Je ne parviens pas à me rappeler si j'ai jamais lu un quelconque livre de
Marc Lévy avant celui-ci. J'ai le vague souvenir que oui, mais le cas échéant, je suis incapable de citer le titre dont il s'agissait… et je ne sais pas trop si un tel oubli est inquiétant, pour moi ou pour l'intérêt réel que l'auteur a pu susciter chez moi… C'est que
Marc Lévy fait partie de ces quelques auteurs prolifiques dont on voit constamment l'un ou l'autre livre en tête d'affiche dans les librairies ou même dans les supermarchés – ce type même d'auteurs qui provoquent un réflexe vaguement snob de méfiance, que certains professeurs de français ont pu instiller à une certaine époque, et dont je ne me suis jamais tout à fait débarrassée.
Pas de chance : ce livre est une déception ! confirmant ainsi mon léger mouvement de recul spontané.
Bon, soyons juste : il n'est pas non plus mauvais-mauvais.
Marc Lévy sait écrire une histoire, alternant les aventures des différents personnages qui se révèlent peu à peu (au lecteur et à eux-mêmes), avec de-ci de-là des extraits de ce qui ressemble à une interview dont on ne comprend pas trop ni les tenants ni les aboutissants mais qui apparaissent comme un fil rouge et maintiennent ainsi un certain intérêt. Il décrit les détails du quotidien avec un art consommé, tout en faisant avancer le récit de façon efficace. C'est donc une lecture tout à fait honnête et plutôt agréable, grâce à une écriture fluide et sans chichis…
… mais j'attendais un thriller, et là, ça n'en est pas un ! Il manque ce « souffle » - de l'action, du sang peut-être, ou pour le moins une vraie tension, qu'on ne ferait pas que dire, mais qui naîtrait du moindre micro-événement. Or ici je n'ai rien trouvé de tout ça, même le suspense paraît à la limite de l'artificiel.
Bien sûr, je me suis demandé pourquoi, et j'ai trouvé quelques éléments de réponse qui valent – je le précise d'emblée – pour moi, alors qu'ils n'auront peut-être pas gêné d'autres lecteurs.
D'abord, le sujet d'un groupe de gentils et très doués hackers qui ne se connaissent que virtuellement, qui se battent chacun de son côté ou parfois ensemble contre les grands méchants riches (dont les entreprises pharmaceutiques) qui tentent de faire vaciller les démocraties à coups de milliards pour les uns, de désinformation pour les autres, et de répression pour tout qui tente de s'opposer à eux ; bref, c'est un sujet vu et revu, certes avec des variantes parfois, mais vraiment, ce n'est rien de nouveau sous le soleil, on est à la limite des clichés que l'on frôle constamment, et je n'ai pas réussi à trouver cela passionnant.
Parlons des personnages: aucun ne m'a semblé réellement intéressant ou touchant ou que sais-je… Ils sont tous plutôt beaux, riches (la plus « pauvre » est quand même prof de droit à la fac d'Oslo !), ils ont tous un boulot intéressant qui leur prend du temps et auquel ils tiennent au moins en apparence, ils ont tous des équipements du tonnerre – est-ce vraiment ça la vraie vie d'un hacker, même un « gentil » ?... Avec ça, ils se retrouvent tous tôt ou tard dans une situation difficile mais jamais vraiment désespérée… à part un personnage secondaire, meilleure amie de l'une des 9, et la seule qui était un peu attachante au final, mais en vain puisqu'elle disparaît brutalement de l'intrigue. Bref, au niveau des personnages aussi on est dans l'artificiel : ils semblent n'avoir aucune faille - certes, ils ont tous plus ou moins souffert au gré des caprices de la vie, c'est évoqué ici ou là et ça pourrait leur donner un semblant d'humanité, mais ça ne suffit pas. Ils auraient été plus réalistes s'ils avaient eu un quelconque conflit plus sérieux avec un autre personnage (mais alors personnellement, pas « juste » les grands méchants précités qu'ils combattent) ou avec eux-mêmes, s'ils étaient en lutte contre une part sombre d'eux-mêmes, ou que sais-je… On aurait aimé, peut-être, un vrai bad boy parmi eux, ou une fille paumée mais super-douée (ah la série Millenium !) ; mais là, ils sont, tous sans exception, tout simplement lisses, sans âme, comme des figurines de carton plat avec lesquelles on avance dans une histoire sympathique, mais sans aucune réelle profondeur.
Enfin, c'est en arrivant à la fin, inévitablement en forme de cliffhanger, que l'on se rend compte que tout ce premier tome n'est peut-être qu'une mise en place de l'action véritable… mais qui ne devrait apparaître que dans le deuxième tome !? Environ 400 pages pour une mise en bouche qu'on appelle thriller, pour que l'intérêt véritable n'arrive que dans un deuxième opus ? ça fait très long quand même… et ça semble se confirmer, hélas, car la version électronique propose les premiers chapitre de ce « Crépuscule des fauves » (le tome 2 donc), qui a l'air effectivement plus intéressant dès les premières pages. Est-ce un effet d'annonce, ou est-ce que ça va se vérifier en lisant ce fameux 2e tome ? Je ne pourrais dire car, en réalité, je n'ai pas lu tous les chapitres proposés. Ce choix de flouer le lecteur (eh oui ! c'est vraiment le sentiment qui s'est tout à coup imposé) pour qu'il achète mieux le deuxième tome, me paraît une démarche tellement plus commerciale que littéraire que, justement, ça ne me donne plus du tout envie de découvrir la suite !