Quand je lui ai annoncé mon homosexualité, elle m’a répondu, inquiète, J’espère au moins qu’au lit tu ne fais pas la femme !
Elle a acheté des romans d’amour dans les supermarchés. Elle ne voulait plus regarder la télé, elle qui l’avait regardée tous les jours pendant mon enfance. « La télé c’est vraiment con. »
Quand j’étais enfant, nous avions honte ensemble - de notre maison, de notre pauvreté. Maintenant j’avais honte de toi, contre toi.
Nos hontes se sont séparées.
On m'a dit que la littérature ne devait jamais tenter d'expliquer, seulement illustrer la réalité, et j'écris pour expliquer et comprendre sa vie. On m'a dit que la littérature ne devait jamais se répéter et je ne veux écrire que la même histoire, encore et encore, y revenir jusqu'à ce qu'elle laisse apercevoir des fragments de sa vérité, y creuser un trou après l'autre jusqu'au moment où ce qui se cache derrière commencera à suinter.
On m'a dit que la littérature ne devait jamais ressembler à un étalage de sentiments et je n'écris que pour faire jaillir des sentiments que le corps ne sait pas exprimer. On m'a dit que la littérature ne devait jamais ressembler à un manifeste politique et déjà j'aiguise chacune de mes phrases comme on aiguiserait la lame d'un couteau.
La pauvreté s'impose toujours avec un manuel de conduite, que personne n'a besoin d'édicter pour le connaître : personne ne me l'avait dit, mais je savais qu'il ne fallait pas raconter aux autres dans le village ces excursions à l'association d'aide alimentaire.
pour elle, comme pour moi des années plus tard, le récit de sa propre vie était le meilleur remède qu'elle avait trouvé pour supporter le poids de son existence.
De la même manière que Monique Wittig affirme que les lesbiennes ne sont pas des femmes, qu’elles échappent à cette identité contrainte, la personne que je suis n’a jamais été un homme, et c’est ce trouble du réel qui me rapproche le plus d’elle [ma mère]. C’est peut-être ici, dans ce non-lieu de mon être, que je peux tenter de comprendre qui elle est et ce qu’elle a vécu.
Quand tu amorçais une phrase par Si j'aurais, je te corrigeais. Si j'avais, les si ne vont pas avec les ré !
Quand j'étais enfant, nous avions honte ensemble - de notre maison, de notre pauvreté. Maintenant j'avais honte de toi, contre toi.
Nos hontes s'étaient séparées.
J’avais tellement l’habitude de la voir malheureuse à la maison, le bonheur sur son visage m’apparaissait comme un scandale, une duperie, un mensonge qu’il fallait démasquer le plus vite possible.