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Citations sur Cadres noirs (210)

Depuis quatre ans qu'on se connait, forcément, je considère mon conseiller du Pôle emploi comme l'un de mes proches. Il m'a dit récemment, avec une sorte d'admiration dans la voix, que j'étais un exemple. Ce qu'il veut dire, c'est que j'ai renoncé à l'idée de trouver du travail, mais que je n'ai pas renoncé à en chercher.
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Je mesure mon utilité sociale au nombre de mails que je reçois. Au début, d’anciens collègues de chez Bercaud m’envoyaient des petits mots auxquels je répondais tout de suite. On papotait. Et puis, je me suis rendu compte que les seuls qui m’écrivaient encore étaient ceux qui s’étaient fait virer. Des copains de promo en quelque sorte. J’ai arrêté de répondre. Ils ont arrêté d’écrire. D’ailleurs, globalement, tout s’est raréfié autour de nous. (…) Les gens se sont peut-être un peu fatigués de nous. Et nous d’eux. Quand on n’a pas les mêmes soucis, on n’a pas les mêmes plaisirs.
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Parmi tous les SDF, on donne à ceux qui nous touchent le plus, à ceux qui trouvent les mots capables de nous remuer. La conclusion me frappe de plein fouet : finalement, même chez les exclus, ceux qui survivent sont les plus performants, parce qu'ils parviennent à trancher sur la concurrence.
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Depuis quatre ans qu'on se connait, forcément, je considère mon conseiller du Pôle emploi comme l'un de mes proches. Il m'a dit récemment, avec une sorte d'admiration dans la voix, que j'étais un exemple. Ce qu'il veut dire, c'est que j'ai renoncé à l'idée de trouver du travail, mais que je n'ai pas renoncé à en chercher. Il croit voir là le signe d'un fort caractère. Je ne veux pas le démentir, il a trente-sept ans et il faut qu'il conserve ses illusions le plus longtemps possible. Mais en fait, je suis plutôt soumis à une sorte de réflexe d'espèce. Chercher du travail, c'est comme travailler, comme je n'ai fait que ça toute ma vie, ça s'est incrusté dans mon système neurovégétatif, quelque chose m'y pousse par nécessité, mais sans projet. Je cherche du travail comme les chiens reniflent les réverbères. Sans illusion, mais c'est plus fort que moi.
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J'ai tout de suite vu que je n'avais aucune des qualités génétiques nécessaires pour survivre dans un pareil endroit. Dans la généalogie darwinienne de l'adaptation au milieu carcéral, je suis tout en bas de l'échelle. Il y en a d'autres comme moi, qui ont atterri ici par hasard, par accident ou par connerie (moi, c'est les trois) et qui se débattent dans l'anxiété la plus complète. C'est comme s'ils se baladaient avec un panneau indiquant : "Proie idéale : servez-vous !" C'est parmi ces victimes du "choc carcéral" qu'on recrute les premiers suicidés.
Il suffit de faire un pas hors de sa cellule pour comprendre à quelle strate sociale on appartient : moi, je fais partie du groupe de ceux qui prennent immédiatement un coup de poing dans la gueule et qui se font piquer tout ce que l'administration ne leur a pas déjà pris. Je n'ai même pas eu le temps de voir venir le type : je me suis retrouvé par terre, le nez explosé. Il s'est penché sur moi, il a pris ma montre, mon alliance, il est ensuite rentré dans ma cellule et il a raflé tout ce qui l’intéressait.
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Ce qui est difficile ce n'est pas d'être chômeur, c'est de continuer à vivre dans une société fondée sur l'économie du travail. Où que vous tourniez les yeux, il n'est question que de ce qui vous manque.
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Quand le bûcheron entre dans la forêt avec sa hache sur l'épaule, les arbres disent : le manche est des nôtres.
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Charles opine du bonnet. Il croit comprendre ce que je veux dire. Et je me rends compte que depuis qu'il m'a fait le premier signe d'Indien à la sortie de la maison d'arrêt, je lui ai pris son portable, ses vingt euros, sa voiture et que je l'ai embarqué dans l'aventure sans rien lui expliquer. Charles n'a pas posé une seule question. Je me tourne vers lui. Il regarde le paysage défiler. Son visage me bouleverse.
Charles est beau. Je n'ai pas d'autre mot.
C'est une belle âme.
- Faut que je t'explique...
Charles continue de regarder le paysage et lève la main gauche, comme pour dire, c'est comme tu veux, c'est quand tu veux, c'est si tu veux. T'emmerde pas.
Une belle grande âme.
Alors j'explique.
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On dit qu'il est SDF pour faire court mais en fait il a un domicile.Et sacrément fixe.Il vit dans sa voiture, elle ne roule plus depuis cinq ans.Il dit que c'est son "immobile home", c'est son genre d'humour, à Charles.
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Au début, le chômage, pour Mathilde et pour Nicole, c'était une idée, un concept : ce qui est écrit dans les journaux, ce dont parle la télévision. Ensuite, la réalité les a rattrapées : comme le chômage s'est répandu, il a été très vite impossible de ne pas côtoyer quelqu'un directement touché ou de ne pas croiser le proche d'un chômeur. Cette réalité est restée toutefois brumeuse, c'était une circonstance indubitable mais avec laquelle on peut vivre, on sait que ça existe, mais ça concerne seulement les autres, comme la faim dans le monde, les sans-logis, le sida. Les hémorroïdes. Pour ceux qui ne sont pas directement concernés, le chômage, c'est un bruit de fond. Et un jour, alors que personne ne s'y attendait, le chômage a sonné à notre porte.
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