Je n’ai pas assez pensé à toi, mais tu es là, contre mon cœur. Je suis obligée, je ne peux pas faire autrement, un jour, toi aussi, tu connaîtras l’heure des choix impossibles.
Voilà à quoi je ne me résigne pas, ne pas vivre.
Car le bonheur était obscène et, pour le bonheur, il avait incontestablement un don.
Il savait que le temps ne comptait pas, que des existences pouvaient basculer d’un jour à l’autre.
Elle se redressa. Elle n’avait plus peur de rien, elle se sentait forte, invincible et belle, comme au temps de sa splendeur.
En fait, tous ces détails n’avaient aucune importance. Voilà ce qu’elle aurait voulu lui murmurer si elle avait pu se pencher à son oreille, de toute façon, ils étaient en train de faire semblant, ce qu’ils aimaient par-dessus tout, c’était leur liberté, au fond, ils étaient dans le même camp, n’est-ce-pas ? Un doute l’effleura.
Mais pendant que je peins, je touche le silence.
C'était la première photo. Il y en aurait d'autres. De plus tendres. De plus insupportables. Un jour, on les verrait main dans la main ou bras dessus dessous, affichant un sourire obscène. Car le bonheur était obscène et, pour le bonheur, il avait incontestablement un don. Il savait être si présent, aspirant tous ceux qui l'approchaient dans un tourbillon d'énergie. Mais c'était pour mieux s'absenter, tel un mirage, toujours visible, toujours fuyant. Il finirait bien aussi par la fuir.
Hitchcock piqua du nez. La lèvre supérieure de l'actrice avait eu le même frémissement que le soir où elle avait surgi dans sa chambre d'hôtel, complètement ivre, vêtue seulement d'un peignoir grand ouvert, dont elle s'était débarrassée sans le regarder, comme s'il faisait partie des meubles. Il était resté sans bouger, avant de la rhabiller et de la raccompagner, mettant fin à une scène à la fois très pénible et très agréable qu'ils n'avaient jamais évoquée par la suite, même si désormais il n'avait eu de cesse de lui trouver un personnage très déshabillé.
S'il aimait faire des films, il détestait en voir. La faute à ces acteurs qui l'agaçaient prodigieusement, surtout ces faux culs de Hollywood, ces singes savants qui se croyaient irrésistibles avec leur sourire en toc.