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Citations sur La trêve (62)

Mais les Russes, à la différence des Allemands, ne possèdent que dans une faible mesure le goût des distinctions et des classifications. Quelques jours plus tard, nous étions tous en route vers le nord, vers un but imprécis, de toute façon pour un nouvel exil. Italiens Roumains et Italiens-Italiens, tous dans les mêmes wagons de marchandises, tous le coeur serré, tous livré à l'indéchiffrable bureaucratie soviétique, puissance obscure et gigantesque, non point malveillante envers nous mais soupçonneuse, négligente, ignorante, contradictoire et, dans les faits, aveugle comme une force de la nature.
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Là aussi, comme à chaque étape de notre interminable voyage, nous eûmes la surprise d'être accueillis par un bain alors que tant d'autres choses nous faisaient défaut. Mais ce ne fut pas un bain d'humiliation, un bain grotesque, démoniaque et rituel, un bain de messe noire comme celui qui avait marqué notre descente dans l'univers concentrationnaire, et pas même un bain fonctionnel antiseptique et hautement technicisé comme lors de notre passage, des mois plus tard, entre des mains américaines : mais un bain russe, à l'échelle humaine, improvisé et approximatif.
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Avevo tutte le membre indolenzite, il sangue mi pulsava convulsamente nel cranio, e mi sentivo invadere dalla febbre. Ma non era solo questo: come se un argine fosse franato, proprio in quell'ora in cui ogni minaccia sembrava venire meno, in cui la speranza di un ritorno alla vita cessava di essere pazzesca, ero sopraffatto da un dolore nuovo e più vasto, prima sepolto e relegato ai margini della coscienza da altri più urgenti dolori: il dolore del'esilio, della casa lontana, della solitudine, degli amici perduti, della giovinezza perduta, e dello stuolo di cadaveri intorno.
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Hurbinek, qui avait trois ans, qui était peut-être né à Auschwitz et n’avait jamais vu un arbre; Hurbinek, qui avait combattu comme un homme, jusqu’au dernier souffle, pour entrer dans le monde des hommes dont une puissance bestiale l’avait exclu; Hurbinek, le sans-nom, dont le minuscule avant-bras portait le tatouage d’Auschwitz; Hurbinek mourut les premiers jours de mars 1945, libre mais non racheté. Il ne reste rien de lui: il témoigne à travers mes paroles.
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Nous avions l'impression d'avoir quelque chose à dire, des choses énormes à dire a chaque Allemand, et que chaque Allemand devait nous en dire; nous sentions l'urgence de tirer des conclusions, de demander, d'expliquer et de commenter, comme des joueurs d'échecs en fin de partie. Connaissaient-ils, eux, l'existence d'Auschwitz, le massacre quotidien et silencieux à leur porte? Si oui, comment pouvaient-ils marcher dans la rue, revenir chez eux et regarder leurs enfants, franchir le seuil d'une église? Si non, nous devions, je devais, c'était un devoir sacré, leur apprendre, sur-le-champ, toute la vérité: je sentais le numéro tatoué sur mon bras crier comme une plaie.
En errant dans les rues de Munich pleines de ruines, autour de la gare où notre train était une fois de plus enlisé, j'avais l'impression de me promener au milieu de débiteurs insolvables, comme si chacun me devait quelque chose et refusait de me payer... Il me semblait que chacun d'eux aurait dû nous interroger, déchiffrer notre identité sur notre visage et écouter humblement notre récit.
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LA TREVE
Nous rêvions dans les nuits sauvages
des rêves denses et violents
que nous rêvions corps et âmes :
rentrer, manger, raconter
jusqu'à ce que résonnât, bref et bas,
l'ordre qui accompagnait l'aube :
" WstawacWstawac";
et notre coeur en nous se brisait.
Maintenant nous avons retrouvé notre foyer,
notre ventre est rassasié,
nous avons fini notre récit.
C'est l'heure. Bientôt nous entendrons de nouveau, l'ordre étranger :
"WstawacWstawac".
11 janvier 1946.
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Un matin, avec une rapidité foudroyante et mystérieuse, la nouvelle se répandit que nous allions devoir quitter Sloutsk, à pied, pour Staryje Doroghi, à soixante-dix kilomètres, dans un camp réservé aux seuls Italiens. Les Allemands, dans des circonstances analogues, auraient constellé les murs d'affiches bilingues, clairement imprimées et y auraient spécifié l'heure du départ, l'équipement prescrit, les horaires de marche et la peine de mort pour les réfractaires. Les Russes, eux, laissèrent l'ordre se répandre de lui-même et le transfert s'organiser tout seul.
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"Nous rêvions dans les nuits sauvages
De rêves denses et violents
Que nous rêvions corps et âmes."
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Le comptable Ravi ne devait son poste de chef de camp ni à des élections à la base ni à une investiture russe, mais à une autonomination. Bien que de qualités intellectuelles et morales plutôt indigentes, il possédait dans une très large mesure la vertu qui, sous tous les cieux, est la plus nécessaire à la conquête du pouvoir, c'est-à-dire l'amour du pouvoir pour le pouvoir lui même.
Assister au comportement d'un homme qui agit non selon la raison mais selon ses impulsions profondes est un spectacle d'un intérêt extrême, semblable à celui dont jouit le naturaliste qui étudie les activités d'un animal aux instincts complexes. Ravi avait conquis sa charge en agissant avec la spontanéité atavique de l'araignée qui construit sa toile ; car pas plus que l'araignée sans toile, Ravi ne pouvait vivre sans charge. Il avait tout de suite commencé à tisser : il était foncièrement sot et ne savait pas un mot d'allemand ni de russe mais dès le premier jour il s'était assuré les services d'un interprète, et cérémonieusement présenté devant le commandement soviétique en qualité de plénipotentiaire pour les intérêts italiens.
(...)
Avec une clairvoyance surprenante, c'est-à-dire en vertu d'une tournure d'esprit éminemment complexe et mystérieuse, il avait saisi l'importance, mieux, la nécessité de posséder un uniforme, du moment qu'il avait à faire avec des gens en uniforme. Il s'en était fabriqué un, assez théâtral mais non dépourvu de fantaisie, avec une paire de grosses bottes soviétiques, une casquette de cheminot polonais, une veste et des pantalons dénichés Dieu sait ou qui avaient un air fasciste, et peut-être l'étaient ; il avait fait coudre des écussons au col, des filets dorés sur la casquette, des grecques et des galons sur les manches et s'était couvert la poitrine de médailles.
Du reste, ce n'était pas un tyran ni même pas un mauvais administrateur. Il avait le bon sens de contenir les vexations, les concussions, les abus dans des limites modestes et il possédait pour les paperasses une vocation indéniable. Or, étant donné que les russes étaient curieusement sensibles au charme des paperasses (dont l'éventuelle signification rationnelle leur échappait toutefois) et semblaient aimer la bureaucratie de cet amour platonique et spirituel qui n'arrive pas à la possession et ne la désire pas, Ravi était toléré avec bienveillance, sinon véritablement estimé dans les milieux du commandement. En outre, il était lié par au capitaine Egorov par une paradoxale et incompréhensible sympathie chez ces misanthropes ; car l'un comme l'autre étaient des personnages tristes, graves, dégoûtés, dyspeptiques et dans l'euphorie générale recherchaient l'isolement.
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On rêvait pendant les nuits atroces / Des rêves denses et violents/
Rêvés avec l'âme et le corps:/ Retourner,manger, raconter.
L'ordre de l'aube/ Wstawac / Et le coeur se brisait dans la poitrine/
Aujourd'hui,nous avons retrouvé la maison,/ Notre ventre est repu,
Nous avons fini de raconter. /Il est temps. / Bientôt,nous entendrons encore l'ordre étranger
Wstawac
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