Aux yeux de l’homme de la rue, tous ceux qui avaient passé un certain temps dans les camps nord-vietnamiens avaient forcément subi des dégâts mentaux. Cette expérience les avait forcément marqués spirituellement et leurs souvenirs n’étaient pas très en ordre. À vrai dire, cette hypothèse avait quelque chose de vrai c’était indéniable, sauf en ce qui concernait la mémoire.Les souvenirs étaient précis au contraire. Parce qu’on ne pouvait s’empêcher de les remâcher, cruellement parfois. Les années accumulées, les couches sédimentaires de l’expérience… des visages avec des yeux et des voix, des corps de toutes les tailles, de toutes les formes ; des scènes qui éclataient sur l’écran intérieur, visions et bruits, images et odeurs – et aussi le désir de toucher et d’être touché… il n’était rien dans le passé d’assez négligeable pour qu’on ne désirât pas le retrouver, l’explorer.
Qu’elles soient fondées ou non sur la réalité, les coïncidences n’étaient jamais des coïncidences.
- Supposons, je dis bien supposons seulement que le tout-puissant Mossad ait commis une erreur, qu'il y ait un détail qui ait pu échapper.
- J'ai du mal à accepter cette idée.
- Mais enfin la possibilité existe !
- A la lumière des renseignements que nous avons rassemblés, j'en doute. Pourquoi ?
- Parce que j'ai du flair, voilà pourquoi !
Des sociétés fictives, dotées de dirigeants inexistants et pourtant fort influents agissaient par l’intermédiaire d’obscurs agents en douane et de louches courtiers basés dans des entrepôts écartés ou bâtis à la hâte aux États-Unis comme à l’étranger. Il y avait des milliards et des milliards à gagner, la mort n’étant qu’un sous-produit de peu d’importance de ces tractations que l’on pouvait résumer d’une expression commode : le terrorisme des conseils d’administration.
Un pilote ne peut se mentir à lui-même. S’il le fait,il risque de s’écraser et de connaître la mort.
Et pourtant le lien qui se tissait entre eux était bien réel, il le sentait, il le savait. C’était ses propres paroles et son regard qui avaient suscité tout cela.Une simple ruse d’avocat pour amadouer un adversaire – en l’occurrence un
ennemi. L’ennemi.
Quand les murailles de la cité s’écroulent, on les appelle au secours, on les charge du sale boulot, que nous serions bien incapables de faire.
Ils ont eu leur heure de gloire et puis on les a oubliés, et ils sont les seuls à se
souvenir de leurs hauts faits, les seuls qui les revivent, interminablement.
On ne peut écraser puis unir et gouverner par la force des peuples et des civilisations disparates… on le peut pas longtemps, en tout cas.
Quand le chaos deviendra intolérable, ils seront justifiés à mettre les troupes en branle et prendront le pouvoir, en instaurant la loi martiale pour commencer.