On ne descend ainsi que dans les hallucinations ou le délire. Cet escalier n'en finissait pas. On se serait cru dans un puits hideux et la torche que je tenais au-dessus de ma tête ne pouvait éclairer les profondeurs insondables où je m'enfonçais.
Les scènes paradisiaques étaient presque trop extravagantes pour qu'on pût y croire, figurant un monde caché où le jour était éternel, avec ses cités glorieuses, ses collines et ses vallées éthérées.
Dès que j'approchai de la Cité sans Nom, je compris qu'elle était maudite. Traversant au clair de lune une affreuse vallée desséchée, je la voyais de loin, dressée au milieu des sables, comme un cadavre émergeant d'une fosse mal faite. La peur suintait des pierres, usées par le temps, de cette vénérable survivante du déluge, cette aïeule de la Grande Pyramide ; une aura invisible me repoussait et m'engageait à fuir les antiques et sinistres secrets que nul ne devait connaître, que nul devant moi n'avait osé pénétrer.
Je m'interrogeais sur ces cryptes lorsque le bruit du vent, et aussi le cri de mon chameau à l'extérieur, brisèrent le silence. Je sortis pour voir ce qui avait pu effrayer l'animal. [...] je m'aperçus qu'il n'y avait aucun vent en haut de la falaise. Cela me stupéfia et m'emplit à nouveau de crainte.
J'aurais dû savoir que les Arabes avaient de bonnes raisons pour se détourner de la Cité sans Nom, la cité connue par d'étranges récits, mais que nul mortel n’avait vue.
Je fis des rêves horribles et m’éveillai à l’aube, les oreilles résonnant d’un bruit métallique. Le soleil surgit, tout rouge, au-dessus de la cité sans nom ; je le voyais à travers un tourbillon de sable qui faisait ressortir le calme du désert. Je m’aventurai, une fois de plus, dans la cité mélancolique, elle gonflait le sable comme le corps d’un ogre une couverture, et je me remis à creuser vainement, à la recherche des vestiges de la race oubliée.
N’est pas mort ce qui à jamais dort
N'est pas mort ce qui à jamais dort,
Et dans les ères peut mourir même la Mort.
Ces monstres, estimais-je, étaient aux hommes de la Cité sans nom ce que la louve avait été à Rome, ou ce qu’est un totem à une tribu d’Indiens.
Rien en ce monde ne pouvait être comparé à ces choses, qu’en un éclair j’associai à des hybrides de chat, de bouledogue, de satyre mythologique et d’être humain.