Ils sont les trois fleurs qui trônent dans un vase ébréché. Ils sont Karel, Hendricka et Mohand, innocences écrasées par leurs parents, âmes brisées sous les coups d'une enfance ignoble.
Fresque générationnelle et récit urbain, la quatrième oeuvre d'
Emmanuelle Bayamack-Tam sous le pseudonyme de
Rebecca Lighieri est un roman difficile mais nécessaire sur le déterminisme social et familial, un texte lourd de désenchantement qui peint les horreurs ordinaires qui tracent des destins.
Sur une période de vingt-cinq ans, l'auteure décrit les affres de la maltraitance, les velléités vitales d'évasion et les échappatoires nécessaires à ces enfances martyrisées par un père violent, alcoolique et drogué, et par une mère emmurée dans son silence et sa sollicitude sordide. Nés dans la cité Artaud à Marseille, banlieue abandonnée et fourmilière cosmopolite, les trois enfants écrivent leur destinée au rythme des chants gitans, des castings et des jeux sur la colline. Ils découvrent
Michael Jackson et voient s'éteindre Freddie Mercury, ils assistent médusés à l'explosion de Marseille sur une tête de Boli, ils découvrent l'amour et le sexe, la gloire et la maladie.
Rebecca Lighieri a le talent rare des écrivains qui savent raconter la jeunesse et la fureur de vivre, tout en s'inscrivant dans une tradition sociale malheureusement très ancrée dans la réalité. Elle fait revivre les tourments ordinaires de l'adolescence, les premiers émois qui font taire les cris du foyer.
Les mots sont durs, parfois violents. La description des souffrances endurées dans le cercle familial est d'une cruauté rare, les violences sont d'une ignominie telle qu'elles en deviennent insoutenables, et pourtant, il se dégage de ce roman une certaine incandescence. La flamme de la vie qui veut triompher et du coeur qui veut coûte que coûte s'en sortir, est là, elle irradie. Elle brille comme un feu-follet qui semble ne jamais s'éteindre.