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Critique de Isidoreinthedark


Dans ce court essai, publié en 1984, Simon Leys revient sur le parcours à la fois littéraire et politique d'Eric Blair plus connu sous son nom de plume : George Orwell.

« Le capitalisme aboutit au chômage, à la compétition féroce pour les marchés et à la guerre. le collectivisme mène aux camps de concentration, au culte des chefs et à la guerre. Il n'y pas moyen d'échapper à ce processus, à moins qu'une économie planifiée puisse être combinée à la liberté intellectuelle, ce qui ne deviendra possible que si l'on réussit à rétablir le concept du bien et du mal en politique ».

Cette phrase extraite des « Collected Essays » résume de manière étonnamment concise le fond de la pensée Orwellienne : une défiance marquée à l'endroit du libéralisme, une aversion féroce envers le communisme et le rêve utopique d'une forme de socialisme éclairé. Les mots employés par Orwell, qui propose de combiner « économie planifiée » et « liberté intellectuelle » désignent le paradoxe inhérent à cette troisième voie qui ressemble plus à un rêve qu'à un véritable projet politique.

La plume de Simon Leys est tout à la fois concise, ciselée et limpide ; dans cet essai, elle a surtout le mérité d'éclairer le lecteur ébloui par « 1984 » ou par « La ferme des animaux » sur la personnalité et les convictions profondes de leur auteur. George Orwell n'était pas seulement un homme qui avait saisi toute l'horreur du totalitarisme communiste et tenté de nous prévenir dans la dystopie la plus célèbre de l'histoire de la littérature contre la possibilité d'une extension à l'infini du domaine du collectivisme et ses conséquences liberticides. Il était également un homme issu d'une certaine bourgeoisie, épris d'égalité, qui a volontairement partagé la rudesse des conditions de vie de la classe ouvrière, et qui aurait souhaité pouvoir partager avec elle une forme de fraternité que son accent de la « haute » lui interdisait. George Orwell était un homme extrêmement courageux qui a participé à la guerre d'Espagne pour lutter contre le fascisme et y découvrir que le communisme soviétique constituait sans doute une menace plus pernicieuse encore pour nos libertés. Il n'était pas seulement « anti-totalitaire », il était aussi un homme de convictions, un « socialiste » qui croyait à une forme de troisième voie dans laquelle l'homme n'est pas un loup pour l'homme, et où nos libertés individuelles sont préservées.

Orwell apparaît dans l'essai de Simon Leys comme un être multiple, vivant et attachant et pas seulement comme le prophète ampoulé d'un monde inlassablement surveillé par Big Brother. Simon Leys donne ainsi envie d'approfondir la pensée Orwellienne en se plongeant dans ses essais, peu connus en France, et en relisant ses ouvrages moins célèbres comme « Dans la dèche à Paris et à Londres » où « Hommage à la Catalogne ».

Le temps de cette courte plongée dans la vie et l'oeuvre de George Orwell, on saisit les raisons de son aversion viscérale contre toute forme de totalitarisme, et l'on ne peut s'empêcher de songer aux terribles prophéties de 1984. Non, le totalitarisme communiste ne s'est pas répandu à la surface du globe, c'est son exact opposé, le néo-libéralisme des années 80 qui l'a emporté. Nous ne vivons pas dans un monde collectiviste où la privation est le quotidien de chacun mais dans un monde individualiste qui vénère la consommation.

Pour autant, qu'en est-il de nos libertés ? Ne sommes-nous pas placés sous la surveillance constante de ces caméras qui ont envahi nos villes et de tous ces écrans dont nous sommes devenus esclaves ? Ne sommes-nous pas envahis par le vertige du Big Data, toutes ces informations collectées à chaque instant par les nouveaux maîtres invisibles de notre monde ? Rien ne leur échappe, la situation de notre compte en banque, nos déplacements, nos achats, nos e-mails, et même cette chronique qui contrairement au carnet secret que tient Winston, le héros valétudinaire de 1984, est à présent visible par tous sur la toile qui risque un jour de se refermer sur nos libertés oubliées. Big Brother, oh Big Brother, are you watching me ?
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