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Marianne Véron (Autre)
EAN : 9782253025320
1 pages
Le Livre de Poche (30/04/1999)
3.85/5   342 notes
Résumé :
"On ne dira jamais assez combien ce livre a compté pour les jeunes femmes de ma génération. Il a changé radicalement notre conscience." J.C Oates.

La jeune romancière Anna Wulf, hantée par le syndrome de la page blanche, a le sentiment que sa vie s'effondre. Par peur de devenir folle, elle note ses expériences dans quatre carnets de couleur. Mais c'est le cinquième, couleur or, qui sera la clé de sa guérison, de sa renaissance.
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Critiques, Analyses et Avis (49) Voir plus Ajouter une critique
3,85

sur 342 notes
Un livre pas facile, mais comme pour l'ascension d'une montagne, l'ivresse ressentie et la vision qu'on a au sommet valent l'effort qu'on y met.

Un bouquin pas facile à cause de son format rébarbatif, plus de760 pages en format poche, en peu de chapitres, très denses, avec de pleines pages sans alinéas. Pas évident à concilier avec les interruptions de lecture inévitables dans la vie quotidienne.

Cette oeuvre de la récipiendaire du Nobel 2007 est un texte difficile aussi par sa structure, avec une héroïne qui vit dans les « femmes libres » et qui écrit des carnets qui sont des romans, des commentaires ou des journaux intimes. Pour compliquer les choses, son héroïne a réutilisé les noms : dans le texte qu'elle écrit, le fils prend le nom de l'ex-amant.

Pas faciles non plus les thèmes abordés. On traite de la condition des Noirs en Afrique et ensuite des divers rôles de femmes, de la bonne épouse au foyer à la maîtresse, de la mère consolatrice ou castratrice. Toute la gamme des émotions y passe, du grand amour à la culpabilité, du désir sexuel à la froideur, de l'amour maternel au cynisme ou à la folie.

Le processus d'écriture lui-même est très présent, vécu et commenté par l'héroïne écrivaine. Elle partage ses doutes, ses nécessités et ses questionnements, à travers ses multiples cahiers.

On y trouve aussi le thème de la politique, à travers les adeptes du Parti communiste dans les années 50, parti rigide qui cultive le mensonge stalinien et dont les membres éprouvent douloureusement les contradictions. Ce n'est pas unique aux socialistes de l'époque, c'est inhérent à l'expérience militante, car dans les syndicats ou les mouvements étudiants, après le « high » des manifestations et la solidarité, les activistes retombent difficilement dans le quotidien de leur travail ou de leurs études.

Si vous êtes un bon public, la qualité de la prose vous entraîne, vous sentez la chaleur de la vallée africaine, tremblez de peur ou vous émouvez de joie par la lecture. Mais lorsqu'une histoire touche la santé mentale, comment ne pas être mal à l'aise aussi? Difficile de ne pas se laisser atteindre par le désespoir et la confusion mentale, par l'angoisse et la désintégration des personnes…

Une grande oeuvre littéraire à parcourir, si on a l'énergie pour envisager la longue randonnée…
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Ce roman n'est pas un roman au sens classique du terme, car pour Doris Lessing, la littérature doit avoir une portée sociale : il ne s'agit pas seulement de raconter une histoire, mais de transmettre une expérience. Ce roman a donc une structure très particulière. D'un côté, le carnet d'or raconte une histoire intitulée "Femmes libres" qui met en scène deux amies, Anna et Molly, vivant à Londres dans les années cinquante et qui ont des vies très semblables : toutes deux sont artistes, communistes et élèvent seules un enfant, ce qui, à l'époque, en fait des marginales.

L'histoire commence comme une pièce de théâtre et montre les deux amies préoccupées par Tommy, le fils de Molly, un adolescent sans désir et sans volonté qui ne sait que faire de sa vie. Par ailleurs, l'auteur nous donne à lire les carnets d'Anna. Car Anna, écrivaine, a renoncé à écrire des romans mais couche sa vie et ses expériences dans quatre carnets, chacun étant réservé à une facette de sa personnalité : l'écrivain, la communiste, la femme amoureuse, l'Anna intime.

J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans l'histoire, ou plutôt dans les histoires, puisque les anecdotes se succèdent, chacune avec son atmosphère particulière, et on se demande sans cesse : "Où cela va-t-il nous mener ?". Et puis, sans vraiment m'en rendre compte, je me suis laissée embarquer dans la vaste toile que tissent toutes les vies d'Anna. Anna a une écriture très analytique : elle se regarde vivre et interroge chacun de ses comportements. C'est parfois très fastidieux de la lire.

On finit par comprendre qu'Anna traverse une période de sa vie qui est cruciale, pleine de bouleversements. Et ces bouleversements sont à l'image de la société dans laquelle elle vit, où tous les repères changent, où le statut de la femme est en pleine mutation. Anna est une mère célibataire, qui crée un rapport nouveau avec les hommes. Ce n'est pas une situation facile. Elle aimerait se marier, "comme toutes les femmes", dit-elle. Elle voudrait être aimée. Elle vit très mal d'avoir été abandonnée par son amant. Elle pense qu'il est important d'être engagé dans la vie politique, d'avoir un regard critique sur le monde, mais elle se rend compte que le communisme n'est plus la solution. Elle a écrit un roman qui est devenu un best-seller et lui a rapporté beaucoup d'argent, ce dont elle éprouve une telle culpabilité qu'elle ne peut plus écrire. Elle se rend compte par l'intermédiaire de la réflexion qu'elle mène sur elle dans ses carnets qu'elle a échoué dans tous les domaines de sa vie, ce qui cause chez elle une grave dépression.

En fait, Anna traverse ce que les américains appellent la « middle-life crisis », cette période de la vie, où il faut renoncer à pas mal de ses illusions de jeunesse. Anna finira par s'en sortir, mais le lecteur en sort physiquement épuisé tant cette écriture analytique est déroutante et semble tourner dans un cercle infernal.

Est-ce qu'il faut vraiment s'approcher si près de la folie pour devenir soi-même ? Je n'en suis pas convaincue.

Ouf !! c'est le premier livre que je trouve aussi ardu, compliqué mais quel bonheur on retire de cette lecture aussi intéressante qu'initiative.



















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Il ne va pas être facile de parler de cette lecture car c'est une oeuvre qui tient à la fois du roman, d'un journal, d'un essai à la fois politique, sociétal, mais également sur le travail d'écrivaine et en filigrane une biographie.

Au centre figure Anna, écrivaine qui vit seule avec sa fille depuis sa séparation d'avec le père de celle-ci et elle est à la fois déstabilisée dans sa vie de femme mais également en panne d'inspiration pour l'écriture de son prochain livre, qui va succéder à un premier roman qui a eu du succès et qui lui a permis de vivre avec les droits reçus. Elle a une amie, Molly, actrice, divorcée et mère de Tommy, jeune adulte qui se cherche entre une mère artiste et un père, homme d'affaires.

La structure du récit est assez complexe et je vais tenter de faire simple. Anna a besoin de structurer son travail afin à la fois de bâtir son prochain roman mais également de poser les bases de sa nouvelle vie. Elle tient pour cela quatre carnets : un noir, une sorte de biographie de sa vie, de ses souvenirs et en particulier dans la première partie ceux d'Afrique du Sud touchant au colonialisme et au racisme, un rouge qui concerne ce qui se rattache à la politique car communiste désabusée des révélations sur le parti dans les années 1950/60, un jaune où elle ébauche des histoires à partir de ses expériences et un bleu qui tient lieu de journal intime. Autour de ces quatre carnets il y a la transcription de sa relation avec Molly sous le titre "Femmes libres", de leurs échanges sur leurs vies, leurs enfants et leurs relations aux hommes. Tous ces carnets mènent au Carnet d'Or, celui qui sera la quintessence des carnets, l'oeuvre ultime.

Alors disons-le tout de suite, ce n'est pas une lecture facile ou alors soyons plus précise, une lecture par moment laborieuse  et parfois fluide, suivant les thèmes abordés et que de thèmes abordés ! Quand je parle de l'oeuvre d'une vie c'est pour moi cela, l'auteure revenant et regroupant nombre de ses souvenirs, des ses sentiments, de ses préoccupations, qu'elles soient de l'ordre amoureux, maternel, amical, sociétal, politique ou organisationnel dans son quotidien de femme romancière.

J'ai abordé deux romans par le passé de cette auteure : Un enfant de l'amour, un court roman mais également  le rêve le plus doux  que j'avais abandonné car je n'arrivais par voir où elle voulait en venir, mais dans le carnet d'or j'y ai retrouvé justement cette construction, ce mélange d'idées, de sujets avec il me semble me souvenir des thèmes de l'amitié, de la cohabitation dans un logement (ici elle loue une chambre de son appartement), des engagements amoureux et sociétal

"(...) et puis le manque d'homme ne me réussit guère

-J'aimerais bien savoir à qui cela réussit, rétorqua Julia, mais je ne pense pas que n'importe quel homme vaille mieux que pas d'homme (p192)"

C'est un roman (puisqu'il est classé comme tel) à la fois sur le travail d'écrivain, sur la manière d'élaborer un roman, comment les idées, la source peut jaillir, qu'il s'agisse du passé de l'auteure, des ses positions vis-à-vis de la politique, de sa vie de femme mais sans que cela ne tombe dans le féminisme avec parfois une élucubration frôlant presque la folie, la frénésie qui habite Anna. Elle se voudrait indépendante et sûre d'elle, mais elle a plusieurs visages et devient parfois une amoureuse jalouse, exclusive sans oublier d'exposer sa relation aux hommes, pas contre les hommes, mais avec les hommes, défendant sa place de femme, son désir, le revendiquant, et les rapports entre les deux sexes.

"-Tu devrais te soigner davantage, Anna, tu parais dix ans de plus que tu ne devrais. - tu vieillis. Alors je lui ai répondu : Richard, si je t'avais dit : Oh oui, viens dans mon lit, tu serais en train de me dire comme tu me trouves belle ! la vérité doit être quelque part à mi-chemin ...? (p66)"

Ses carnets lui servent à tenir, à tracer son chemin de création et deviennent ses piliers, ses fondements,  composés parfois d'articles de presse, de détails intimes, de pensées ou de réflexions. Je n'ai pu m'empêcher de la rapprocher de Virginia Woolf (d'ailleurs Anna porte le nom De Wulf....) par l'importance de trouver son lieu d'écriture, la recherche d'indépendance, sa faculté d'observation de ce qui l'entoure mais également de faire le corollaire entre les idées, son besoin à la fois de s'isoler et rechercher le contact avec l'autre. le carnet d'or est également une sorte de psychanalyse personnelle, Anna étant elle-même en analyse depuis des années avec celle qu'elle nomme Madame Sucre, en appliquant les conseils de celle-ci ou en cherchant des pistes, des techniques, pour s'apaiser et pouvoir calmer son esprit et parfois son corps pour laisser place à l'écriture.

Je dois avouer que par moment j'ai eu beaucoup de mal à me concentrer sur ce pavé très dense mais également très riche d'idées, chaque lecteur peut trouver dans l'un ou l'autre des carnets une préférence mais les quatre carnets + la narration Femmes libres sont nécessaires pour la compréhension de l'ensemble, même si je n'en ai pas tout saisi, si parfois mon esprit s'égarait ou se perdait. C'est une lecture exigeante où Anna/Doris Lessing se livre, nous livre ce qu'elle a de plus personnel, que ce soit dans les moyens utilisés pour écrire, de sa vie personnelle, la manière de cloisonner sa vie afin d'y trouver l'armature de base de ce qui pourra être un roman et qui plus est, comme elle le note à la toute fin, un roman qui aura du succès.

J'ai aimé mais j'ai admiré le travail de l'avoir lu, dans sa totalité, d'avoir ouvert certaines portes sur un thème, le travail d'écrivain qui me passionne et c'est le genre de lecture qui reste gravée en vous pour longtemps par son originalité, son contenu et l'objectif de son auteure.
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Cette fois c'est fait, j'ai lu "le carnet d'or". Des jours, des semaines qu'il accompagne mes moments lecture. Pas n'importe lesquels, les rigoureux, les concentrés. Et je reste perplexe. Que dire de ce roman de plus de 600 pages dense, foisonnant et exigeant?
Ai-je aimé? Oui, aucune hésitation. Et pourtant il y a eu des interruptions, d'autres romans se sont intercalés, pauses nécessaires, respirations. Mais il y a eu aussi les jours d'immersion, les longs partages, la connivence, la jubilation et tout ces moments sans lecture mais avec dans la tête des réflexions, des questions. En fait je crois que je suis surtout admirative.


Je suis bluffée par ce portrait de femme dans l'Angleterre des années 50 qui nous propose une multiplicité de thématiques politiques et sociales ancrées dans le contexte historique de l'aprè guerre.
Anna écrivaine vit à Londres, elle élève seule sa fille. Indépendante, engagée, elle a soif de liberté. Elle est en plein bouleversement comme l'est la société dans laquelle elle est plongée. Anna écrit, Anna questionne le monde, remet en cause le communisme auquel elle adhère, Anna vit sa sexualité de manière assumée et libre, Anna aime, Anna perd la raison.


Mais surtout je suis bluffée par ce travail de construction, cette réflexion sur la fiction, l'écriture. le carnet d'or est un récit fragmenté qui par petites touches construit une réalité, un portrait sensible et profond d'une femme, d'une époque, d'une societé. le roman se structure en différents écrits:
un roman "femmes libres" scindé en cinq parties entrecoupées de carnets: "un noir qui concernera Anna Wulf l'écrivain, un rouge pour la politique, un jaune où j'écrirai des histoires à partir de mon expérience et un bleu où j'essaierai de tenir mon journal".
Textes multiples, écritures multiples: récits, dialogues, pensées, analyses, descriptions, notes qui s'entrelacent, se répondent, se questionnent. Anna (Doris Lessing ?) aborde la politique, le racisme, les relations parents/enfant, la sexualité, les relations, homme/ femme, la folie...
Cette forme interrroge le travail de l'écrivain. D'une réalité, d'une expérience à la fiction par le travail d'écriture. Comment rendre compte de la complexité du réel et de l'être humain sans fragmenter, sans compartimenter? Comment ne pas trahir ce réel, ne pas le rendre fade?

Il faudrait plusieurs lecture pour être sûre de ne pas trahir, pour construire une analyse. Ces quelques phrases sont mon ressenti immédiat, sans trop de recul. Tentez l'expérience, c'est rude mais impressionnant!

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Je définirais "Le carnet d'or" comme un roman contemporain confessionnel. Il y a beaucoup de politique dedans, mais certains détails sont déjà périmés. "Le Carnet d'or" est donc aussi un roman social.

Féministe? Oui bien sûr. L'auteur s'intéresse au sort de deux femmes, que Lessing définit comme modernes. Anna, l'alter ego de l'auteur, une écrivaine qui n'a rien publié après la publication d'un seul livre, il y a plusieurs années, tombe le plus souvent amoureuse des hommes mariés, puis souffre de leur futilité et de leur indifférence.
Anna au fond de l'âme est une vraie femme, sensible et fidèle, il lui suffit d'être en harmonie avec le seul homme qu'elle aime. Cependant, l'égoïsme des hommes la fait souffrir et finalement elle se perd. Pour Anna qui change sous l'influence de l'amour, un nouvel être naît en elle, une Anna aimante, prête à devenir une nouvelle personnalité. Mais cette créature vulnérable se flétrit toujours par manque d'amour.

Ici, une autre question se pose: le livre est-il dirigé contre les hommes? À première vue, oui. Il y a très peu d'images masculines positives. Et cependant, il me semble qu'il est vrai qu'un certain nombre d'hommes comme ça existent vraiment, et ce sont précisément les hommes de ce genre qui s'avèrent en quelque sorte attirants pour Anna.

Anna passe par de nombreuses étapes pour se retrouver, y compris par un certain état mental qui s'apparente à de la folie. Au final, elle semble gagner en intégrité. Cela est symbolisé par le fait qu'Anna, qui avait précédemment enregistré dans quatre cahiers différents, commence maintenant à écrire sur elle-même avec un seul cahier. Cela signifie qu'elle cesse de diviser sa personnalité et vient à s'accepter avec tous ses doutes et ses pensées et intérêts divers.

Si vous aimez la dramaturgie de conversation, les films de Woody Allen ou de Jacques Rivette, ainsi que les pièces profondes et intelligentes, alors ce livre est pour vous. Mais soyez patient. À un moment donné, il est capable de vous ennuyer, comme cela m'est arrivé. La fin du roman, pour être honnête, ce n'était pas ce à quoi je me suis le plus attachée. Elle n'est pas toujours convaincante et donne envie de la réécrire. Oui, confusion, chaos - c'est la vie, mais s'arrêter, façonner la masse informe, essayer de saisir le sens, sa signification - c'est de l'art.
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critiques presse (1)
LeMonde
16 juin 2011
Roman politique, roman d'amour, roman social, Le Carnet d'or est un magnifique éloge de l'art du roman, une réflexion pour aujourd'hui sur la force de la fiction, la place de l'individu et la persistance de l'art.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (88) Voir plus Ajouter une citation
Il n’existe qu’une façon de lire, et elle consiste à flâner dans les bibliothèques ou les libraires, à prendre les livres qui vous attirent et ne lire que ceux-là, à les abandonner quand ils vous ennuient, à sauter les passages qui traînent – et à ne jamais, jamais rien lire parce qu’on s’y sent obligé, ou parce que c’est la mode. (Livre de poche, Préface, p. XIX)
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La nuit, je m'asseyais dans mon lit, et je jouais à ce que j'appelais "le jeu". D'abord je créais la pièce dans laquelle j'étais assise, objet par objet, en "nommant" chaque chose, le lit, la chaise, les rideaux, jusqu'à ce qu'elle soit entière dans mon esprit, puis je quittais la pièce pour créer la maison, puis je quittais la maison et, lentement, créais la rue, puis je m'élevais dans l'air et regardais Londres, l'immensité de Londres, mais en même temps, je gardais la chambre et la maison et la rue à l'esprit, et puis l'Angleterre, la forme de l'Angleterre dans la Grande-Bretagne, puis le petit groupe d'îles près du continent, et puis lentement, très lentement, je créais le monde, continent par continent, océan par océan (mais le but du jeu consistait à créer cette immensité tout en gardant à l'esprit ma chambre, la maison et la rue dans leur petitesse), jusqu'au moment où je pénétrais dans l'espace et contemplais le monde, tel un ballon éclairé par le soleil dans le ciel, qui tournait et roulait au-dessous de moi. Et comme j'avais atteint ce point, avec les étoiles autour de moi et la petite terre qui tournait au-dessous de moi, j'essayais d'imaginer en même temps une goutte d'eau grouillante de vie, ou une feuille verte. J'arrivais parfois à mes fins - une conscience simultanée de l'infiniment grand et de l'infiniment petit. Ou bien je me concentrais sur une seule créature, un petit poisson rouge dans un bassin, ou une fleur, ou une phalène, et j'essayais de créer, de "nommer" l'être de la fleur, de la phalène, du poisson, en créant lentement alentour la forêt, ou la mer, ou l'espace d'air et de nuit qui faisait ployer mes ailes. Et puis soudain je bondissais de l'infiniment petit vers l'espace.
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Très peu de monde se soucie réellement de la liberté, de la vérité - vraiment très peu. Rares sont ceux qui ont de l'envergure - cette force dont dépend la vraie démocratie. En l'absence de gens courageux, une société libre meurt, ou ne naît pas.
Je restai là, découragée, déprimée. Car il subsiste en nous tous qui avons été élevés dans une démocratie occidentale, la ferme croyance que la liberté se fortifiera, qu'elle survivra aux pressions, et cette croyance semble survivre à toutes les preuves contraires. Elle constitue certainement un danger en soi. Assise là dans ma cuisine, j'eus la vision d'un monde divisé en nations, en systèmes, en blocs économiques, qui se durcissaient et se consolidaient : un monde où il deviendrait de plus en plus ridicule de parler même de liberté, de conscience individuelle. Je sais qu'on a déjà écrit à propos de ce genre de vision, c'est quelque chose de déjà lu, mais pendant quelques instants ce n'étaient pas des mots, c'était une sensation réelle dans la substance même de ma chair et de mes nerfs.
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Il n’existe qu’une façon de lire, et elle consiste à flâner dans les bibliothèques ou les libraires, à prendre les livres qui vous attirent et ne lire que ceux-là, à les abandonner quand ils vous ennuient, à sauter les passages qui traînent – et à ne jamais, jamais rien lire parce qu’on s’y sent obligé, ou parce que c’est la mode.Rappelez vous qu'un livre qui vous ennuie à vingt ou trente ans, vous ouvrira ses portes quand vous en aurez quarante ou cinquante - et vice versa. Ne lisez pas un livre quand ce n'est pas le bon moment pour vous. Gardez l'esprit ouvert. Par dessus tout, sachez que le fait de devoir passer un ou deux ans sur un seul livre ou un seul auteur, signifie qu'on vous enseigne mal. On aurait dû vous apprendre à lire d'un élan à un autre, à suivre vos propres intuitions pour déterminer vos besoins.
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La fonction du roman semble changer, c'est désormais un avant-poste du journalisme. Nous lisons des romans pour nous documenter sur des zones de vie que nous ne connaissons pas . Nous lisons pou découvrir ce qui se passe. Un roman sur cinq cents ou sur mille possède la qualité qu'un roman devrait posséder pour être un roman : la qualité philosophique (...) Le roman est devenu une fonction de la société fragmentée, de la conscience fragmentée. Les êtres humains sont tellement divisés, de plus en plus divisés et morcelés en eux-mêmes, à l'image du monde, qu'ils cherchent désespérément, sans le savoir, des informations sur d'autres groupes à l'intérieur de leur propre pays, sans parler de groupes dans d'autres pays. Ils tâtonnent aveuglément à la recherche de leur propre entité, et le roman-reportage constitue un moyen d'avancer dans cette direction.
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Vidéo de Doris Lessing
Chaque mois, un grand nom de la littérature française contemporaine est invité par la Bibliothèque nationale de France, le Centre national du livre et France Culture à parler de sa pratique de l'écriture. Javier Cercas, auteur de Terra Alta qui lui valut en 2019 le 68e prix Planeta, est à l'honneur de cette nouvelle séance du cycle « En lisant, en écrivant ».
QUI EST JAVIER CERCAS ? Né en 1962 à Ibahernando, dans la province de Cáceres, Javier Cercas est un écrivain et traducteur espagnol. Après des études de philologie, il enseigne la littérature à l'université de Gérone, pendant plusieurs années. En 2001, son roman Les Soldats de Salamine – sur fond de Guerre civile espagnole – remporte un succès international et reçoit les éloges, entre autres, de Mario Vargas Llosa, Doris Lessing ou Susan Sontag. Ses livres suivants, qui s'inspirent souvent d'événements historiques et de personnages ayant réellement existé, rencontrent le même accueil critique et sont couronnés de nombreux prix : Prix du livre européen (2016), Prix André Malraux (2018), Prix Planeta (2019), Prix Dialogo (2019). Son oeuvre est traduite en une vingtaine de langues. Il est également chroniqueur pour le quotidien El País.
De Javier Cercas, Actes Sud a publié : Les Soldats de Salamine (2002), À petites foulées (2004), À la vitesse de la lumière (2006), Anatomie d'un instant (2010), Les Lois de la frontière (2014, prix Méditerranée étranger 2014), L'Imposteur (2015), le Mobile (2016), le Point aveugle (2016), et le Monarque des ombres (2018). Son nouveau roman, Terra Alta, paraîtra en mai 2021.
En savoir plus sur les Masterclasses – En lisant, en écrivant : https://www.bnf.fr/fr/master-classes-litteraires
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