Il y avait bon nombre de choses que l’homme ne pourrait jamais expliquer et, par chance ou malchance suivant le côté où l’on se place, la région regorgeait de ces faits indéniables prouvant une activité sortant de l’ordinaire.
Quoique, à y réfléchir, une ampoule ne prévient pas avant de s’éteindre. La lumière s’arrête net, c’est tout.
Dans ce lieu ayant bercé son enfance sans jamais en avoir vu ne serait-ce qu’une image. En contemplant la beauté des environs, le charme des maisons en schiste, les forêts et les landes dans lesquelles il avait vécu tant d’aventures imaginaires, il se demandait ce qui avait pu pousser ses arrière-grands-parents à quitter un tel paradis. Jamais personne n’avait répondu à cette question. Quand il interrogeait son grand-père, celui-ci se renfrognait inévitablement et déclarait mystérieusement que ces choses étaient sans intérêt. Ce comportement avait toujours attisé la curiosité de Bryan.
Si ces choses étaient sans intérêt, pourquoi n’en parlait-on pas ?
Pourquoi les taisait-on comme s’il s’agissait d’un honteux secret ?
De plus, le procédé n’étant pas à la portée de toutes les familles à l’époque, jamais il n’avait trouvé une quelconque photographie de ses aïeux et était donc incapable de dire à quoi ils avaient pu ressembler.
C’était trop douloureux. Trop de remords et de regrets. Ils étaient venus ici pour se ressourcer. Prendre un nouveau départ. Lorsque Suzy avait émis l’idée de profiter des vacances afin de se dépayser quelque temps, Bryan avait immédiatement pensé au village de Munoz et aux légendes de son grand-père sur des lieux aux noms merveilleux, telle la chapelle Saint-Michel.
Je n’arrive pas à faire taire cette vilaine voix dans mon esprit. Elle me berce, m’enivre autant qu’elle m’effrayeMalgré moi, j’avance. Je traverse le vieux pont-levis branlant qui enjambe les douves depuis longtemps asséchées. Un liquide poisseux et rouge sang provenant des mâchicoulis tombe sur le sol. J’en détourne le regard et, contre mon gré, reprends ma progression. Je franchis les ruines éparses de la courtine et m’arrête au centre de la cour. Les meurtrières sont autant d’yeux malveillants me fixant. Ils me scrutent, moqueurs.
« Approche ! » reprend la voix. Le ton devient plus autoritaire, presque impatient. Mes pas me guident jusqu’à la Tour. Des escaliers y montent et d’autres en descendent. Je sais qu’il est en bas. Dans les ténèbres.