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Douna Loup est une autrice suisse installée désormais en Suisse et qui jusqu'ici écrivait de la fiction.

Dans « Boris, 1985 » elle nous parle de son grand-oncle, Boris Weisfeiler, qui a disparu en janvier 1985 au Chili sous le régime de Pinochet. Il avait 44 ans seulement.

L'autrice part sur ses traces pour essayer de résoudre l'énigme de sa disparition : de Moscou, où il est né, et où il est catalogué de « antisoviétique », à l'Europe où il est passé, jusqu'à Boston, où il s'installe, et enfin le Chili où il va disparaître. L'autrice interroge les proches pour mieux comprendre qui fut ce jeune homme qui était par ailleurs un brillant mathématicien.

Elle part elle-même en direction des Etats-Unis, où elle va mener l'enquête, marchant sur les traces de son grand-oncle au sens propre et figuré. Il faut dire que Boris a une passion pour la randonnée et la nature. C'est d'ailleurs pendant une randonnée au Chili qu'il a disparu : s'est-il noyé, comme le veut la réponse officielle faite à la famille ? Ou au contraire a-t-il été kidnappé et transporté dans l'horrible Colonia Dignitad ? Cette institution qui relevait d'une secte, cachait de la torture, des exécutions et d'autres horreurs sous le régime de Pinochet, crimes qui sont restés impunis à ce jour.


L'autrice connaît quelques mésaventures, en enquêtant sur Boris : alors qu'elle est partie avec ses filles direction les Etats-Unis pour rencontrer d'autres membres de la famille, elle se casse la jambe malencontreusement. Mais elle poursuivra néanmoins ses recherches, allant même jusqu'au Chili pour rencontrer ceux qui ont arrêté Boris, et qui campent sur la version d'une simple noyade, ce qui paraît peu probable.

Il y a un petit côté « Into the Wild » dans les carnets que l'autrice a retrouvé tenu par son ancêtre.
Car Boris Weisfeiler n'est pas qu'un mathématicien promis à un brillant avenir : il est aussi poète à ses heures. Douna Loup peut ainsi alterner les temporalités ; tantôt des extraits du carnet écrit avant 1985, tantôt en 2019 lorsqu'elle-même mène l'enquête sur le continent américain.

Une pensée pour tous ces femmes et ces hommes, militants pour un autre régime, et torturés et ensuite jetés à la mer d'un hélicoptère par les soldats de Pinochet.

Un récit touchant, donc, qui nous fait revivre des heures sombres en Amérique latine, et nous rappelle qu'il y a eu des destins prometteurs qui furent brisés beaucoup trop tôt, du fait de circonstances absurdes et inhumaines.
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Sur les pas de son grand-oncle

Douna Loup s'éloigne de la fiction pour nous livrer le récit de son enquête aux États-Unis et au Chili pour tenter de comprendre les circonstances de la disparition de son grand-oncle Boris au Chili en 1985.

«Début janvier 2018, je sors d'un concert avec ton prénom dans la tête, Boris.
Je viens d'entendre la chanson Vino del mar, dédiée à Marta Ugarte, jeune femme militante de gauche, torturée puis jetée à la mer d'un hélicoptère par les soldats de Pinochet en 1976. Boris, mon grand-oncle, a disparu au Chili en 1985. Et cette chanson résonne comme un appel à me souvenir et à aller le voir.» Il suffit parfois d'un air de musique pour se lancer dans un projet qui mûrissait lentement. Car Douna Loup se sentait investie d'une mission, rendre à Boris Weisfeiler un visage, le sortir de l'oubli.
Né en 1941 à Moscou, Boris va réussir à sa faire une place comme mathématicien et ce malgré tous les obstacles mis au travers de sa route. Issu d'une famille juive, il apprend vite à rester discret, à ne pas s'exposer. Mais très vite sa situation va devenir intenable. Après avoir refusé de signer une lettre à l'encontre d'un collègue, il est classé «antisoviétique» et comprend que pour pouvoir poursuivre ses recherches, il ne lui reste que l'exil. Après quelques péripéties, il finit par gagner les États-Unis, d'abord à Princeton puis à l'Université de Pennsylvanie. Et pour se détendre, il pratique la randonnée, explore les contrées sauvages de son nouveau pays – il est naturalisé américain en 1981 – et des pays alentour. « J'imagine le repos qu'il trouvait dans cette pratique, le repos de ne plus être juif lorsqu'il est assis sous le chêne, de ne plus être russe sur son radeau solitaire, de ne plus être un homme, de ne plus être qu'un souffle libre, doux, dans la tendresse brute de la vie qui l'entoure de toute sa masse. Montagnes du Pérou. Torrents de l'Alaska. Lacs du Yukon. Forêt, cailloux sans noms, bêtes inconnues, baies étrangères, champignons autochtones. Boris avance dans cette assemblée qui l'accueille sans demande de passeport, sans débat de religion, il dort où bon lui semble, rêve sous la neige, marche dans l'eau, la boue, les pierres et se trouve en cette communauté première comme en son grand chez lui.»
Pour les congés de Noël 1085, il se rend au Chili. Début janvier, on perd sa trace. Il ne sera jamais retrouvé. On comprend alors pourquoi sa petite-nièce a éprouvé le besoin d'en apprendre davantage: «Boris, j'ai honte parfois de parler de toi que je ne connais pas. Toi qui étais si discret. Tu n'aimais pas causer de trouble, évitais de faire du bruit dans le fracas du monde. Tu es passé dans cette vie pour comprendre un peu de sa musique, la traduire en mathématiques, cette musique du vivant, la jouer, sourire à tes amis et tout à coup disparaître pour toujours sans laisser de traces. Laisser une équation sans résolution. Une dissolution.»
Même si son enquête a failli tourner court. Car en arrivant aux États-Unis avec ses filles, elle se casse la jambe. Mais elle est obstinée et volontaire et décide après quelques jours de suivre son plan et de parcourir la côte-Est de Chicago jusqu'en Caroline du Nord, en passant par Washington D.C. et la Virginie avant de rejoindre le Chili. Autant d'étapes qui vont lui permettre de rassembler de nombreuses pièces d'un puzzle qui reste toutefois incomplet. Car de nombreux témoins refusent d'apporter leur concours, ce qui somme toute est assez compréhensible car le Chili sous Pinochet était loin d'être un État-modèle. Il offrait alors l'asile aux anciens nazis tels que Paul Schaefer qui avait érigé la Colonia Dignidad, vaste domaine près duquel on a perdu la trace de Boris. «Schaefer bénéficie d'une totale liberté pour créer cette enclave allemande où il règne en maître absolu. L'Allemagne
ne s'en inquiète pas, décrétant par l'entremise de son ambassade que c'est au Chili de régler ce qui se passe sur son territoire.»
Douna Loup expose les pièces du dossier sans juger et met le lecteur à la place d'un juré d'assises. En l'absence de preuves, c'est son intime conviction qui est sollicitée. À vous de juger !


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D'emblée Douna Loup dit avoir déjà écrit deux romans qui retracent des vies, des destins et que c'est une façon qu'elle aime beaucoup de parler d'histoires réelles avec le souffle de la fiction. "Boris, 1985" est son troisième roman sélectionné dans le cadre du prix des lecteurs et lectrices de ma bibliothèque dans lequel elle suit les traces de son grand-oncle, Boris Weisfeiler, disparu en 1985 dans le Chili de Pinochet alors qu'il marchait seul dans une forêt, loin de tout. D'ailleurs, la marche est importante dans ce livre car la narratrice va suivre le chemin que Boris a emprunté pour tenter de comprendre sa disparition irrésolue. Elle le fait alors qu'elle s'est cassée une jambe comme s'il fallait qu'elle réapprenne à marcher en faisant cette enquête sur ce grand-oncle qu'elle n'a pas connu.

Douna Loup choisit d'alterner son carnet de voyage et la reconstitution des faits avec l'aide d'Olga la soeur de Boris qu'elle rencontre à Boston. Homme charismatique, né en URSS dans une famille juive, ce surdoué des chiffres s'était exilé aux États-Unis pour exercer librement les mathématiques.
Sa soeur et ses amis ont déjà cherché des explications notamment au sujet d'une secte allemande à la botte de la dictature chilienne qui aurait pu le séquestrer et le torturer (ce qui m'a valu quelques cauchemars).

On n'apprend rien de nouveau par rapport aux enquêtes déjà réalisées mais Douna Loup réussi à faire vivre une famille, la sienne, parce qu'elle a conscience qu'elle est faite de ce qui la précède quand elle écrit "Je n'émerge pas du néant, je viens de ce terreau passé."


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Douna Loup, autrice suisse que je découvre par ce texte, nous livre un récit personnel. Elle part à la recherche de son grand-oncle Boris né en URSS et disparu en 1985 au Chili alors qu'il se promenait dans la nature.
Elle se lance dans une enquête pour comprendre les circonstances de la disparition de cet homme qu'elle n'a jamais rencontré. Mathématicien, poète, homme solitaire, elle interroge les hommes et les femmes qui l'ont côtoyé et qui ne croient pas à la thèse d'un simple accident dans la forêt.
Le texte nous emmène des États-Unis au Chili, de doute en doute, d'éléments étranges, aux questions sans réponse.
C'est un court texte intime qui eclaire une période obscure du Chili, où sous la dictature de Pinochet, toute personne pouvait disparaitre sans que des recherches soient menées.
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L'auteur part à la recherche des traces de son grand-oncle disparu lors d'un séjour au Chili à l'époque de la dictature de Pinochet.
Douna Loup retrace les dernière rencontres de son parent, interview les personnes qui l'ont croisé ; cette sorte de journal de recherche, de quête est vain sans doute, plus de trente ans après cette disparition. Cela permettra cependant de faire revivre ce grand-oncle et de préciser le lieu, les circonstances probables de cette disparition comme une sorte de tribut au silence et à l'anonymat.
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Douna Loup nous avait habitué aux romans en forme de quête, à la recherche d'un frère disparu (Les printemps sauvages) ou des raisons d'un suicide (L'embrasure). Cette fois, le réel dépasse la fiction et l'autrice part « pour de vrai » sur les traces de son grand-oncle, c'est-à-dire le frère de sa grand-mère, disparu au Chili en 1985.

Ce grand-oncle, il faut bien avouer qu'il a eu une vie romanesque. Né russe d'un père juif et nomade, il connait une enfance marquée par les violences du fait de l'antisémitisme qui règne en URSS. Quand il s'oppose à une décision arbitraire du pouvoir, il est mis au ban de l'université où il excellait pourtant dans les mathématiques. Il décide alors de fuir et rejoints les États Unis, où il reprendra – avec succès – ses recherches en maths. Mais au delà du mathématicien, ce Boris est un type aussi discret que souriant, auquel on ne connait aucune aventure amoureuse (il avait horreur du contact physique) mais plusieurs d'amitiés intenses. Il adorait les longues aventures en solitaires dans la nature sauvage, dans une logique de quasi survie et de randonnée extrême, par exemple au fin fond de la Sibérie ou dans les grands espaces américains.

C'est dans cet optique qu'en 1985, alors qu'on est pourtant en pleine dictature de Pinochet, il part pour le Chili avec l'objectif de marcher plusieurs semaines seul dans les montagnes. Il ne reviendra jamais. S'est-il noyé dans une rivière, comme le veut la thèse officielle ? A-t-il été assassiné par l'armée qui voyait en lui un espion américain ou russe ? Quel rôle a joué la Colonia Dignidad, cette horrible secte qui servait de lieu de torture et d'enfermement, près de laquelle on perd la trace de Boris ?

J'ai trouvé ce livre assez étonnant de la part de Douna Loup. Très loin de ce qu'elle écrit d'habitude. Et en même temps, j'ai adoré la découvrir différemment, la voir enquêter, parfois assez près du danger quand elle part interroger directement les témoins et acteurs de l'affaire au Chili. le livre est par ailleurs une réflexion intime sur l'identité, la famille, les souvenirs, sur ce qui nous pousse à être obsédé par des événements ou des personnes que nous n'avons jamais connu.

Un livre court, mais prenant (je l'ai dévoré en trois soirs). Et l'écriture dense et douce de Douna Loup est comme toujours parfaite.
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J'ai adoré ce livre. Peut-être parce que je suis des ateliers biographiques et que pour moi, l'histoire des miens est importante.
En tous les cas Douna Loup nous prend par la main à la recherche de ce grand-oncle disparu qu'elle n'a jamais connu, sauf dans les récits de sa famille.
Nous la suivons en compagnie de ses filles à New-York où elle va se casser la jambe, mais rien ne l'empêche de suivre les traces que sa grand-tante lui a confié.
Car lors de la disparition de Boris, des recherches, des avocats... tout a été fait pour savoir ce qu'il était devenu. En vain.
C'était un homme brillant, mathématicien, sans doute taiseux, très indépendant qui aimait partir à l'aventure lorsqu'il le pouvait. Russe d'origine, il demande la nationalité américaine.
Lors de sa disparition, au Chili, il est proche d'un camp tenu par un allemand qui avait quitté l'Allemagne parce que son activité était considérée comme une secte, et au Chili, sous Pinochet, certaines personnes y ont été détenues.
Douna va rentrer bredouille, mais proche de cet oncle et pleine de rencontres extraordinaires.
Très beau témoignage.
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