"Je vais mourir" : c'est la phrase la plus banale du monde, celle que n'importe qui est en situation de prononcer à n'importe quel moment, et elle revêt immanquablement un caractère dramatique. Son imprécision temporelle sous-entend mystérieusement une immédiateté fatale.
La dernière phrase de la lettre posthume de mon père est : "J'espère seulement que j'aurai le sentiment, le moment venu, de ne t'avoir causé aucun tort grave, ce qui me donnera le droit de te demander, en t'embrassant, de m'oublier"
"Il y a longtemps que tu m'aimes, jamais tu ne m'oublieras" : il suffit d'inverser la phrase pour mieux saisir son potentiel agressif. J'ai oublié mille moments avec lui mais il y en a mille autres dont je me souviens, et lui, évidemment que jamais je ne l'oublierai, lui qui m'a même appris la mort, le deuil irrémédiable, qui me l'a enseigné sans le vouloir. Je ne vais pas lui être aussi reconnaissant de ça quand même. Il m'apprenait la vie, rien ne pressait pour la mort.
Je sais que je suis encore jeune mais j'ai la nostalgie de la jeunesse. Je la vois comme une chance, une occasion unique. Je ne dois pas me rater.
Les livres me protègent. Je peux toujours m'y recroqueviller, bien à l'abri, comme s'ils instauraient un autre univers, entièrement coupé du monde réel. J'ai le sentiment paradoxal que rien ne m'y atteint alors qu'ils me bouleversent d'un façon maladive, victime d'une sensibilité excessive à l'écriture, tels ces êtres contraints de se laisser pousser les ongles pour ne pas, par distraction, toucher je ne sais quoi du doigt alors que leurs doigts sont trop fragiles pour supporter le moindre contact. Je devrais de même lire avec les ongles mais je suis trop heureux d'être sans cesse ébranlé.
Les livres me protègent. Je peux toujours m’y recroqueviller bien à l’abri, comme s’ils instauraient un autre univers, entièrement coupé du monde réel.
J'ai lu trop de livres durant mon adolescence infernale, j'ai vu trop de film et écouté trop de chansons pour ne pas voir mon idée de l'amour.
Parfois, pendant le trip, j'ai une compassion extraordinaire pour mon père que j'aime, dont je pense que l'acide multiplierait l'intelligence et le bonheur, et dont je sais que, de sa propre volonté, au grand jamais même il n'imaginera en avaler un.
Il faut prendre les choses avec philosophie. La philosophie est aussi une pratique très amicale.
Je suis tellement bridé de partout, que la passion est la seule arme qui me reste.