Citations sur La piste des soleils et autres nouvelles (9)
Une grande lumière se fit et je vis clair, et je compris que ce n'était pas pour l'argent qu'un homme doit vivre mais pour un bonheur qu'aucun homme ne peut donner, ni acheter, ni vendre, et qui est au-delà de la valeur de tout l'or du monde.
Cette nuit-là, la dernière de février, je tue trois ptarmigans avec le revolver de la femme et cela nous redonne quelque force. Mais les chiens n’ont rien à manger : ils essayent de manger leurs harnais faits de cuir de walrus ; il me faut les éloigner à coups de bâton et suspendre les harnais à un arbre. Toute la nuit, ils hurlent et se battent au pied de l’arbre. Mais nous n’y faisons pas attention et dormons comme des morts, et le matin nous nous réveillons comme des morts dans leurs tombeaux et partons sur la piste.
L'été indien s'était attardé, puis tout à coup, avec une soudaineté d'éclat de trompette, l'hiver arriva. Il arriva en une seule nuit, et les mineurs se réveillèrent au vent qui hurlait, fouettant la neige et gelant l'eau. Il y avait tempête sur tempête, et, dans l'intervalle, c'était le silence que seul interrompait le grondement des flots sur la côte désolée où l'écume salée frangeait la plage de blancheur gelée.
Partout ce n’est que neige et silence, et dans le ciel il y a trois soleils et l’air brille de la poussière de diamants.
On avait donné à manger aux chiens, on avait lavé les assiettes du souper, fait les lits ; nous étions en train de jouir de l’heure la plus délicieuse qui arrive chaque jour, mais une fois seulement par jour, sur les pistes de l’Alaska ; l’heure où rien ne vient se mettre entre le corps fatigué et le lit, excepté la pipe du soir.
Quelques minutes après, Wolf se leva. La décision et la délibération se voyaient dans ses mouvements. Il ne regarda ni l'homme, ni la femme; ses yeux étaient fixés sur le sentier. Il avait décidé. Ils le comprenaient, et ils savaient, pour ce qui les concernait, que l'épreuve venait de commencer.
(...)
Wolf passa du trot à la course, les bonds qu'il fit devinrent plus espacés. Il ne détourna pas une seule fois la tête, portant en l'air sa queue de loup. Il coupa court le tournant du sentier et disparut.
Nous sommes tous des somnambules et nous marchons en rêve jusqu'à ce que nous tombions. (La piste des soleils, p. 36)
C'est chose facile que de voir ce qui saute aux yeux, de faire ce qui est prévu. La tendance de la vie individuelle est plutôt statique que dynamique.
C'est chose facile que de voir ce qui saute aux yeux, de faire ce qui est prévu. la tendance de la vie individuelle est plutôt statique que dynamique; cette tendance devient propulsion grâce à la civilisation où on ne voit que ce qui est évident, où l'imprévu arrive rarement. Lorsque l'inattendu arrive cependant et qu'il amène de graves conséquences, les faibles succombent. Ils ne discernent pas ce qui n'est pas facile à voir, ils ne peuvent pas agir contre l'inattendu, incapables qu'ils sont d'ajuster leurs vies bien réglées dans des ornières nouvelles et étranges. Bref lorsqu'ils arrivent au bout de leur ornière, ils meurent.