Citations sur 404 (60)
On peut critiquer les réseaux sociaux et Dieu sait que je ne me prive pas de le faire, mais ils peuvent être utiles aussi, notamment pour révéler des choses qui passaient autrefois dans les bruits de couloir entre gens de bonne compagnie…
Jusqu’ici 404 n’intéressait que les enfants, maintenant les adultes s’y sont mis, migrant depuis leurs Facebook Live où ils se sentaient surveillés, épiés, policés, même quand leur nombre de vues par direct n’atteignait jamais deux chiffres.
404 n’augmente pas leur audience, du moins pas encore, mais elle délie les langues. Les consignes d’Allia sont aussi élémentaires que l’application elle-même : elle refuse que les modérateurs s’attardent sur la modération des propos, même les plus épouvantables.
On ne peut rien contre le tempérament, c’est têtu et dur comme le crâne d’une tête de mule.
Il ne faut pas être trop dur avec les morts. Il faut les aimer, penser à eux, souvent. Si on ne leur donne pas la place exorbitante qu’ils exigent, ils la prennent tout entière, et on finit par devenir un fantôme entouré de fantômes.
Les insomnies sont plus pénibles à la campagne, du moins pour lui. En dépit de ce que croyait Allia tout à l’heure, il est absolument un rat des villes et le silence qui enserre le presbytère comme une gangue lui est insupportable. Il a besoin, pour s’endormir, d’entendre des voitures qui démarrent en trombe, des ivrognes qui cassent des bouteilles, des sirènes, des cris.
Ma stratégie, c’est d’arrêter d’être polie, décente, bien élevée, autant de choses inventées par les Français pour nous empêcher de prendre la parole et de dire ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre, et surtout nous, les femmes racisées.
Les adultes ne s’intéressent pas encore à 404, ce qui explique son succès relatif auprès des collégiens, d’ailleurs : aucun gamin ne veut appartenir au même club que sa mère. Puisque rien ne peut être enregistré sur l’application, et que de toute façon les adultes regardent ailleurs, ça leur procure l’ivresse d’une liberté qui leur est propre, le sentiment qu’ils peuvent faire les quatre cent quatre coups, comme dit mon père.
C’est dingue, l’incompétence de ces gens, parfois, comment il peut vouloir m’interviewer sur 404 sans avoir passé dix minutes sur Google pour comprendre ce que c’est qu’une application de live streaming ! Enfin, incompétence, je ne parle pas de toi, hein, chou, mais tu m’as comprise.
Cette forme de boxe sans gants est interdite par la loi, mais la loi ne peut pas grand-chose si aucune trace ne demeure d’un crime, et qu’on ne peut s’appuyer pour déclencher une procédure que sur le témoignage d’utilisateurs choqués par la violence graphique d’un nez sanglant ou d’une mâchoire en morceaux. Car c’est le principe même de 404 d’empêcher tout enregistrement des images, toute conservation des archives.
Il n’y a pas un mur où ne soit suspendu un tapis ou un tableau bordé de draps. On trouve une seule photo de La Mecque dans la maison, dans l’entrée, cachée par le rideau d’une porte vitrée toujours ouverte. En revanche, un drapeau amazigh trône, bien en vue, au-dessus de l’ordinateur fixe logé sous l’escalier.
— Mon père est un berbériste convaincu, se justifie Allia. Ce qui énervait prodigieusement ma mère.
— Elle n’était pas kabyle ?
— Si, si, mais algérienne avant tout. Je te laisse deviner les discussions quand j’étais gamine…