Je pense à ça très souvent en ce moment ». Tout ceci sous l'oeil de certains gardiens bienveillants (il en existe !).

Les portraits de prisonniers défilent, tous ont leur propre caractère, leur propre parcours, leur propre mentalité. La force de ce témoignage est qu'il peut se lire comme un roman, il en est d'ailleurs un en partie, les souvenirs étant trop précis 50 ans après pour ne pas être « brodés » autour d'une réalité commune. La figure d'un détenu, froussard hypocondriaque dépressif, paraît d'une telle justesse, ce personnage dérange le lectorat, suinte par sa malséance, antithèse de la force de caractère de Slava qui sera loin de laisser LEIVICK de marbre.

LEIVICK quitte le bagne de Moscou en mars 1912, est « assigné à résidence » en Sibérie. le récit se referme alors qu'il met le pied sur ces immenses terres arides, n'étant plus adapté aux simples gestes du quotidien. « J'ai complètement oublié comment on ouvre une porte tout seul ». La suite, LEIVICK n'en parle pas. Il rejoindra pourtant New York en 1913 pour s'y établir définitivement. Homme non-violent, philosophe de la vie, ses réflexions sont profondes et nous entraînent dans des territoires méconnus. Ce témoignage est crucial car, en plus de remettre en lumière toute une période (sombre, cela va de soi) de la Russie, en plus de détailler la vie de forçat dans ses moindres aspérités, il est un exercice littéraire brillant, LEIVICK possédant une maîtrise totale des outils nécessaires pour nous faire vibrer. Ce livre un brin hybride est paru en 2019 aux éditions L'antilope (le format poche venant tout juste de sortir), 500 pages divinement traduites du yiddish ainsi que préfacées par Rachel ERTEL, il s'agit d'un petit chef d'oeuvre à placer haut sur la pile de la littérature de prison, avec ces relents de témoignage concentrationnaire.

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Tentée par le sujet et ses critiques dithyrambiques, je me suis plongée dans ce livre avec impatience. Force m'est de constater que ce fut une grande déception.
Je lui ai trouvé peu de substance, une écriture ou une traduction lourde et sans profondeur, un lyrisme de peu de qualité.
Il m'a été difficile de ne pas effectuer de comparaison avec d'autres récits d'incarcération. Face à Soljenitsyne, Dans les bagnes du tsar ne fait pas le poids.
L'auteur y aborde ses conditions de détention sans partager ses sentiments, évoque son engagement politique sans le développer.
En définitive, j'ai davantage retenu ses moments de "délires" d'incarcération que j'ai trouvé lourds et inutiles, qu'un manifeste politique ou un témoignage de ses conditions de détention. D'ailleurs, l'absence de développement de l'aspect politique de son incarcération m'a amené à m'interroger sur l'évocation du tsar dans le titre, qui ne fait l'objet que d'un très bref moment dans le récit. J'attendais un témoignage d'une époque, me voilà déçue.
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