Voltaire mène l'enquête : Docteur Voltaire et Mister Hyde

- Quelles sont les directives du gouvernement ? s’enquit l’un des becs pleins de verveine.
- Déclarer qu’il n’y a pas de peste, que c’est une illusion collective, qu’il ne faut pas modifier ses habitudes, et j’ai des lettres de cachet pour ceux qui prétendraient le contraire.
On approuva fort cette attitude de fermeté.
- Je suis prêt à traîner en justice les agitateurs, assura le premier président du parlement en croquant dans un pâté de fricandeau qui lui semblait de bonne mine. Mes tribunaux sont parés, l’épidémie ne passera pas.

Émilie aurait bien dénoncé l'Anglais pour détournement de trésor national, mais le gouvernement de Louis XV aurait payé le transport dudit trésor vers l'autre rive et coulé le navire au milieu de la Manche.

- Pourquoi vous acharnez sur moi ? Il y a d'autres auteurs ! Prenez l'abbé Prévost, par exemple : sa Manon Lescaut est un festival d'indécences et de cynisme. Pouah, le vilain ouvrage !
- L'abbé Prévost est en exil.
- Ah. Bien. Et Mariveaux ? Vous l'avez torturé, récemment ? Je peux vous envoyer des extraits de sa Vie de Marianne. Cette Marianne est une coquine ! Vous devriez sévir !
- Je lui en ai touché un mot. Marianne entrera au couvent dès le tome II.
- Diantre.
Voltaire ne pouvait pas faire entrer au couvent ses Lettres philosophiques, on les y attendait avec des fagots et un briquet.

- Il n'est pas nécessaire d'être malveillant pour malfaire, il suffit d'être incompétent.

L'Anglais aurait voulu voir un auteur qui fût un peu sulfureux. On lui répondit que les auteurs sulfureux s'étaient installés hors de France.
- Vous en aurez bien un qui serra rentré à Paris en secret, insista le visiteur.
Mouhy rétorqua qu'on ne donnait pas de billets pour la Bastille, le monument se visitait seulement de l'extérieur.

- On en vous attendait pas pour le printemps vous ? dit le policier.
- Oh, regardez : un bourgeon !
- Vous savez que vous pourriez être condamné pour exercice illégal du métier d'espion ? Vous avez eu mon message ?
Voltaire comprit tout à coup d'où lui était venu la lettre codée...
- C'était vous ? Il était écrit "un admirateur " !
- Quelqu'un m'a appris l'utilité de ne pas signer ses œuvres.

Le message codé n'avait pas résisté à la force d'analyse de la marquise. Cela disait : "Prenez garde, on en veut à votre intégrité. Vous êtes en grand danger. Des bandits sont à vos trousses. Revenez à Paris au plus vite. Signé : Votre admirateur secret." Voltaire fut soulager, il avait craint des menaces de mort de la part d'un ennemi.
- Alors que c'est une menace de mort de la part d'un ami, dit Émilie.

La Bastille et la censure créaient des emplois dans le bâtiment. Voltaire n'avait que deux occupations : diriger les travaux ou composer un traité de métaphysique qui serait condamné par l’Église.

- Ce décès n'a pas de sens dit Tamaillon.
- Et nous connaissons quelqu'un de spécialisé dans les questions qui n'ont pas de sens, dit sommairement Hérault.
La saison s'annonçait froide, pénible et urticante. En un mot, elle serait voltairienne.

Voltaire décida de se soigner lui -même à l'aide de son carnet.Pour revivifier les humeurs , on recommandait l'application d'un cataplasme de sang humain pris sur un jeune homme sain.Il agrippa Linant. Il fallait en outre un nid d'hirondelles, de la cervelle de chat , des crottes de chiens et un hibou séché. Il décida de faire réunir tout cela par le jeune homme sain.Ce dernier décida qu'il serait moins fatigant d'aller quérir un spécialiste. Au moins , celui -ci ne chercherait pas à soigner son patron avec des méthodes de sorcier inca.