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Citations sur Essais sur la Chine (13)

Enfin, sur bien des points spécifiques, les plus hautes autorités de
Pékin n'ont cessé d'apporter une éclatante confirmation de ce que
j'avançais. Ainsi par exemple, alors que, pour les maoïstes occidentaux,
les violences sanglantes, dont j'avais fait état, ne pouvaient relever que
de la calomnie, le président Mao devait déclarer à E. Snow dans une
interview célèbre que la presse étrangère était demeurée bien en deçà de
la réalité dans son évocation de ces violences ( ... Ce n'est pas la
première fois, ni la dernière, que le dieu aura infligé un camouflet à ses
dévots!).
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Dans son discours de septembre 1962, Mao avait ouvert le feuen direction des écrivains et des artistes qui prenaient prétexte de leur
activité créatrice pour se livrer à des manoeuvres « anti-Parti », et
ménager dans l 'opinion un climat favorable à la «restauration du capitalisme».

Cette première déclaration de guerre fut suivie en 1963 de campagnes
dirigées contre divers intellectuels, artistes et littérateurs. Ces campagnes
dans 1' ensemble manquèrent de mordant et ne parvinrent pas à prendre
un véritable élan.
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Le malaise et les difficultés que la «Révolution culturelle» éprouvera en cherchant à établir un dossier à charge contre Liu Shaoqi, sont très symptomatiques.

Les raisons réelles de son épuration ne peuvent être mentionnées, car elles ont trait à la controverse du «Grand Bond en avant», et sur ce point, 1' énoncé des «crimes» de Liu risquerait trop de le rendre populaire auprès des masses.
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La Chine est une entité organique dont chaque élément ne peut vraiment s'éclairer qu'à la lumière de nombreux autres éléments quelquefois fort éloignés de celui que le chercheur considère, voire même dépourvus de connexion apparente avec lui.

Faute d'être guidé par une intuition de l'ensemble, le spécialiste demeure à jamais condamné au sort des aveugles dans la célèbre fable bouddhique : voulant savoir ce qu'était un éléphant, ils en
palpèrent qui la trompe, qui la patte, qui la queue, et déduisirent respectivement que 1' éléphant devait être une sorte de serpent, de colonne ou de balai.
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La fascination unique que la Chine semble exercer sur tous ceux qui l'abordent pourrait en un sens se comparer à l'attraction qui rapproche les sexes : elle suscite en effet toute une luxuriante imagerie qui suggère une romanesque touffeur de magie et de mystère, mais elle repose en fait sur une réalité élémentaire - du point de vue occidental, la Chine est tout simplement l'autre pôle de l'expérience humaine. Toutes les autres grandes civilisations sont soit mortes (Egypte, Mésopotamie, Amérique précolombienne), ou trop exclusivement absorbées par les problèmes de survie dans des conditions extrêmes (cultures primitives), ou trop proches de nous (cultures islamiques, Inde) pour pouvoir offrir un contraste aussi total, une altérité aussi complète, une originalité aussi radicale et éclairante que la Chine. C'est seulement quand nous considérons la Chine que nous pouvons enfin prendre une plus exacte mesure de notre propre identité et que nous commençons à percevoir quelle part de notre héritage relève de l'humanité universelle, et quelle part ne fait que refléter de simples idiosyncrasies indo-européennes. La Chine est cet Autre fondamental sans la rencontre duquel l'Occident ne saurait devenir vraiment conscient des contours et des limites de son Moi culturel.

Essai sur Victor Segalen, p. 761.
François Jullien dit la même chose, et le sinologue Jean-François Billeter a soutenu que rien n'était plus faux (dans "Contre François Jullien").
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Karl Marx a remarqué que certains phénomènes historiques surviennent toujours deux fois, la première sous forme de tragédie, la seconde sous forme de farce. L'aplatissement d'une certaine intelligentsia occidentale, hier devant l'URSS de Staline, aujourd'hui devant la Chine de Mao, vérifie de façon frappante la vérité de cette observation. Bien sûr rien ne ressemble autant à une bureaucratie totalitaire qu'une autre bureaucratie totalitaire, et puisque Zhou Enlai peut déclarer : "Le présent de l'URSS, c'est le futur de la Chine", il n'y a a sans doute pas lieu de s'étonner si le présent de la Chine correspond assez fidèlement au passé de l'URSS. Néanmoins étant donné les différences du milieu historico-culturel d'une part, et d'autre part celles dérivant des idiosyncrasies du petit père des peuples et du Grandiose Pilote, on aurait quand même été en droit d'attendre, à trente ans de distance, un peu plus de variété dans les récits des pèlerins.

p. 486, 1976.
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La "révolution culturelle" de 1966 (Les Habits Neufs du Président Mao, p. 51).
La façon dont Mao mobilisa et utilisa les gardes rouges est très semblable à celle dont l'impératrice douairière Cixi manoeuvra les Boxers : il détourna contre ses ennemis une masse de mécontentement populaire qui avait été produite par son propre régime, et qui, plus lucide, aurait dû normalement se tourner contre lui-même. Les gardes rouges tout comme jadis les Boxers, étaient mus par un élan patriotique et un dynamisme révolutionnaire puissants et authentiques, mais ils étaient également dépourvus d'expérience politique et de cadres éduqués et informés. Leur mysticisme naïf et primitif se prêtait à toutes les manipulations d'un vieux politicien expérimenté qui, son objectif une fois atteint, n'eut ensuite aucun scrupule à se débarrasser de ses innocents auxiliaires. Le despotisme bureaucratique établi par Mao avait depuis longtemps engendré dans la jeunesse une insatisfaction et une frustration qui approchaient de leur point d'explosion. Il suffit à Mao de dénoncer ses adversaires personnels comme étant les seuls fauteurs d'un système dont lui-même était en réalité le premier auteur, et puis à ouvrir sur eux les vannes de la colère populaire, pour les balayer d'un coup. Mais quand la vague aura accompli son oeuvre, revenant sur elle-même, elle s'apercevra qu'elle n'avait rien accompli du tout : elle avait bien noyé tous les pantins, mais le maître de marionnettes, toujours le même, était resté au sec sur la digue, et déjà il refermait les portes de l'écluse. La conscience d'avoir été joués viendra finalement aux gardes rouges, mais elle viendra trop tard : à ce moment-là, leur rôle était terminé, Mao pourra les abandonner à la répression militaire, et remettre en place une collection de mandarins identiques à leurs prédécesseurs.
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W- Que pensez-vous du livre de Mme Macciochi?"
Moi- A tout prendre je préfère celui de Moravia. Entre deux farceurs, choisissons plutôt celui qui est drôle.
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On pourrait dire que la Chine est une vision du monde, une façon de concevoir les rapports de l'homme avec l'univers, une recette pour l'entretien de l'ordre cosmique.

Le concept clef de la civilisation chinoise est celui d'harmonie : qu'il s'agisse d'ordonner les rapports des hommes entre eux, ou d'accorder l'individu aux rythmes de l'univers, cette même préoccupation d'harmonie anime et la sagesse confucéenne, et la mystique taoïste ; en ceci les deux écoles sont complémentaires plutôt qu'opposées, et ne diffèrent essentiellement que par leur aire d'application – sociale, extérieure et officielle pour l'une, spirituelle, intérieure et populaire pour la seconde.

Les divers courants de la pensée chinoise dérivent tous d'une commune source cosmologique. Cette cosmologie (résumée schématiquement dans le plus ancien, le plus précieux, mais aussi le plus obscur des traités canoniques, le Livre des mutations) considère que l'infinité des phénomènes est en état de flux perpétuel ; cette création permanente résulte elle-même du mariage de deux forces antithétiques et complémentaires. Ces deux forces – ou ces deux pôles – constituent une diversification de l'Avoir. L'Avoir est lui-même un produit du Non-Avoir (wu) que, par un contresens courant, on s'obstine à traduire « le Néant », alors que la notion se rapproche plutôt de ce que la philosophie occidentale appelle l'Être. Les penseurs chinois ont jugé avec sagesse que l'Être ne se peut appréhender que de façon négative : en effet, l'Absolu que l'on pourrait définir et nommer, qui aurait des qualifications et des propriétés, qui donnerait prise à une description, ne saurait être l'Absolu véritable, mais relève seulement du domaine de l'Avoir, avec son kaléidoscope éphémère et mouvant des phénomènes. Le processus qu'on vient d'esquisser ne forme pas un enchaînement mécanique, une séquence causale ; c'est un cercle organique à l'intérieur duquel les diverses phases existent simultanément. Si les textes plus anciens semblent impliquer une antériorité du Non-Avoir sur l'Avoir, les commentaires ultérieurs décrivent leurs relations comme un échange, une dialectique d'opposés-complémentaires, s'engendrant l'un l'autre. L'Être est le substrat fécond, le champ où germe l'Avoir, ou, si vous voulez, le vide est l'espace nourricier des phénomènes. On ne peut donc appréhender l'Être qu'en creux, en cernant son absence – un peu comme un sceau gravé in taglio livre son message en blanc, ne révélant son dessin que grâce à l'absence de matière. Cette notion selon laquelle 1'Absolu ne saurait être suggéré que par le vide est d'une importance particulière pour l'esthétique chinoise, comme nous verrons plus loin.

La pratique des arts constitue une mise en œuvre concrète de cette vocation d'universalité, de cette suprême mission d'harmonie, que la sagesse chinoise assigne à l'honnête homme : il s'agit pour celui-ci de dégager et retrouver l'unité des choses, de mettre le monde en ordre, de s'accorder au dynamisme de la création. (pp. 576-577)
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Le jargon de l'idéologie est en prolifération constante : le régime croit pour se sauver de la banqueroute idéologique pouvoir de réfugier dans l'inflation verbale ; l'avalanche des nouveaux concepts est comme une émission massive de jetons de plastique appelés à tenir lieu de monnaie intellectuelle.
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