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Citations sur Jeu de société (30)

Avez-vous remarqué que dans notre monde moderne les bonnes nouvelles arrivent par le téléphone et les mauvaises par la poste ?
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"Je veux voir ce que tu fais, dit Vic. Je ne demande qu'à apprendre. J'ai lu tous les livres dont tu as parlé, Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent."
Robyn ne put s'empêcher de mordre à l'hameçon.
"Et qu'en as-tu pensé ?
_ Jane Eyre, ça allait, même si ça traîne un peu en longueur. Avec Les Hauts de Hurlevent, j'étais toujours perdu, je ne savais jamais qui était qui.
_ C'est voulu, bien sûr, dit Robyn.
_ Ah bon ?
_ Les mêmes noms réapparaissent constamment en permutations diverses et sur plusieurs générations...
C'est incroyablement confus, surtout avec tous ces changements de temps.... C'est pour ça que Les Hauts de Hurlevent est un roman aussi remarquable pour l'époque.
_ Je ne vois pas ce que tu veux dire. Il y aurait beaucoup plus de gens à l'apprécier s'il était plus simple.
_ La difficulté engendre le sens. Ca oblige le lecteur à travailler plus dur.
_ Mais la lecture, c'est tout sauf le travail, dit Vic. C'est ce qu'on fait quand on rentre chez soi, pour se détendre.
_ Ici, dit Robyn, la lecture est un travail. La lecture est une production. Et ce que nous produisons, c'est du sens."
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(Extrait de l'introduction par l'auteur lui-même.)

Je fus consterné de constater la nature répétitive et abrutissante d'une grande partie du travail en usine... mais je dus reconnaître aussi que de nombreux cadres et ouvriers spécialisés faisaient preuve d'une application admirable pour parvenir à l'excellence. Par ailleurs, toute cette expérience consistant à fréquenter des gens constamment préoccupés par la rentabilité me fit comprendre une vérité que les universitaires et les intellectuels du monde littéraire tendent à ignorer, à savoir que la grande culture dépend en fin de compte de la richesse créée par le commerce.
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"_ Mais tout ce bruit ! répéta-t-elle. Toute cette crasse !
_ Les fonderies, c'est toujours crasseux. Le métal est un matériau bruyant à travailler. Vous vous attendiez à quoi ?"
A quoi s'attendait-elle, en effet ? Certainement pas à retrouver les moulins sataniques des débuts de la révolution industrielle. L'image que Robyn se faisait de l'usine moderne lui venait surtout des publicités et des documentaires à la télévision : quelques plans bien faits sur des machines de couleurs vives et des chaînes de montage qui avançaient lentement, conduites par des ouvriers énergiques en salopettes impeccables, fabriquant en série des automobiles et des transistors avec du Mozart comme fond musical. Chez Pringle, il n'y avait pratiquement aucune couleur, pas une seule salopette propre, et, à la place de Mozart, une cacophonie démoniaque et assourdissante qui n'arrêtait jamais...
On avait l'impression que l'établissement était moins fait pour produire des marchandises destinées au monde extérieur que pour fabriquer de la misère pour ceux qui y vivaient. Ce que Wilcox avait appelé l'atelier des machines ressemblait à une prison, et la fonderie était l'image même de l'enfer.
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Laissons Vic Wilcox pour le moment, et revenons une heure ou deux en arrière, à quelques kilomètres de là, et faisons connaissance d'un autre personnage. Un personnage qui ne croit pas lui-même au concept de personnage, ce qui ne me facilite pas les choses. En d'autres termes (une de ses expressions favorites), Robyn Penrose, maître de conférences associé en littérature anglaise à l'Université de Rummidge, considère que le "personnage" est un mythe bourgeois, une illusion créée à seule fin de renforcer l'idéologie capitaliste. Pour preuve de cette assertion, elle vous démontrera que l'essor du roman (le genre littéraire par excellence où le "personnage" est roi) au XVIIIème siècle avait coïncidé avec la montée du capitalisme, que le triomphe du roman contre tous les autres genres littéraires au XIXème siècle avait correspondu au triomphe du capitalisme ; et que le déconstructionnisme moderniste et postmoderniste du roman classique au XXème siècle correspondait à la crise qui sera fatale au capitalisme...
Le romancier est un capitaliste de l'imaginaire. Il, ou elle, invente un produit dont les consommateurs ne s'imaginaient pas avoir besoin avant qu'on ne leur propose; il le fabrique avec l'appui financier que lui apportent des bailleurs de capitaux à risque, nommés éditeurs... Le premier grand romancier anglais, Daniel Defoe était commerçant. Le second, Samuel Richardson était imprimeur. Le roman est le premier artefact culturel fabriqué en grande quantité. (A ce point de son discours, Robyn, les coudes serrés contre elle, écartait ses poignets et déployait ses mains, comme s'il était superflu d'en dire davantage. Mais, bien sûr, elle aurait encore tout un tas de choses à dire.)
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....., nous avons grandi à une époque où l'Etat jouait le jeu : écoles publiques, universités publiques, arts subventionnés par l'argent public, protection sociale et médecine financées par l'Etat -- voilà les choses auxquelles croyaient les esprits les plus progressistes, les plus dynamiques. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. La gauche fait semblant d'y croire encore mais n'arrive à convaincre personne, encore moins à se convaincre elle-même.
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Le trajet par la M62 qui suivait le relief aride des Pennines encore couvertes de neige, fut spectaculaire.
"Oh, regardez, c'est la route de Haworth ! s'exclama Robyn en lisant un panneau de signalisation. Les Brontë !
_ Qui c'est ça ? demanda Wilcox.
_ Des romancières. Charlotte et Emily Brontë. Vous n'avez jamais lu Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent ?
_ j'en ai entendu parler, dit Wilcox d'un air circonspect. Ce sont des romans féminins, non ?
_ Ils parlent de femmes, dit Robyn. Mais ce ne sont pas des romans féminins au sens étroit du terme. Ce sont des classiques - deux des plus grands romans du XIXème siècle, en fait."
Il devait y avoir à travers l'Angleterre, se dit-elle, des millions de gens intelligents sachant lire et écrire, comme Victor Wilcox, qui n'avaient jamais lu Jane Eyre ou Les Hauts de Hurlevent, même si, pour elle, il était difficile d'imaginer un tel état d'inculture. Qu'est-ce que ça pouvait changer de n'avoir jamais tremblé avec Jane Eyre à l'école de Lowood, ou jamais vibré avec Cathy dans les bras de Heathcliff ? Mais Robyn comprit soudain que sa réflexion était d'un humanisme douteux et que le mot même de classique était un instrument de l'hégémonie bourgeoise.
"Bien sûr, poursuivit-elle, la plupart des gens lisent ces romans comme si c'étaient des romans à l'eau de rose, surtout Jane Eyre. Il faut déconstruire le texte pour faire apparaître les contradictions politiques et psychologiques qui y sont inscrites.
_ Hein ? dit Wilcox.
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Un matin, il n'y a pas longtemps, il a vu passer un renard devant cette fenêtre. Vic a tapé sur la vitre. Le renard s'est arrêté, a tourné la tête et l'a regardé quelques instants, comme pour dire : Quoi ? puis il a poursuivi son chemin sans se presser, en remuant la queue paresseusement derrière lui. Vic a l'impression que les animaux sauvages commencent à s'urbaniser en Angleterre : ils quittent la campagne pour s'établir en ville où la vie est plus facile - pas de pièges, pas de pesticides ni de chasseurs ou d'amateurs de gibier, mais en revanche, des quantités de poubelles bien garnies et des ménagères au coeur tendre comme Marjorie qui jettent leurs déchets dans le jardin, ouvrant ainsi des soupes populaires pour animaux sauvages. La nature rejoint la race humaine et s'en remet à la charité publique.
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"_ J'imagine qu'il va lui prescrire la pilule, dit Marjorie en se préparant un thé.
_ Quoi ?
_ Pour régulariser ses règles. J'imagine que le Dr Roberts va prescrire la pilule à Sandra."
Vic pousse un nouveau grognement mais cette fois le ton est ambigu et mal assuré. Il a le sentiment que ses femmes mijotent quelque chose. Et si c'était plutôt pour se faire prescrire un contraceptif qu'elle allait voir le Dr Roberts ? Avec la bénédiction de Marjorie ? Il n'est pas d'accord en ce qui le concerne. Sandra ferait-elle déjà l'amour ? A dix-sept ans ? Et avec qui ? Pas avec ce garçon tout boutonneux qui s'habille avec les surplus de l'armée - comment s'appelle-t-il déjà, Cliff - pas lui, bon Dieu. Ni lui, ni personne. Et aussitôt il se représente sa fille en train de faire l'amour, ses genoux blancs écartés, une forme sombre au-dessus d'elle ; il enrage et est écoeuré.
Il se rend compte soudain que les yeux bleus et vitreux de Marjorie le scrutent avec curiosité par-dessus sa tasse et semblent solliciter une reprise de la discussion à propos de Sandra, mais il n'en a pas envie ce matin, surtout avec la longue journée de travail qui l'attend. Ni ce matin ni jamais, pour être franc. Toute discussion sur la vie sexuelle de Sandra pourrait bien déboucher sur un autre sujet, celui de leur vie sexuelle à tous les deux, ou plutôt de l'absence de vie sexuelle entre eux, et il préfère ne pas s'aventurer sur ce terrain. Pas la peine de réveiller les chiens qui dorment.
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Toutes les maisons du quartier ont ce genre de système, et Vic doit reconnaître que c'est indispensable, vu les cambriolages chaque jour plus fréquents et plus audacieux, mais le système dont ils ont hérité des anciens propriétaires, avec ses déclencheurs magnétiques, ses détecteurs à infra-rouge, ses contacteurs et ses boutons d'alerte, est à son goût bien trop sophistiqué...
La misère des riches, avait dit Raymond, en ricanant, le jour que Vic se plaignait - Raymond, qui méprise l'aisance de ses parents mais continue malgré tout de profiter du confort et des avantages qu'elle procure : un gîte gratuit avec le chauffage central, l'eau chaude à volonté, la blanchisserie gratuite, le droit d'utiliser la voiture de maman, la télévision, le magnétoscope, la stéréo, et coetera et coetera. Vic sent monter sa pression artérielle lorsqu'il pense à son fils aîné qui, ayant laissé tomber l'université il y a quatre mois, n'a rien fait d'utile depuis ; à l'heure qu'il est, il est bien au chaud dans son duvet au premier étage, tout nu, avec seulement une boucle d'oreille en or, en train de cuver ce qu'il a bu hier soir. Excédé, Vic secoue la tête pour chasser de son esprit cette image insupportable.
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