Citations sur M pour Mabel (112)
"La chasse vous rend animal, mais la mort d'un animal vous rend humain."
"A la fin des années 1980, il n'e restait que vingt-sept spécimens, et dans une tentative désespérée de sauver l'espèce, on les captura afin de pouvoir les élever en captivité et, plus tard, relâcher leurs petits pour repeupler leur habitat. Certaines personnes tentèrent de s'opposer à ce plan, sincèrement convaincues que la capture des derniers survivants signerait la fin des condors. C'étaient des oiseaux qui ne pouvaient qu'être sauvages, affirmaient-elles. Un condor captif n'est plus un condor."
"Il est un temps dans la vie où vous vous attendez à ce que le monde soit toujours rempli de nouveautés. Puis vient le jour où vous comprenez qu'il n'en va pas du tout ainsi. Vous voyez que la vie va devenir une chose faite de trous. D'absences. De pertes. Des choses qui ont été là, mais qui ne le sont plus. Et vous réalisez également que vous devez vous développer autour de ces manques, entre ces creux, même si vous pouvez tendre la main à l'endroit où ces choses ont existé et sentir le terne éclat de la tension des lieux où les souvenirs se logent."
"Lâcher l'autour, le faire voler sas sa filière, sans rien qui l'empêche de s'élancer à corps perdu et de partir, rien sinon les liens qui nous relient. Des riens tangibles mais immatériels : les liens de l'habitude, de la faim, du partenariat, de la familiarité. De ce que les anciens fauconniers auraient appelé l'amour. Faire voler un faucon librement a toujours quelque chose d'effrayant. C'est le moment où vous mettez ces liens à l'épreuve. Et cela n'a rien de facile quand la confiance que vous avez dans le monde a été détruite et que votre cœur est tombé en poussière."
"Parfois, nous faisons le compte de toutes les vies que nous avons perdues, et parfois c'est nous-mêmes qui les réduisons en cendres."
"Ce n'était jamais la faute des fauconniers. Les autours, comme les femmes, étaient incompréhensibles. Boudeurs, capricieux et hystériques. Leurs sautes d'humeur étaient pathologiques. Ils étaient inaccessibles à la raison. Cependant, en remontant dans le temps, je découvre que les autours du XVIIe siècle n'étaient pas du tout infâmes. Ils étaient "sociables et familiers", bien que de nature "timide et craintive", comme l'écrit Simon Latham en 1615. Ils 's'offusquent [...] d'un comportement violent et dur", mais si on les traite avec douceur et considération, ils deviennent "aussi affectueux et attachés à leur maître que tout autre rapace". A cette époque aussi, on parle d'eux comme s'ils étaient des femmes. Ce sont des êtres qu'il faut conquérir, courtiser et aimer."
"La peur était contagieuse. Elle envahissait spontanément mon coeur quand les gens s'approchaient. Je ne savais pas si l'autour se débattait parce qu'elle était effrayée par ce qu'elle voyait ou parce que je lui communiquais ma propre terreur. Il se passait aussi autre chose pendant nos promenades. Nous étions devenues invisibles. Les gens que nous croisions ne s'arrêtaient pas, ils ne nous regardaient pas, ne jetaient même pas un coup d'œil en coin dans notre direction. Une partie de moi-même s'était mise à croire qu'ils ne nous voyaient tout simplement plus."
"C'est une habitude dans laquelle on peut vite tomber mais, croyez-moi, l'invisibilité vous joue de très mauvais tours dans la vie - dans vos relations avec les autres, en amour, au travail ou à la maison. En ce qui concerne les premiers jours de dressage d'un nouveau faucon, en revanche, savoir disparaître est le plus grand talent du monde."
"Le simple fait qu'il y ait des autours en Grande-Bretagne m'emplit de bonheur. Leur existence dément l'idée que la nature sauvage doive nécessairement être quelque chose qui n'a jamais été touché par le coeur ou la main de l'homme. La nature peut être l'œuvre de l'homme."
Ces milliers et milliers de photos prises par mon père. réfléchissez-y plutôt. Chacune d'elles est un document, un testament, un rempart contre l'oubli, contre le néant, contre la mort. (...)
Toutes ces choses étaient advenues, et mon père les avait fixées dans une mémoire qui n'était pas seulement la sienne, mais celle du monde. La vie de mon père n'avait rien à voir avec la disparition. Toute sa vie durant, il avait lutté contre la disparition. (p.106)