Radieuse Aurore

Radieuse Aurore ne désigne pas un matin somptueux du Klondike, mais un homme extraordinaire, une force de la nature, un leader né ainsi surnommé au pays des chercheurs d'or où débute le récit. Dans les premiers chapitres, il parcourt des centaines de miles en traineau à chien pour apporter et récupérer le courrier des chercheurs d'or après avoir parié qu'il ferait l'aller-retour en un temps record. A peine rentré, après des jours et des jours d'expédition, il passe la nuit à boire et à danser, puis au petit matin embarque avec d'autres pour chercher de l'or dans un autre territoire.

Une force la nature, prêt à toutes les audaces, amoureux de sa liberté !

Sa seule peur : les femmes qu'il fuit, craignant d'être retenu par des êtres dont il n'arrive à rien comprendre.

Mais Radieuse aurore est aussi un visionnaire et un chef d'entreprise. Face à un nouveau filon, il comprend que le vrai moyen de gagner de l'argent n'est pas de l'exploiter lui-même mais d'acheter les concessions à bas prix avant les autres pour les revendre au prix fort et de fournir aux chercheurs tout le nécessaire à leur travail et à leur vie dans le Grand nord.

Radieuse aurore est un homme du XIXe finissant et de la première partie du XXe : celui de l'industrie triomphante. le monde est à sa disposition pour en retirer la richesse, l'exploiter et le transformer. Mais il ne l'exploite pas de ses mains : il parie son argent sur ses intuitions, gagne le plus souvent, perd parfois à des jeux de plus en plus gros et spéculatifs.


Tandis que sa fortune augmente, Radieuse aurore perd sa truculence, son entrain, sa joie et sa générosité pour devenir un rapace. Une rencontre va le changer : une femme, un de ces êtres incompréhensibles qu'il ne sait pas comment aborder.

L'histoire devient alors celle du retour à la vie simple, à la sobriété heureuse, comme on dit de nos jours : un peu une parabole de notre société qui s'est enrichie au-delà du possible et qui se rend compte que cela ne suffit pas à une vie bonne.

Mais justement la construction est un peu trop didactique. le personnage de Radieuse est trop peu humain avec ses capacités physiques quasi surnaturelles et ses réussites faramineuses en affaires. Même sa conversion à la sobriété ne m'a pas paru tout à faire crédible.

« Radieuse Aurore est le plus désillusioné des romans de London. […] à ranger […] à la même altitude que Martin Eden » peut-on lire sur le 4ème de couverture.

Voilà de quoi attirer l'oeil de l'écrivain torturé que je suis – et de réveiller l'éternel adorateur de Martin Eden (dont le sommeil est plutôt léger).

Là où Martin Eden cumule 4.48 pour 7395 avis sur Babelio, Radieuse Aurore en fait 4.34 pour 181 avis. C'est un peu un roman de puriste, quoi. Parfait.

Radieuse Aurore, à l'image de l'écrivain, est un garçon affamé de vie. C'est une force de la nature bâtie par le Grand Nord et son sobriquet lui vient du Klondike, lorsqu'il tirait ses compagnons du lit dès l'aube pour leur scander à quel point l'aurore était belle.

Radieuse Aurore est un joueur au grand coeur. En tant que chercheur d'or, il n'hésite pas à miser tout ce qu'il possède sur une partie de poker, ni à braver l'Arctique et la mort pour remporter un défi qu'il s'est lui-même lancé.

Radieuse Aurore est aussi généreux et, comme ceux du Klondike, droit. Mais lorsqu'il finit par amasser une modeste fortune, attiré par le jeu ambitieux de la finance, il décide de rentrer au pays.

Ainsi s'achève la première partie du livre, découpée en deux dont la seconde suit.

À San Francisco, Radieuse Aurore se confronte aux financiers, prêts à devenir un ami pour plumer un rookie. Ici, les règles du jeu sont différentes et moins civilisées que dans les terres sauvages.

L'auteur de la préface ne s'y trompera pas en disant que le livre fait écho à Martin Eden : c'est la rencontre d'une femme qui amorce, chez les deux personnages, un grand changement. Eux deux sont des gens incultes cherchant à s'élever dans la société (même si, chez Radieuse Aurore, c'est par amour du jeu, quand Martin Eden le fait par amour d'une femme).

Toutefois, le livre m'a laissé une certaine déception : la fin me semble assez incroyable et j'ai eu du mal à me projeter dans la première partie du récit (et la seconde ne m'a pas plus fasciné pour autant).

Néanmoins, les thèmes chers au coeur de London y sont présents, et la résolution comporte une belle morale teintée d'espoir. Tout ces éléments faisant écho au grand homme que fut l'écrivain, je suis content d'avoir lu Radieuse Aurore, et le relirais peut-être.

Mais Radieuse Aurore, le plus désillusioné des romans de Jack London ? J'ai quand même des doutes.
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