Si White avait su ce qu'il faisait, Gos aurait pu voler librement en une semaine. Mais il ne le savait pas. Il n'avait pas compris qu'un faucon que l'on dresse ne doit pas être rassasié, car ce n'est qu'en offrant de la nourriture à un oiseau sauvage qu'on l'incite à nous considérer comme un être bienveillant et non comme un danger menaçant toute l'existence. (p. 110)
-Elle a perdu son chaperon, a-t-il dit en faisant une grimace.
Ce petit capuchon de cuir sert à empêcher le faucon de voir des choses effrayantes. Nous, par exemple. (p. 80)
Douceur et amour. Je me souviens que tout en conduisant, j'ai repensé avec indolence à ce brusque accès d'amour brûlant que j'avais ressenti, sur le quai de ce port écossais, pour un homme qui tenait dans ses bras un oiseau terrifié par un monde qu'il ne pouvait comprendre . Il m'a fallu des kilomètres de réflexion patiente pour comprendre que cet amour avait un lien avec mon père et avec moi-même. (p. 86)
Ce que nous projetons dans la vie des animaux, ce sont les leçons que nous avons apprises du monde. (p. 90)
Les faucons ne défèquent pas, on dit qu'ils émeutissent, et quand ils étendent leurs ailes pour cacher la proie qu'ils ont empiétée, ils -font manteau-. Ce catalogue, étourdissant de précision, semble sans fin, et ce pour une raison bien précise : connaître cette terminologie attestait de votre rang dans la société. (p. 73)
Puis je me suis mise à fabriquer des jets. (...)
Les jets sont des lanières de cuir qui passent dans les bracelets, également en cuir, fixés autour des pattes d'un faucon dressé. Le vocabulaire de la fauconnerie en anglais vient du français du XIVe siècle, du temps où la fauconnerie était le sport favori de l'élite. De petits fragments d'histoire sociale contenus dans une lanière de cuir. (p. 73)
L'archéologie de la douleur ne se fait pas avec ordre et méthode. Cela ressemble davantage à la terre que vous retournez à la bêche et où vous découvrez parfois des choses oubliées. Des éléments surprenants refont surface: non seulement des souvenirs, mais aussi des états d'âme, des émotions, des visions du monde plus anciennes. (p. 271)
La vieille Angleterre est un endroit imaginaire, un paysage fait de mots, de gravures, de films, de peintures pittoresques. C'est un lieu imaginé par les hommes, or les hommes ne vivent pas très longtemps et ne sont pas de bons observateurs. Nous savons très mal prendre en compte des échelles différentes. Tout ce qui vit dans le sol est bien trop petit pour que nous nous en préoccupions. Et le changement climatique, bien trop gigantesque pour que nous puissions l'imaginer. Nous ne savons pas non plus prendre en compte le passage du temps. Nous ne nous souvenons pas de ce qui vivait ici avant nous, et nous ne pouvons pas aimer ce qui n'existe plus. Nous ne sommes pas capables d'imaginer ce qui sera différent quand nous serons morts. Nous vivons nos quelque soixante-dix années et ne lions que les noeuds et les liens qui nous concernent.
Plus loin, des bandes d'armoises que le gel a fait mourir, tiges et branches encore couvertes de graines, milliards de petites perles flétries sur des sapins de Noël décatis.
L'écrivain et écologiste américain Aldo Leopold a écrit que la fauconnerie consistait à maintenir l'équilibre entre sauvagerie et apprivoisement, non seulement chez le faucon mais également dans le coeur et l'esprit du fauconnier.