Une lecture éprouvante, un texte qui raconte l'incommensurable tristesse de la vieillesse.
Une ancienne actrice de théâtre vit à Lisbonne. Elle n'est pas seule et abandonnée, car une « femme d'un certain âge » vient s'occuper d'elle chaque jour et tout au long de son déclin, la faire manger, changer ses couches, etc.
Le roman place le lecteur dans les pensées des personnages. La septuagénaire démente, avec ses souvenirs, qui se mêlent, s'arrêtant tantôt sur la virgule d'une dictée de son institutrice du primaire, tantôt sur l'un de ses maris défunts ou de ses parents ou grands-parents. En parallèle, les mots du présent, les commentaires de la femme qui en prend soin ou du neveu qui administre ses biens, avec les cruelles interrogations sur le temps qui lui reste à vivre…
Tout n'est cependant pas morose, car loin de la réalité, la vieille dame sent son chat qui ronronne, elle se retrouve dans son village natal avec ses parents, elle n'est pas malheureuse.
C'est un long roman de 450 pages, long comme la lente agonie des personnes âgées atteintes de dégénérescence cognitive. Pas facile à lire, surtout si ça nous rappelle des gens de notre entourage dont l'esprit s'enfuit aussi.
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Celle qui est assise dans le noir à attendre, c'est bien évidemment la mort.
Je découvre par ce livre cet auteur portugais contemporain de renom qu'est Lobo Antunes.
Si ma lecture a été lente, même très lente, c'est surtout dû au sujet de la décrépitude irréversible qui atteint cette vieille actrice, que la grande faucheuse attend. Ce n'est clairement pas un "page turner".
Mais l'auteur y met tellement de poésie, à nous conter tous ses souvenirs, que le livre en est extrêmement touchant et émouvant. Bien sûr ces souvenirs s'entremêlent, ce qui peut rendre la lecture ardue. Néanmoins, j'ai lu ce texte comme une longue mélopée, comme un immense chant de pleureuses venues nous narrer la fin de quelqu'un qui a été aimé ou peut-être pas tout à fait, mais qui a vécu. Il n'y a pas de signes de ponctuation, ce qui renforce cette atmosphère de veillée funèbre où l'on réciterait à l'antique les exploits de celle qui va nous quitter. Sauf que celle qui raconte, c'est l'actrice, jusque dans l'intime, mais avec beaucoup de pudeur.
Le style est grandiose.
J'ai beaucoup aimé. Un grand écrivain, assurément.
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Je suis assez partagée sur ma lecture. D'un côté, l'écriture est étonnamment poétique. Quelle délicatesse !! Les mots chantent, se mêlent et s'entremêlent dans une folie captivante. Mais il est aussi là le problème. Les mots forment un amas sans queue ni tête qui gênent la lecture.
L'auteur a voulu reconstruire les pensées décousues d'une vieille dame sénile. Il y mele dans la même phrase deux périodes : le passé et le present. Parfois on s'y retrouve et souvent on s'y perd. J'en ai eu le vertige. Impossible de me concentrer et de rentrer entièrement dans le récit... Peut-être devrais-je pousser un peu plus loin dans la bibliographie de l'auteur ?? En attendant, je terminé difficilement ma lecture malgré une écriture qui ne me laisse pas indifférente.
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Comment exprimer le foisonnement ressenti, les sensations qui se bousculent, les sentiments qui s'entrechoquent ?
À l'instar de l'héroïne, chez le lecteur aussi, le rêve et la réalité, le concret et le psychique, le physique et l'intellect, se mêlent, s'entremêlent, s'emmêlent, folle sarabande aux ancrages rompus, maelström tour à tour calme plat, geyser chaud, remous glacé.
Une vieille dame en fin de vie, ancienne actrice sans grand renom, atteinte de sénilité, est soignée chez elle par "la dame d'un certain âge", entourée du "médecin et du neveu de son (mon) mari".
Elle réalise peu à peu que, si son esprit est toujours actif, en effet elle comprend parfaitement quand ils parlent d'elle, elle ne peut plus s'exprimer, les mots se bloquant à leur sortie. Et sa maladie lui refusant le présent proche, son esprit se réfugie dans le passé.
Un mot, une idée, une sensation, un fait quelconque, la renvoient telle une balle, du passé au présent, du présent au passé : enfance souvent, carrière, mariages, état actuel, développent un grandiose kaléidoscope de fragilités, d'affections, de souffrances, d'amours, de drames, de bonheurs, …
Au début, en dehors d'elle, les seuls êtres appartenant aux deux mondes sont le "lévrier échappé du motif du tablier", et le "moteur du chat" qui se frotte à ses jambes, bêtes qui la distraient tout en la rattachant un peu au monde extérieur; à la fin, les défunts du passé lui rendent visite, mais seule, elle, les voit et les accueille.
Ce déchirement chaotique de l'âme humaine est constamment soutenu et renforcé par un style qui déploie, en simultané, une infinité d'histoires, magnifiquement tressées entre elles par des fils sans fin, et au milieu desquelles surgissent l'humour noir ou cocasse, la fantaisie sans frein, la souffrance profonde, la gaîté légère, basculant sans cesse et sans préavis aucun, d'un personnage à l'autre, d'une époque à une autre, d'un narrateur à un autre … liberté débridée, que, seule, une virtuosité affirmée permet.
Quelques virgules, pas de points, ou très peu; burlesque et tragique ainsi accentués en émergent alors, parfois savoureux, parfois … un rien longuets.
Au fur et à mesure de la lecture, d'ambigu, le titre se charge d'une double portée, d'une double attente : Celle qui, assise, attend dans le noir, est certes la grande faucheuse qui a choisi sa future proie; mais, tout autant, la seconde qui attend la première, son bourreau et sa délivrance.
Hélas, personne encore ne peut répondre à cette question primordiale qui revient en boucle : qu'en est-il de la souffrance de ces patients atteints de ces maladies ? À quel degré, à quel niveau, la perçoivent-ils ?
Les souvenirs immédiats leur faisant défaut, le passé reste leur seule mémoire accessible; cette fuite arrière, aux forts accents d'échappatoire volontaire, leur permet surtout, avec ces faibles armes encore à leur disposition, de juguler, un tant-si-peu, un présent froid, morne, fade et si terriblement vide; d'essayer enfin de retrouver chaleur, existence.
Pour se re-sentir humain, un être qui a encore sa place dans ce monde.
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Elle se meurt dona Cidalia . Dans la tête de la vieille actrice ,les fragments de sa vie éclatée ,les fantômes falots de son passé , les personnages réels ou fantasmés de son présent se heurtent en un tourbillon peu à peu ralenti . Et le miracle de la littérature fait de ce naufrage un éblouissant kaleidoscope d'images poétiques , de souvenirs doux ou amers ,de récits de vie patiemment thésaurisés au fil des ans . La phrase serpentine et hypnotique de Lobo Antunes crée une véritable dépendance qui nous aide à oublier « celle qui est assise dans le noir à [nous] attendre ». de la très grande littérature par l'un des auteurs majeurs de notre époque..
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Un roman surprenant, fait de flash backs incessants dans l'histoire de la fin de vie d'une vieille femme qui vit à Lisbonne recluse dans son appartement avec son chat et une dame qui s'occupe d'elle.....Triste, poignant et très touchant ou la mort n'est pas encore tout à fait la mort mais toute vie sociale a disparu.
Histoire des amours des parents, de son métier d'actrice de figurante au théatre,sa vie gâchée, le Portugal qu'elle adore mais elle ne peut plus parler et tout se passe dans sa tête: j'avoue que je l'ai trouvé laborieux à lire mais intéressant.
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