Tout d'abord, merci à Babelio et aux éditions « Presses de la cité » de m'avoir permis de lire ce livre en « avant-première » dans le cadre d'une opération « Masse Critique ».
D'une manière générale, ce livre serait à classer comme « roman-fable écolo-didactique »… Cela fait beaucoup de caractéristiques ? Alors reprenons en détails :
- Roman car il raconte l'histoire de personnages fictifs
- Fable car une des parties se déroule dans le futur, mais aussi parce que l'oeuvre veut apporter un message pour l'avenir, une sorte de moralité.
- Ecologiste, puisque le thème central est le problème du CCD, Colony Collapse Disorder, autrement dit la disparition des colonies d'abeilles.
- Didactique, car il est très bien documenté et qu'il explique simplement l'évolution de l'apiculture et les problèmes rencontrés.
Le récit est mené en parallèle par 3 narrateurs à 3 époques différentes :
William : Angleterre – 1851
George : Etats-Unis – 2007
Tao : Chine – 2098
Dans chaque cas apparaît le thème de la transmission :
William est devenu complètement apathique parce que son maître refuse de lui transmettre son savoir de naturaliste. Il néglige même son métier de grainetier, qui fait vivre sa nombreuse famille, mettant celle-ci dans une situation très précaire. Il est tiré de son état dépressif par son fils Edmund, qui lui fournit un thème pour lequel il va se passionner : comment construire la « ruche idéale » qui permette à la fois de produire un maximum de miel, et d'assurer les meilleures conditions de vie pour les colonies d'abeilles. Mais William peut-il compter sur Edmund pour continuer cette tâche ?
George aimerait enseigner son expérience d'apiculteur à son fils Tom pour que celui-ci fasse prospérer l'entreprise qu'il a fondée, mais Tom envisage une autre voie pour son avenir, sans lien avec l'apiculture. Lorsqu'en 2007 arrive la crise du CCD, George fait appel à Tom pour que celui-ci vienne l'aider, mais sans grand succès, du moins au départ.
Tao, qui est employée à la pollinisation manuelle des arbres fruitiers, à la suite de la disparition totale des abeilles, le Grand Effondrement, essaie d'apprendre un maximum de choses à son fils Wei-Wen, âgé de 5 ans, pour que celui-ci puisse ensuite entreprendre des études réservées à de très rares privilégiés, et échappe ainsi au destin d'ouvrier agricole promis à la majorité des enfants chinois de cette époque.
Le récit est fait de courts chapitres, chacun d'eux se rapportant à un seul personnage, qui cède sa place à un autre au chapitre suivant. Cela donne un ensemble agréable à lire puisqu'on peut « picorer » quelques pages dès qu'un moment libre se présente dans la journée. le style est direct, en phrases courtes, et la traduction de
Loup-Maëlle Besançon restitue un texte tonique et précis.
Les récits de William et de George constituent l'essentiel de la partie « didactique », partie dans laquelle on ne trouve pas de grosse surprise si on connait un peu la vie des abeilles.
Plus novateur est le récit de Tao : il dépeint une Chine du futur, dévastée par la crise économique et alimentaire qui a suivi le Grand Effondrement, et où subsiste une dictature centralisée qui envoie la quasi-totalité de la population, y compris les enfants, travailler aux champs pour polliniser les plantes à la main. Car « Qui a besoin d'aller à l'école quand les réserves de blé s'épuisent ? » (p. 15)
Cette Chine, elle apparait dans son déclin comme une ruche atteinte par le CCD : la capitale, Beijing, quasiment déserte, avec des quartiers entiers d'où la population a disparu, où il ne reste plus que des malades abandonnés et des miséreux errant sans but, et une « reine » dont on se demande quel pouvoir elle a encore…
Le dénouement est quelque peu prévisible, même si on peut le trouver peu vraisemblable. Il apparaît cependant une surprise dans le fait que la transmission du savoir apicole entre générations a lieu, mais d'une façon inattendue.
Les personnages ont une certaine épaisseur psychologique, et au passage sont évoqués les thèmes des conflits entre générations, et aussi la crise qui peut naître dans un couple quand l'enfant est victime d'un accident.
Un livre globalement agréable et intéressant à lire, qui apporte une connaissance assez précise du monde des abeilles, mais je ne lui attribue que 3 étoiles car on sent qu'au fond il a pour objet d'attirer l'attention sur le problème de la disparition des abeilles en racontant une histoire, et donc que l'aspect littéraire est un moyen plutôt qu'un but en soi.