Swing, tome 3

Aller à son rythme
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Ce tome fait suite à Swing, tome 2 (2019) qu'il vaut mieux avoir lu avant, même s'il y a un résumé de 5 pages en bande dessinée en début de ce tome. Cette histoire est initialement parue en 2020 sans prépublication, écrite par Matt Hawkins, dessinée et mise en couleurs par Yishan Li, avec un lettrage de Troy Peteri. La page des crédits précise qu'il s'agit d'une histoire et de personnages développés par Linda Sejic, Jenni Cheung et Hawkins. le tome se termine avec un prologue de 12 pages de Fine Print, une série réalisée par Stjepan Sejic, ainsi que 9 pages extraites de Punderworld Volume 1 (2021) par Linda Sejic. Dans ce tome apparaissent deux personnages de Sugar (2018) de Cheung, Hawkins et Yishan Li.

Cathy a donc pris l'initiative de proposer à son mari Dan de tenter l'aventure de l'échangisme pour briser une routine souffrant de l'étiolement de leur désir réciproque. Celui-ci n'étant pas très sûr de vouloir voir son épouse dans les bras d'un autre homme, elle a commencé par arranger un plan à trois avec une de ses amies. Il a accepté de tenter l'aventure et elle a pu éprouver le sentiment de compersion. Puis il se sont inscrits sur un site de rencontre spécialisé dans l'échangisme. Après avoir défini une dizaine de règles à respecter, ils ont passé une soirée avec Mary et Clint d'abord au bar, puis dans une chambre d'hôtel. Ils ont également passé une soirée dans un club échangiste. Lors d'une réunion de travail, Cathy s'est aperçu que Clint était parmi les clients dans la salle : ils se sont dit bonjour, mais après coup elle n'a pas osé le dire à Dan. Ce soir-là, ils rendent visite à Mary & Clint dans leur pavillon de banlieue. Ils ont apporté le champagne. Cathy a demandé à Clint de ne pas parler de leur rencontre dans un contexte professionnel. Mary et Dan indiquent que leurs invités peuvent rester car ils ont une chambre d'ami, mais ils ne peuvent pas car ils ont promis à la mère de Cathy qui garde les enfants, de rentrer tôt.

Les deux couples passent au salon, et prennent chacun une flute de champagne. Mary tire les rideaux pour assurer le niveau de discrétion requis. Elle revient vers le canapé et entreprend Dan séance tenante après lui avoir demandé son avis. L'homme est charmé par cette proposition si rapide. Dan suggère à Cathy de passer dans la chambre à coucher pour laisser les deux amants aller à leur rythme. Il explique que son épouse et lui ont bu un Molly avant leur arrivée : un mélange d'herbe, de caféine et de vin rouge. Cela accentue l'impression de fondu-enchaîné entre les mouvements et les sensations. Ils n'utilisent que des microdoses et le font depuis des années. Puis Clint se met à s'occuper de sa partenaire, en commençant par un cunnilingus. Une fois que chacun a trouvé son plaisir, Clint et Cathy repassent au salon, et avant de partir il lui dit à bientôt lors d'une réunion professionnelle, ce qui fait immédiatement tiquer Dan. Une fois dans leur voiture, ce dernier demande des explications à son épouse, et il en déduit que ça cache quelque chose, alors qu'elle estime qu'il se montre paranoïaque, comme avec ses stupides règles.

Le lecteur est prêt à poursuivre son initiation au monde de l'échangisme, ou peut-être à comparer son propre cheminement et ses propres expériences avec celles de Cathy & Dan. En termes d'intrigue, l'affaire est entendue avant même de commencer la lecture : le couple va continuer son exploration de cette occupation commune, tout en alternant les phases d'entrain, et celles de doute. D'un autre côté, l'intérêt de cette série ne réside pas dans son intrigue, mais plus dans la mise en scène des pratiques échangistes ou plutôt des démarches pour pouvoir pratiquer ce passe-temps. le lecteur retrouve avec plaisir ce couple san histoire, presque lisse. Dan reste un peu timoré à l'idée que sa femme puisse éprouver un tel plaisir avec un autre homme que cela l'incite à le quitter, tout en appréciant franchement le plaisir d'avoir d'autres partenaires. Dans ce tome, il s'enhardit un peu et doit faire face à son cadeau d'anniversaire préparé par son épouse, et au fait de lui rendre la pareille pour les plans à trois. de son côté, elle doit assumer les conséquences de sa petite cachoterie, et se demander si elle souhaite aller plus loin. le scénariste continue de se montrer assez facétieux avec la situation de la mère de Cathy qui garde les enfants Ashley et Blake, tout en ignorant tout de l'activité de sa fille et de son mari pendant ce temps-là.

Le scénariste tient ses promesses. Il continue d'emmener ses personnages plus loin dans l'exploration de ce mode de vie : soirée chez des amis, convention spéciale de groupe dans une partie privatisée d'un hôtel, orgie à Santa Monica, plan à trois avec un petit jeune. Comme dans les tomes précédents, l'enjeu ne se trouve pas dans la représentation de la performance sexuelle. le lecteur retrouve la même artiste que pour le tome 2, avec les mêmes caractéristiques pour ses dessins. Elle les réalise à l'infographie, avec une approche très similaire à celle traditionnelle : des silhouettes et des décors détourés par un trait de contour, une mise en couleurs avec des dégradés pour apporter des ombres portées et rehausser le relief de chaque élément, le plus souvent un découpage de page en cases rectangulaires, avec parfois un léger effet de recouvrement. Par rapport au tome précédent, le lecteur observe que le jeunisme des personnages s'est un peu accentué, avec des visages parfaitement lisses, sauf pour celui de la mère de Cathy, marqué de deux ou trois petites rides, et les cernes sous les yeux du père de Dan. Il remarque aussi que la taille de la poitrine de Cathy semble changer d'une scène dénudée à l'autre, en particulier augmenter lors de la soirée chez Mary & Clint.

La dessinatrice montre donc des individus avenants sans être musculeux pour les hommes ou avec des mensurations peu probables pour les femmes. Les tenues vestimentaires sont adaptées à chaque scène de la vie quotidienne, et les dessous chics semblent avoir été piqués dans un magazine spécialisé, sans beaucoup de réalisme. À regarder les personnages évoluer, le lecteur éprouve la sensation que Dan est un individu falot, pas très compliqué, mais avec un caractère peu affirmé, et des réactions manquant parfois de maturité. Par comparaison, Cathy semble un peu plus adulte dans les expressions de son visage, plus décidée, et parfois avec un vrai regard coquin. le lecteur se retrouve un peu choqué en découvrant la nouvelle copine du père de Dan : elle ne semble pas être majeure. Comme dans le tome précédent, Li s'investit dans la représentation des décors tout en sachant diminuer leur représentation dans les moments où ils viendraient encombrer la case. le lecteur peut ainsi promener son regard dans l'entrée et le salon du pavillon de Mary & Clint, dans le grand salon de Cathy & Dan avec le canapé sur lequel elle se retrouve à passer une nuit après une dispute, sur le château au Walt Disney World Resort à Orlando en Floride (avec feu d'artifice nocturne), dans le salon privatisé de l'hôtel, sur la plage, et dans le jeu en ligne Moonstone Gate.

Lors des parties de jambe en l'air, la dessinatrice trouve le bon dosage entre éviter l'hypocrisie qui serait de cacher tous les attributs sexuels, et le glissement vers la pornographie. Les partenaires, tous consentants faut-il le rappeler, sont représentés nus de face et de dos, sans montrer leur sexe, à l'exception d'un petit centimètre dépassant de la bouche d'une partenaire. le genre du récit n'est pas de nature pornographique, et il ne s'agit pas de représenter des exploits physiques d'un niveau olympique. Pour autant, le lecteur éprouve la sensation que l'artiste a tendance à faire surjouer ses acteurs en leur faisant prendre des poses chargées de romantisme, de regards trop langoureux, des expressions de plaisir peu naturelles. Cela donne parfois une sensibilité de comédie de situation trop attachée à respecter les spécifications de la production, l'éloignant ainsi de sa fonction de découverte vulgarisatrice de pratiques adultes. Dans la postface, Matt Hawkins revient sur certains choix, tel que la présence 'un personnage de l'histoire Sugar, ou la séance de jeu vidéo avec des personnages de Bloodstain et Sunstone. Il rappelle également les 10 règles que Cathy et Dan s'étaient fixées, et les idées reçues, souvent fausses, sur les échangistes. Il élargit un peu le propos du récit en distinguant le principe du tort (ou de non-nuisance, Harm Principle de John Stuart Mill) de celui de l'offense qui lui renvoie à une règle morale ou légale. Il s'agit de savoir ou s'arrête la liberté de l'un et de l'autre, et définir des règles. La jeunesse de la nouvelle compagne du père de Dan génère une réaction sur d'éventuelles limites de liberté sexuelle entre adultes consentants.

Le lecteur est revenu pour accompagner Cathy et Dan plus loin dans l'exploration de leur passe-temps qui sort un peu de l'ordinaire. Il retrouve ces deux charmantes personnes ayant à coeur de pouvoir progresser ensemble dans une activité commune, sans mettre en danger leur relation de couple, leur vie de famille, tout en gérant leur vie professionnelle. Yishan Li réalise une narration visuelle des plus simples à lire, fluide et agréable, trouvant le bon dosage entre ce qu'elle montre et ce qu'elle ne représente pas, avec une petite tendance à représenter ses personnages un peu trop jeunes, et un peu trop dans des postures évoquant des séances posées dans des magazines chic. Sous réserve de ne pas rechercher un reportage réaliste, il est toujours aussi plaisant de regarder les pratiques échangistes consentantes, sous l'angle du couple.