Comme la plupart des personnes qui souffrent il voulait faire souffrir les autres avec lui.
Les premières pages de cette histoire auraient pu s'appeler: lutte d'un fils pour ne pas devenir fils.
Une hypothèse : ce que je crois, c'est que s'il n'y avait pas eu notre rapprochement ces dernières années, ce rapprochement qui a commencé par notre éloignement, je ne me serais pas souvenu de cette histoire. C'est parce que notre relation a changé que je peux maintenant voir notre passé avec de la bienveillance, ou plutôt, faire renaître les fragments de tendresse dans le chaos du passé.
C'est parce que notre relation a changé que je peux maintenant voir notre passé avec de la bienveillance, ou plutôt, faire renaître les fragments de tendresse dans le chaos du passé. (p.89)
J'avais tellement l'habitude de la voir malheureuse à la maison, le bonheur sur son visage m'apparaissait comme un scandale, une duperie, un mensonge qu'il fallait démasquer le plus vite possible.
Je lui disais qu’elle ne devait pas penser qu’à elle, que même s’il était son fils, il était un homme et qu’elle ne pouvait pas laisser un homme de plus lui gâcher la vie. Je venais de le comprendre, un fils face a sa mère, même s'il est un fils, reste un homme face à une femme.
Pourquoi est-ce que j'étais né avec ces manières de filles, ces manières que les autres identifiaient, et ils avaient raison, comme la preuve de mon anormalité ? Pourquoi est-ce que j'étais né avec ce désir pour les autres garçons et pas pour les filles comme mon père et mes frères ? Pourquoi est-ce que je n'étais pas quelqu'un d'autre ?
Tout a commencé par une photo. Je ne savais pas que cette image existait et que je la possédais -- qui me l'a donnée, et quand ?
La photo était prise par elle l'année de ses vingt ans. J'imagine qu'elle avait dû tenir l'appareil à l'envers pour saisir son propre visage dans l'objectif. C'était une époque où les téléphones portables n'existaient pas et où se photographier soi-même n'était pas une chose évidente.
Elle penchait la tête sur le côté et elle souriait légèrement, ses cheveux peignés et plaqués sur son front, impeccables, ses cheveux blonds autour de ses yeux verts.
C'était comme si elle cherchait à séduire.
Je ne trouve pas les mots pour l'expliquer mais tout dans sa pose, dans son regard, dans le mouvement de ses cheveux, évoque la liberté sur ce cliché, l'infinité des possible devant soi, et peut-être, aussi, le bonheur.
J'avais oublié, je crois, qu'elle avait été libre avant ma naissance -- heureuse ?
On m'a dit que la littérature ne devait jamais tenter d'expliquer, seulement d'illustrer la réalité, et j'écris pour expliquer et comprendre sa vie.
On m'a dit que la littérature ne devait jamais se répéter et je ne veux écrire que la même histoire, encore et encore, y revenir jusqu'à ce qu'elle laisse apercevoir des fragments de sa vérité, y creuser un trou après l'autre jusqu'au moment où ce qui se cache derrière commencera à suinter.
On m'a dit que la littérature ne devait jamais ressembler à un étalage de sentiments et je n'écris que pour faire jaillir des sentiments que le corps ne sait pas exprimer.
On m'a dit que la littérature ne devait jamais ressembler à un manifeste politique et déjà j'aiguise chacune de mes phrases comme on aiguiserait la lame d'un couteau.
C’est parce que notre relation a changé que je peux maintenant voir notre passé avec de la bienveillance, ou plutôt, faire renaître les fragments de tendresse dans le chaos du passé.
Notre rapprochement n’a pas seulement changé son avenir, il a aussi transformé notre passé.