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Citations sur Alfred et Emily (12)

J’ai écrit sur mon père sous des formes multiples : dans des fragments, longs ou brefs, et dans mes romans. Il apparaît toujours nettement, sans ambiguïté, pleinement lui-même. On peut écrire une vie en cinq volumes ou en une phrase. Celle-ci, par exemple, Alfred Trayler, un homme sain et robuste fut grièvement blessé durant la Première Guerre Mondiale, s’efforça de vivre comme s’il n’était pas handicapé puis fut vaincu par diverses maladies et lorsqu’arriva la fin prématurée de son existence, il implorait : « Vous abrégez bien les souffrances d’un vieux chien, pourquoi ne pas faire pareil avec moi ? ».
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Mais dans l’imagination de ma mère, tout était en train d’arriver. Elle resta assise à regarder fixement Biddy, et c’est cet instant que je n’oublierai jamais. Elle est déconcertée, incrédule. Ses lèvres sont pâles. Entre les habitants intelligents et prévoyants de ce monde et ceux qui sont dépourvus d’imagination s’ouvre un abîme où nous tomberons peut être tous un jour. Ma mère ne peut comprendre que Biddy – ou qui que ce soit d’autre – puisse agir ainsi.
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Les gens qui ont fait l'expérience du chagrin peuvent témoigner qu'il serre le cœur et l'accable d'une douleur glacée.
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Dans la vie réelle, l'appendice de mon père se perfora juste avant la bataille de la Somme, ce qui lui évita de se faire tuer avec le reste de sa compagnie. Quand il fut renvoyé dans les tranchées, l'obus qui fracassa sa jambe droite l'empêcha de périr à Passchendaele. (p.45).
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Je me mis donc à commander moi-même des livres en Angleterre.Ainsi commença pour moi l'enivrante découverte de la littérature, une grande aventure qui n'a jamais cessé depuis.
Partie II
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Parfois, on peut voir des vétérans de la vie considérer les années passées en se demandant laquelle de leurs expériences fut la pire. J'affirme qu'être enfermée pendant cinq jours dans un espace restreint avec un bambin hyperactif occupe un rang appréciable au classement des expériences pénibles.
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Dans la vie réelle, l'appendice de mon père se perfora juste avant la bataille de la Somme, ce qui lui évita de se faire tuer avec le reste de sa compagnie. Quand il fut renvoyé dans les tranchées, l'obus qui fracassa sa jambe droite l'empêcha de périr à Passchendaele.
- Un vrai coup de chance, disait-il parfois.
Mais il ajoutait ensuite :
-Enfin, si on trouve vraiment qu'il vaut la peine d'être en vie.
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"À présent, je me demande comment le comportement de sa propre fille aurait pu être pire pour mon père.
Pourtant nous nous comprenions très bien, lui et moi. Quand j'étais assise avec lui, en ces après-midi et ces soirées si longues, il me tenait la main et nous communiions dans la même rage de comprendre. Je crois que la colère ramenée des tranchées par mon père s'est emparée de moi très tôt et ne m'a plus jamais quittée. Les enfants ressentent-ils les émotions de leurs parents ? La réponse est oui, nous les ressentons. Et voilà un héritage dont je me serais bien passée. À quoi bon tout cela ? C'est comme si cette vieille guerre imprégnait ma mémoire, ma conscience." (p. 297)
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"UN GROUPE DE FEMMES, INFORMEL ET DÉCONTRACTÉ
Passons maintenant directement aux années de la guerre, pour découvrir les problèmes d'un groupe de jeunes femmes - nous étions une quinzaine. Elles se distinguaient par leur engagement politique. Toutes étaient socialistes ou communistes, et c'était ainsi qu'elles se voyaient elles-mêmes. En rencontrant quelqu'un, elles annonçaient d'emblée : « Je suis membre du Parti », « Je me suis inscrite quand Hitler a attaqué l'Union soviétique. » Ou encore : « J'ai quitté le Parti lorsque Staline s'en est pris à la Finlande » (ou : « lors de la signature du pacte germano-soviétique »). Autre variante : « Je suis une communiste marxiste », voire : «Je sais que les marxistes ne peuvent être sionistes, mais je suis une marxiste sioniste.»
Ce qui frappait, c'était qu'elles étaient toutes cultivées - et même remarquablement, comparé à ce qu'on voit aujourd'hui. À notre époque où les esprits sont pourris par la télévision ou Internet, il n'est pas rare qu'un critique déclare avec une apparente fierté qu'il ne peut lire Guerre et Paix à cause de sa longueur, ou Ulysse à cause de sa difficulté. Dans le passé, aucun lecteur n'aurait eu l'idée de confesser son incapacité. Quand nous nous découvrions un problème commun, il nous semblait naturel de l'approcher à travers la littérature. Je ne me souviens pas d'un autre moment où nos réunions aient ainsi exclu les hommes, mais nous savions alors qu'ils n'auraient simplement rien compris.
Chacune de nous avait une mère qui lui posait problème. Et nous avions dépassé ce stade où une fille se contente de dire en roulant des yeux : « C'est ma mère, vous savez. » II s'agissait d'une affaire sérieuse. Nous commençâmes par constater qu'à en juger par la littérature, les mémoires, les pièces de théâtre, on rencontrait auparavant des pères à l'autorité tyrannique, que redoutaient leurs fils et leurs filles. Qu'étaient-ils devenus ? Ils avaient été remplacés par des mères névrosées, qui faisaient perdre la tête à leurs filles. C'est ainsi qu'une mère, faisant apparemment une fixation sur les garçonnes des années folles, arborait jupes courtes et sautoirs pendillants, sans oublier un fume-cigarette en ambre d'au moins trente centimètres de long. Chaque matin, cette femme arrivait chez sa fille à l'heure du petit déjeuner et restait jusqu'au soir. La fille était mariée. Face à ce fait regrettable, la mère se contentait d'ignorer le mari en déclarant : « De toute façon, tu ne l'as épousé que pour m'ennuyer. » C'était un cas extrême.
(pp. 222-223)
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"Ces livres de guerre partaient du constat qu'il existe deux types d'anciens combattants : ceux qui ne peuvent s'empêcher de raconter leur guerre et ceux qui n'en disent jamais rien. Cette dernière catégorie peut sembler improbable, mais j'ai rencontré aux États-Unis un homme qui s'occupait -et s'occupe toujours - d'accompagner des soldats de la Seconde Guerre mondiale sur les lieux où ils avaient tant souffert. Il avait découvert ainsi une chose incroyable. Les épouses de ces hommes venaient avec eux, et il s'avérait qu'elles n'avaient aucune idée de ce qu'ils avaient enduré. En fait, elles en entendaient parler pour la première fois en se retrouvant avec leurs maris aux endroits où tout s'était passé.
Mon père appartenait à la première catégorie. Dès mon enfance, j'avais compris que son besoin obsessionnel de parler des tranchées était pour lui une façon de se débarrasser de ces horreurs. J'ai donc eu droit aux tranchées dans toute leur violence. Chars d'assaut, fusées éclairantes, obus et obusiers, rien n'y manquait. Pendant toute mon enfance, j'ai eu l'impression que la nuée sombre dont il parlait était sur moi et m'accablait. Je me souviens que je me bouchais les oreilles, accroupie dans la brousse. « Non, je ne veux pas. Arrête, je n'écouterai pas. » La voix de ma mère ? J'aurais pu écouter, mais c'était au-dessus de mes forces. Le destin de parents qui ont besoin à tout prix d'être entendus par leurs enfants, de leur transmettre une part de leur être, risque fort de se solder par un échec. Le besoin de mon père était, en quelque sorte, légitime. Les tranchées - oui, il fallait bien que j'accepte ce désastre. Mais ma mère aussi avait besoin d'être écoutée. Avec elle, cependant, je m'efforçais d'oublier cette urgence. Ce n'est que plus tard, beaucoup plus tard, que j'ai compris que les épreuves qu'elle avait vécues pendant la guerre la dévastaient de l'intérieur, exactement comme les tranchées ne cessaient de ronger mon père.
Durant toutes les années de la guerre, ma mère soigna les hommes blessés dans les tranchées. Ceux qui pouvaient être sauvés étaient transportés dans des postes de secours locaux avant d'être envoyés en train à Londres ou dans d'autres villes anglaises. Après les grandes batailles, tous les hôpitaux de Londres étaient en état d'alerte pour accueillir les foules de victimes arrivant en ambulance, en camion, voire en charrette. On les déposait le long des couloirs, dans le moindre espace disponible.
— Nous n'avions pas de place, tu comprends, se lamentait-elle. Nous ne savions où les mettre. Les lits n'étaient pas assez nombreux. Ils étaient si jeunes, vois-tu, si horriblement jeunes, ces pauvres garçons. Ils agonisaient. Certains étaient déjà morts en arrivant. [...]"
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